Son engagement en tant que journaliste
Durant ses années d’études en économie et en sociologie politique, Omar Radi s’est forgé une conscience critique nourrie par le contexte social du Maroc. Il a grandi à Casablanca, dans un pays relativement plus libre que d’autres de la région, mais marqué par une forte répression dès que la parole sort du cadre imposé. À cette époque, le Maroc connaissait une montée des mobilisations contre les politiques économiques et les injustices sociales — un climat qui a contribué à façonner son regard sur la société.
Omar Radi a en effet choisi d’analyser son pays à travers le prisme de l’économie politique, en se demandant toujours qui détient le pouvoir, à qui profite la richesse, et qui paie le prix des décisions politiques. Son engagement journalistique a pris une tournure décisive à partir de 2017, lorsque de nombreuses familles pauvres, souvent sans ressources ni soutien juridique, ont vu leurs terres confisquées par l’État sous prétexte d’y construire des infrastructures d’intérêt public. Dans les faits, ces terres finissaient entre les mains de grand·e·s investisseur·euse·s privé·e·s pour y développer des projets lucratifs : golfs, villas de luxe, zones touristiques.
À travers ses enquêtes, Omar Radi a mis en lumière les mécanismes d’une dépossession silencieuse au service d’une minorité. Son travail, rigoureux et dérangeant, l’a conduit à devenir une voix critique du pouvoir — et à entrer dans le viseur des autorités.
« Je savais que je finirais en prison »
Durant les rencontres, l’attitude lucide, simple et déterminée d’Omar Radi a forcé le respect. Dès le début, il savait que son travail de journaliste critique allait l’exposer à de graves représailles. « J’avais le choix entre me taire ou assumer les conséquences », a-t-il dit. Et il a choisi de parler.
Critiquer la monarchie au Maroc n’est pas anodin. Omar Radi l’a payé cher. Accusé d’espionnage (pour avoir rencontré des diplomates ou reçu un salaire depuis l’étranger par exemple dans le cadre de son travail de journaliste et d’enquête) et d’agression sexuelle (une accusation souvent utilisée par les autorités pour faire taire des voix qui dérangent), il a été condamné à six ans de prison en 2021, à l’issue d’un procès largement dénoncé comme injuste et inéquitable.
Pegasus, procès inique et solidarité internationale
L’arrestation d’Omar Radi est intervenue après la révélation par Amnesty International que son téléphone avait été espionné via le logiciel Pegasus. « Ce fut la goutte d’eau », a-t-il expliqué aux élèves. Peu après, il a été arrêté, puis jugé lors d’une parodie de procès (sans qu’il puisse véritablement se défendre) et emprisonné dans des conditions particulièrement dures.
Malgré cela, Omar Radi a raconté retenir surtout le soutien de ses proches et la solidarité massive dont il a bénéficié. Il a évoqué avec émotion les cartes postales reçues, les lettres envoyées par des anonymes, les campagnes d’Amnesty International, et les articles de presse : « La solidarité peut tout changer, même face à des monstres. »
Cette mobilisation internationale a en effet abouti, en juillet 2024, à une grâce royale et à sa libération anticipée.
« Je ne sais pas me taire »
Depuis sa sortie de prison, Omar Radi ne peut plus exercer le journalisme au Maroc à cause de son casier judiciaire. Mais il continue d’écrire, de signer collectivement des articles, et d’intervenir dans des conférences. « Je fais attention. Je pèse mes mots. Mais je ne sais pas me taire. »
Devant les élèves, il insiste sur l’importance de la critique comme moteur de progrès. Il rêve d’un Maroc où l’on pourrait débattre des décisions royales, où la liberté de la presse ne serait plus un risque mais un droit. Il ajoute : « Je me dis qu’il faut que j’amène le gouvernement marocain à accepter la critique et la transformer en énergie positive à la faveur de tout le monde. »
Une parole essentielle dans un monde répressif
À travers ses échanges avec les élèves, Omar Radi a aussi rappelé que la répression n’est plus seulement l’apanage des dictatures arabes, africaines ou d’Europe de l’Est. « Ce qui m’arrive n’est pas si loin de ce qu’on voit aujourd’hui sur les campus américains avec la répression du mouvement pro-palestinien. » La liberté d’expression est partout menacée, et son combat parle à toutes les générations.
Merci à Omar Radi pour son courage et son honnêteté. Merci aux élèves pour leurs questions sincères et leur écoute attentive ! Et merci aux enseignantes des groupes Amnesty de ces deux écoles d’avoir tout mis en oeuvre pour l’accueillir et organiser au mieux ces rencontres.