Le cyberharcèlement, on en parle ?

Le cyberharcèlement touche de plus en plus de monde et notamment les jeunes. En Belgique, un·e jeune sur trois en a déjà été victime. Dans cet article, on te parle de ce que l’on entend par « cyberharcèlement », de ses liens avec les droits humains et surtout des réactions à adopter pour le combattre et s’en protéger.

Qu’est ce que la cyberviolence et le cyberharcèlement ?

Le cyberharcèlement se définit comme un acte agressif, intentionnel, commis par une personne ou un groupe, au moyen de communications électroniques, de façon répétée, à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule.

Les cyberviolences constituent une forme de violence particulière. Premièrement, la cyberviolence étant réalisée sur des plateformes numériques, il n’existe aucun lien direct entre la personne responsable de cet acte de violence et la victime. Ainsi, les violences que subissent les victimes dans une sphère sociale déjà existante (école, unif, sphère professionnelle, club de sport) peuvent se prolonger au domicile. De plus, Internet offre un anonymat qui peut bénéficier à la personne responsable de ces actes et augmenter le sentiment de solitude de la victime. Ensuite, ces violences ont une capacité de diffusion et de reproduction rapide, il peut, par exemple, être très difficile de reprendre le contrôle d’un simple message publié. Pour finir, le cyberharcèlement est souvent qualifié de violence de genre, parce qu’il touche en majorité les femmes et les filles, ou de violence liée à l’identité, car il touche particulièrement les personnes issues de minorités, que ce soit de genre, d’ethnie ou de religion. Pour autant, il est important de rappeler qu’une personne n’est jamais victime de violences en raison de son origine ethnique, sa sexualité, sa religion ou son handicap. Une personne est harcelée à cause des comportements négatifs de la personne qui l’agresse.

La violence numérique a des conséquences tout aussi graves que les violences subies dans la vie « réelle ». Les personnes qui la vivent souffrent de solitude, de tristesse, d’anxiété, de dépression, ce qui peut amener, dans certains cas, jusqu’au suicide. Les victimes peuvent éprouver un sentiment de culpabilité et de honte, mais une personne n’est jamais responsable des violences qu’elle subit.

Connais-tu les différents types de cyberviolence ?

Il existe de nombreux types de violence en ligne qui varient selon les moyens et les procédés utilisés, mais, dans tous les cas, ils sont tous inacceptables et il n’y a pas de violence plus grave qu’une autre. En voici quelques exemples qui peuvent te permettre de reconnaître si tu es victime de cyberviolence.

  • Les propos diffamatoires et discriminatoires : c’est-à-dire les propos humiliants, agressifs, injurieux ;
  • Le doxxing : c’est-à-dire la divulgation d’informations sur l’identité ou la vie privée d’une personne sans son consentement et dans l’optique de lui nuire ;
  • Le revenge porn : c’est-à-dire la diffusion d’image à caractère sexuel sans le consentement de la personne qui est présentée ;
  • Le slut-shaming : c’est le fait de stigmatiser une personne, généralement une femme, pour sa tenue, son comportement ou son attitude considérés comme (trop) révélateurs de sa sexualité (réelle ou supposée) ;
  • Le flaming : il s’agit de l’envoi, par les réseaux sociaux, de courts messages très violents.
  • Le happy slapping ou vidéo-lynchage : cela consiste à filmer et diffuser sur les réseaux sociaux, sans le consentement de la victime, des agressions physiques ou des scènes intimes ;
  • Le dénigrement : c’est la propagation de rumeurs visant à ruiner la réputation d’une personne/ les intimidations, insultes, moqueries, menaces, les incitations à la haine ; l’usurpation d’identité, le piratage de compte ;
  • Le cyberstalking : il s’agit de la méthode consistant à envoyer de multiples messages injurieux ou à diffuser méthodiquement et systématiquement des documents gênants.
  • Le cybercontrôle et la cybersurveillance : c’est le fait, généralement dans un couple, d’exiger de son ou sa partenaire les codes d’accès de son téléphone ou à ses réseaux sociaux afin de contrôler ses activités d’une personne ; le fait d’exiger de savoir et de prouver où on se trouve, d’être joignable en permanence ; le fait de surveiller les déplacements d’une personne.

