Teodora Vásquez est enfin libre ! Libérée après avoir injustement passé plus de 10 ans derrière les barreaux

Imagine : tu es une femme, tu portes un enfant dans ton ventre pendant plusieurs semaines ou mois – tu le sens grandir, donner des coups de pied, avoir le hoquet et se retourner – et finalement, tu fais une fausse couche ou tu accouches d’un enfant mort-né.

C’est une situation douloureuse que vivent des milliers de femmes à travers le monde, chaque année. C’est ce qu’a vécu Teodora Vásquez en 2007. Cette femme salvadorienne, âgée de 37 ans, a été doublement punie : en plus du chagrin causé par la perte de son enfant, elle a été mise en prison pour infanticide.

Libérée après avoir injustement passé près de 11 ans derrière les barreaux

En 2007, Teodora del Carmen Vásquez a accouché d’un enfant mort-né, après avoir subitement ressenti des douleurs aiguës pendant qu’elle était au travail. Quand la police l’a arrêtée, elle était étendue dans une mare de sang. Elle a été jugée coupable d’homicide avec circonstance aggravante (on l’accuse d’avoir provoqué l’avortement) malgré un nombre très limité d’éléments de preuve. Elle a été condamnée à 30 de prison !

Depuis son premier procès, elle a passé près de 11 ans derrière les barreaux. Ses demandes de remises en liberté ont été balayées, les données scientifiques n’ont pas été pleinement examinées.

Le 15 février 2018, Teodora a enfin été libérée, car un tribunal lui a accordé une réduction de peine ! Précisons cependant que sa condamnation n’a pas été annulée et qu’elle n’a pas été reconnue innocente. Ses avocats ont bien l’intention de rétablir la vérité et de réclamer des indemnités et des réparations pour les 10 années qu’elle a passées derrière les barreaux.

« Quelle joie de voir Teodora sortir de prison, d’autant qu’elle n’aurait jamais dû y passer un seul jour. Cependant, le Salvador est encore loin de garantir pleinement le respect des droits des femmes et des jeunes filles dans le pays. Les autorités au Salvador doivent abroger cette loi scandaleuse sur l’avortement, qui engendre un climat de discrimination, de douleur et d’injustice. », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International.

Salvador : une loi anti-avortement traumatisante et injuste

Selon la loi en vigueur au Salvador, les femmes et les filles qui connaissent des complications médicales pendant leur grossesse continuent d’être punies. Depuis 1998, l’avortement est totalement illégal (y compris en cas de viol, d’inceste, quand la santé ou la vie de la mère est menacée, quand le fœtus présente des malformations sévères ou mortelles). Si les femmes font des fausses couches ou accouchent d’enfant mort-né, elles sont immédiatement présumées coupables de meurtre.

Les sanctions sont très lourdes puisque les peines de prison vont de deux à huit ans pour les femmes, mais aussi pour les personnes qui aident. Les professionnels de la santé peuvent être condamnés à jusqu’à 12 ans de prison !

Selon l’ONG salvadorienne Agrupación Ciudadana por la Despenalización del Aborto (Groupement citoyen pour la dépénalisation de l’avortement), entre 2000 et 2011, 129 femmes ont été poursuivies en justice pour des infractions liées à l’avortement dans ce pays.

Teodora est l’une des 17 femmes qui, entre 1999 et 2011, ont été condamnées à des peines allant jusqu’à 40 ans de réclusion après avoir fait une fausse couche ou accouché d’un enfant mort-né, la plupart pour homicide avec circonstances aggravantes. Bien qu’aucune statistique officielle ne soit disponible, Amnesty estime qu’au moins 5 autres femmes au Salvador attendent actuellement leur condamnation pour des faits similaires liés à une grossesse.

L’injustice, c’est que les Salvadoriennes les plus aisées ont, elles, les moyens de bénéficier de soins médicaux dans des établissements privés ou à l’étranger. Pour les personnes avec peu de ressources financières, elles doivent se rendre dans des établissements publics où les médecins, craignant des poursuites, appellent la police lorsqu’une femme se présente en détresse.
Le Salvador est loin d’être un cas isolé en la matière. De nombreux pays interdisent encore l’avortement, où ne l’autorise que dans des cas extrèmes. Dans de nombreux pays, des lois très dures sur l’avortement pénalisent toujours les mêmes classes de la population : les femmes ayant de faibles revenus, en générales aussi les femmes non
 blanches (aux États-Unis, les femmes d’origine afro-américaine sont souvent prises pour cible par exemple).

L’avortement : le droit de librement disposer de son corps et le droit à la santé

Ces histoires tragiques doivent cesser. Les femmes dans leur ensemble sont au cœur d’un champ de bataille politique et culturel concernant les droits sexuels et reproductifs, et bien souvent, la loi donne la priorité à l’idéologie plutôt qu’aux droits humains. Pourtant, le droit de librement disposer de son corps est un droit fondamental, (il fait partie des « droits sexuels et reproductifs »). Amnesty est convaincue que qui que vous soyez, où que vous viviez, toutes les décisions que vous prenez au sujet de votre corps doivent vous appartenir.

En 1994, 179 gouvernements ont signé la Conférence internationale sur la population et le développement, en s’engageant à empêcher les avortements dangereux. Bien que 30 pays aient assoupli leur législation en matière d’avortement, plusieurs l’ont au contraire durcie. En réalité, la plupart des pays d’Afrique, d’Amérique latine, du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud-Est appliquent toujours des lois drastiques dans ce domaine.

Mais c’est aussi un enjeu de santé publique ! Car interdire aux femmes le droit d’avorter, c’est prendre le risque qu’elles le fassent tout de même et mettent leur vie en danger.

En 2016, l’Organisation mondiale de la santé estimait que 25 millions d’avortements non sécurisés ont été pratiqués chaque année, entre 2010 et 2014. Un avortement non sécurisé, c’est quand « une interruption de grossesse est pratiquée soit par une personne qui n’a pas de compétences/d’informations nécessaires ou dans un environnement où les normes minimales médicales ne sont pas appliquées, ou les deux ».
97% d’entre eux ont été pratiqués dans des pays en développement en Afrique, Asie et Amérique latine. Dans les pays où l’avortement est totalement interdit, un avortement sur quatre est sécurisé.

Envie d’agir contre les lois anti-avortement ?

En Pologne aussi, le droit à l’avortement est en danger.

Tu peux signer notre pétition pour défendre le droit à l’avortement en Pologne !

Amnesty International demande aux autorités d’instaurer un moratoire immédiat sur l’application de la loi relative à l’avortement, comme l’a recommandé le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes le 3 mars 2017, avec pour objectif la dépénalisation totale de l’avortement. Elles doivent aussi libérer immédiatement et sans condition toutes les femmes et jeunes filles incarcérées pour des accusations en lien avec des complications liées à leur grossesse, et garantir l’accès sûr et légal à l’avortement, au moins dans les cas où la vie ou la santé mentale ou physique de la femme enceinte est en danger, où la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste, où le fœtus souffre de malformations graves ou mortelles.

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