La solidarité n’est pas un crime !
Pierre Mumber et Scott Warren ont, tous deux, été déclarés non coupables à l’issue de leur procès respectif. Mais de quoi étaient-ils accusés ?
Pierre Mumber est un guide de montagne français dans les Alpes qui connait bien les risques et conséquences encourus par les personnes qui tentent de franchir les Alpes de l’Italie à la France, notamment le risque de se perdre dans les montagnes enneigées en hiver. Il a commencé, avec d’autres habitants de la région, à fournir une aide humanitaire aux personnes migrantes, souvent mal équipées pour ce périlleux voyage. En effet, durant l’hiver, les habitants bénévoles de la région font régulièrement des maraudes, autrement dit des rondes, au bord des routes enneigées pour aider les personnes qui se trouvent en difficulté après avoir traversé les montagnes dans des conditions dangereuses depuis l’Italie.
Ainsi, le 6 janvier 2018, Pierre Mumber a offert du thé et des vêtements chauds à quatre demandeurs d’asile originaires d’Afrique de l’Ouest. Deux policiers sont alors arrivés et ont emmené les demandeurs d’asile jusqu’à leurs voitures, en demandant à Pierre Mumber de venir avec eux. Un peu plus tard, alors que Pierre Mumber se trouvait à distance, trois des quatre demandeurs d’asile ont échappé à la surveillance des policiers et ont pris la fuite.
Pierre Mumber a alors été déclaré coupable et condamné à trois mois de prison avec sursis par la justice pour « aide à l’entrée irrégulière d’un étranger ».
En effet, à la frontière franco-italienne, la police française, en plus de refuser l’entrée des demandeurs d’asile et des migrants et les refouler illégalement vers l’Italie, criminalise les actions légitimes des personnes qui viennent en aide aux migrants, comme c’est le cas de Pierre Mumber.
Mais, mi-novembre 2019, Pierre Mumber a été déclaré non coupable par la cour d’appel de Grenoble !
Quant à Scott Warren, médecin et bénévole humanitaire américain, il a été arrêté le 17 janvier 2018 pour avoir fourni une aide humanitaire (de la nourriture, de l’eau, une assistance médiale et un abri) à deux migrants sans papiers dans la ville d’Ajo, une région désertique de l’Arizona, là où il habite aux États-Unis. S’il était reconnu coupable de tous les chefs d’inculpation retenus contre lui, Scott Warren encourrait 20 ans d’emprisonnement. Mais, le mercredi 20 novembre dernier, le tribunal d’Arizona a pris la décision de déclarer Scott Warren non coupable des chefs d’accusations retenus contre lui !
Toutefois, la situation aux États-Unis reste préoccupante. Depuis 2018, le gouvernement américain mène une campagne illégale et discriminatoire d’intimidation, de menaces, de harcèlement et de poursuites pénales contre les personnes qui défendent les droits humains des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Le gouvernement utilise de plus en plus souvent le système pénal pour dissuader les militants, les avocats, les journalistes et les bénévoles humanitaires de contester ou même de signaler les violations systématiques des droits humains commises par les autorités américaines contre les migrants et les demandeurs d’asile.
Le gouvernement des États-Unis accusent les défenseurs des droits humains de crimes tels que le trafic d’êtres humains, en raison simplement de leurs activités humanitaires et liées aux droits humains ou de leur expression d’opinions politiques et autres.
Les autorités américaines ont soumis des défenseurs des droits humains à une surveillance injustifiée, des interrogatoires, des fouilles invasives, des restrictions de la liberté de mouvement et, dans quelques cas isolés, une fausse arrestation et une détention illégale. Elles ont ainsi violé la Constitution des États-Unis, le droit américain et le droit international.
Depuis le début de l’année, les autorités américaines ont déjà poursuivi au pénal neuf bénévoles humanitaires pour avoir fourni une aide humanitaire à des migrants et des demandeurs d’asile à la frontière de l’Arizona avec le Mexique, où des milliers de personnes ont péri au cours des deux dernières décennies.
Amnesty International estime que les actions de Pierre Mumber et de Scott Warren consistent en de l’aide humanitaire, qui est légale au regard du droit national et international. La solidarité n’est pas un crime !
Mais ce ne sont pas des cas isolés
Les cas de Pierre Mumber et Scott Warren ne sont pas des cas isolés : ils sont emblématiques d’un problème plus large à travers le monde. D’autres défenseurs des droits humains ont été inculpés pour avoir apporté une aide et continuent d’être pris pour cible simplement parce qu’ils sont solidaires envers les personnes cherchant à rejoindre un lieu plus sûr, alors qu’aucun gouvernement ne devrait criminaliser la solidarité.
Actuellement, Amnesty International met en avant le cas de Sarah Mardini et Seán Binder, deux jeunes âgés de 24 et 25 ans, qui ont tous deux mené bénévolement pour une organisation à Lesbos, en Grèce, des actions de sauvetage en mer de migrants et réfugiés entre 2017 et 2018.
Leurs actions consistaient à repérer les bateaux en détresse afin de pouvoir porter secours aux personnes qui tentaient de traverser la Méditerranée au péril de leur vie pour rejoindre un lieu sûr. Leurs actions de sauvetage avaient pour but de permettre à ces personnes d’arriver en toute sécurité sur l’île de Lesbos et fournir une première assistance.
Le 17 février 2018, Sarah et Seán ont été arrêtés, interrogés et détenus par les autorités grecques en raison de leurs actions en mer, puis relâchés après 48 heures, le 19 février. Suite à cela, une enquête a été ouverte.
Le 21 août 2018, ils ont de nouveau été arrêtés et détenus pendant plus de trois mois. Ils ont été libérés sous caution dans l’attente de leur procès. Ils sont accusés d’espionnage, de trafic d’êtres humains et d’appartenance à une organisation criminelle. Ils risquent jusqu’à 25 ans de prison !
Pour en savoir plus sur le parcours de Sarah et Seán et pour agir :
Et pour plus d’informations sur le cas de Scott Warren :