Quels droits humains sont en jeu ? Quels droits nous protègent sur Internet ?

Notre vie numérique est réglementée et protégée par des droits. La cyberviolence touche à plusieurs droits fondamentaux, tels que le droit au respect de la dignité humaine, à la vie privée ou le droit à la liberté d’expression ainsi qu’à des droits spécifiques à la sphère électronique.

La dignité humaine
La dignité humaine est affirmée par de nombreux textes de droit international. Il s’agit d’un principe qui regroupe de nombreux droits. Le principe de dignité affirme qu’une personne ne doit jamais être traitée comme un objet ou comme un moyen, mais de manière humaine. Elle mérite un respect inconditionnel, indépendamment de son âge, de son sexe, de son état de santé physique ou mentale, de sa condition sociale, de sa religion ou de son origine ethnique.
Le cyberharcèlement constitue une atteinte à la dignité humaine, car il s’agit d’une violence psychologique qui atteint la santé mentale et peut aller jusqu’à mettre en danger l’intégrité physique. De plus, ces actes constituent des traitements dégradants pour la personne qui les subit.

Le droit à la vie privée
La vie privée est protégée par de nombreuses sources de droits, notamment l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ce droit protège plusieurs aspects de la vie privée : la protection du domicile, le secret professionnel et médical, la protection du droit à l’image, la protection des communications, la protection de l’intimité, etc.
Le cyberharcèlement constitue une violation de ce droit fondamental car la vie privée des personnes visées peut être compromise par le partage non autorisé de leurs informations personnelles, comme leur adresse, leur numéro de téléphone, des détails intimes.

La liberté d’expression
L’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme affirme le droit à la liberté d’expression comme de nombreux autres textes de droit international et national. Cette liberté fondamentale regroupe plusieurs aspects : la liberté d’opinion, d’expression et d’information. Cela signifie que nous sommes libres de manifester nos opinions, libres de nous exprimer et libres de chercher ou de répandre de l’information, dans la vie «  réelle » comme dans la sphère numérique. Pour autant, d’autres droits fondamentaux peuvent constituer des limites à la liberté d’expression. Par exemple, le principe de dignité humaine ou le droit à la vie privée commandent de ne pas divulguer des informations qui portent atteinte à l’intégrité morale d’une personne.
Ainsi la personne à l’origine d’un acte de cyberharcèlement commet une violation du droit à la liberté d’expression lorsqu’elle exprime des propos diffamatoires et discriminatoires, ou lorsqu’elle partage les informations personnelles d’une tierce personne. Le cyberharcèlement peut également constituer un frein à l’exercice de la liberté d’expression pour les victimes. En effet, les personnes visées par les cyberviolences ressentent souvent un sentiment d’exclusion, qui peut les amener à se mettre en retrait et donc réduire leur espace d’expression.

Les normes spécifiques aux violences en ligne
Il existe également des normes juridiques qui réglementent et condamnent spécifiquement les violences commises en ligne. Il s’agit principalement de la Convention de Budapest relative à la cybercriminalité, mais également de la Convention de Lanzarote qui protège les enfants de la violence sexuelle, dont celle issue de l’environnement en ligne, et la Convention d’Istanbul qui vise à prévenir la violence à l’égard des femmes, notamment celle dans la sphère numérique.

Il existe de nombreuses lois qui nous protègent en ligne, que ce soit au niveau international ou au niveau national. Ces éléments sont autant de sources qui permettent d’affirmer que les faits de cyberviolences sont répréhensibles et que les personnes qui les commettent en sont responsables. Tu es donc dans ton droit si tu les dénonces.

Que faire si tu es victime de cyberharcèlement ?

Une personne victime de cyberharcèlement peut souvent se sentir seule et impuissante. Pourtant, il existe des moyens de se défendre. Voici quelques réactions possibles que tu peux adopter ou des actions que tu peux réaliser si jamais tu es victime de cyberharcèlement.

  • Tu peux signaler le contenu ou l’individu au réseau social. Ce n’est pas toujours efficace mais il est important que le réseau social connaisse les personnes accusées pour pouvoir agir, parfois après plusieurs signalements. Il est aussi possible de faire un signalement auprès de l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes (IEFH) ou de l’UNIA, le service public pour l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations. L’IEFH peut déposer plainte à la demande de la victime. L’outil #stopcybersexisme est un outil pédagogique et ergonomique qui donne de multiples tutoriels afin de signaler les comportements sexistes en ligne selon les plateformes et réseaux.
  • Tu peux porter plainte en te rendant dans un bureau de police. La police est obligée de prendre en compte ta plainte. Si possible, tu peux apporter des preuves de l’agression (par exemple, des captures d’écran). La police va prendre note de ta plainte et de toutes les informations liées à ta plainte qu’elle va rassembler dans un procès-verbal, puis t’en remettre une copie ainsi qu’une attestation de dépôt de plainte. Le procès-verbal est ensuite transmis au parquet, c’est-à-dire aux magistrats responsables des enquêtes. Demande le numéro du procès-verbal pour pouvoir suivre l’affaire et savoir quel parquet (de quelle commune) est compétent.
  • Tu peux disparaître ou fuir : supprime ton compte ou change de pseudo, déconnecte-toi des réseaux sociaux quelque temps, bloque la personne à l’origine du cyberharcèlement, demande à quelqu’un de lire les commentaires avant toi pour supprimer les commentaires haineux. Il n’y a pas de honte à avoir !
  • Tu peux contacter le fournisseur de service Internet (FSI) de la personne qui t’agresse si on l’a identifiée, ou son service de téléphone portable. En général, ces fournisseurs interdisent l’utilisation de leurs services à des fins abusives. Le FSI pourra alors prendre contact avec cette personne ou peut-être fermer directement son compte Internet.
  • Tu peux te protéger, en changeant ton mot de passe, en augmentant la confidentialité de tes publications, en retirant certaines informations personnelles comme ton adresse email, ton numéro de téléphone ou les liens renvoyant vers tes autres comptes. Il est aussi possible de demander le déréférencement aux différents moteurs de recherches, ce qui permet qu’un contenu ne soit plus relié à ton nom.
  • Tu peux rappeler le cadre légal à la personne qui t’agresse en lui indiquant que le harcèlement en ligne est un délit punissable par la loi. Cela peut la dissuader de continuer.
  • Tu peux dénoncer le cyberharcèlement dont tu es victime en partageant publiquement des captures d’écran de l’agression (attention à cacher le pseudo et la photo de profil de la personne à l’origine du cyberharcèlement pour ne pas être accusé·e de diffamation).
  • Tu peux chercher de l’aide  : avant tout, il faut parler, discuter avec des proches ou des professionnels !

Voici les différentes personnes ou structures auxquelles tu peux t’adresser :

  • Ton entourage : tes parents ou un adulte de ta famille, un·e ami·e en qui tu as confiance.
  • Ton école, à travers un·e professeur·e.
    Tu peux également installer l’application CyberHelp. Elle permet de prendre des captures d’écran de conversations avec l’élève à l’origine du cyberharcèlement pour avoir des preuves et de prendre contact avec une personne de référence, par exemple un·e professeur·e de ton école. Elle permet également une prise en charge plus rapide par la police et les magistrats grâce au système de collecte de preuves. Le but est de s’assurer que le cyberharcèlement ne reste pas impuni. L’application fonctionne sur tous les supports et tous les réseaux sociaux.
  • Les centres de planning familial.
  • La ligne d’écoute 103 (Service Écoute-Enfant) ou 107 (service d’écoute).
  • Un·e psychologue, un·e médecin, un·e juriste ou avocat·e.
  • Une structure spécifique comme les associations Child Focus pour les enfants (ligne d’écoute 116 000), les Maisons arc-en-ciel pour les personnes LGBTI+, Femmes de droit - Droit des femmes ou Fem&Law pour les agressions sexistes, etc.
  • L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) permet d’obtenir plus d’informations sur tes droits et permet également de signaler une discrimination fondée sur le genre (le harcèlement sexiste est une forme de discrimination) via un formulaire en ligne, ou un numéro gratuit 0800/12 800.
  • L’UNIA, un service de promotion de l’égalité des chances et de lutte contre la discrimination auprès duquel tu peux faire un signalement.
  • La plateforme numérique : en tant que victime, tu peux aussi demander à la plateforme (réseau social, forum, etc.) de retirer le contenu véhiculé, en particulier s’il s’agit de contenu illicite (comme une photo à caractère sexuel). L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes a créé un manuel pour t’aider à retirer des images qui te concerne sur les réseaux sociaux notamment en cas de « revenge porn ». N’hésite pas à le consulter.
  • Évite de trop discuter avec la personne qui t’agresse car elle cherche à te faire réagir et elle y prend du plaisir.

Que faire si tu es témoin de cyberharcèlement ?

  • Signale rapidement le contenu insultant ou humiliant, ou le compte de la personne à l’origine de l’acte de cyberharcèlement via le bouton « signaler » ou en remplissant un formulaire pour décrire la situation. Les réseaux sociaux ont l’obligation de mettre en place des politiques de modération, c’est-à-dire de filtrer et de supprimer les comptes ou les contenus racistes, sexistes, insultants ou diffamatoires, et de supprimer les contenus illégaux.
  • Ne partage pas le contenu insultant car cela encourage la personne à l’origine de l’acte de cyberharcèlement et cela nuit à la victime
  • Défends la victime en public, à titre individuel ou en groupe en montrant à la personne à l’origine de l’acte de cyberharcèlement que son comportement est inacceptable et que la victime n’est pas seule. Par exemple, une personne répond au contenu dégradant et d’autres témoins solidaires peuvent suivre afin de montrer à la personne à l’origine de l’acte de cyberharcèlement qu’elle ne dispose pas d’une forme d’impunité. Un groupe Facebook ou Instagram peut aussi être créé pour se mobiliser quand apparaît une situation de harcèlement en ligne. Une forte mobilisation groupée constitue une barrière essentielle au harcèlement car elle a plus d’influence que l’intervention d’une seule personne.
  • Contacte la victime en privé pour lui manifester ton soutien. Tu peux lui demander comment elle va, l’écouter si elle a besoin de se confier, lui partager des ressources et des pistes pour mettre fin au harcèlement et l’inciter à en parler. Parfois, cette personne n’est pas au courant que du contenu circule sur elle sur Internet.
  • Rappelle le cadre légal à la personne à l’origine de l’acte de cyberharcèlement et que son comportement est punissable par la loi.
  • Avec l’accord de la victime, tu peux l’aider dans ses démarches  : en l’aidant à porter plainte auprès de la police ou de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (l’IEFH) en cas de harcèlement sexiste ; à faire un signalement auprès de I’IEFH ou d’UNIA (service de lutte contre la discrimination et de promotion de l’égalité des chances) ; à contacter les réseaux sociaux ou le fournisseur de service Internet (FSI) si vous connaissez la personne à l’origine du cyberharcèlement ; à constituer un dossier avec différentes preuves etc.

C’est important d’en parler. Ne reste pas seul·e face au cyberharcèlement.

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