Interview d’Yves Makwambala par des stagiaires civiques

Durant 2 heures, 7 élèves participant à un stage civique ont échangé avec Yves Makwambala, ancien prisonnier d’opinion soutenu par Amnesty International.

C’est lors d’une séance de travail au sein d’Amnesty que les stagiaires civiques ont eu l’occasion de rencontrer Yves Makwambala.

Pendant 2 heures, ils ont eu la chance de pouvoir lui poser des questions sur son histoire, son engagement, son arrestation, sa détention, son arrivée en Belgique, ainsi que sur les messages qu’il souhaitait faire passer aux jeunes.

Yves Makwambala, ancien prisonnier d’opinion congolais


© Amnesty International

Le 15 mars 2015, Yves Makwambala et Fred Bauma, ont été arrêtés à Kinshasa en République démocratique du Congo.

Fred était alors membre du mouvement citoyen Lucha tandis qu’Yves était membre du mouvement citoyen Filimbi. Yves a depuis rejoint le mouvement Lucha.

Ces deux mouvements de jeunes mettent la bonne gouvernance au centre de leur action et souhaitent conscientiser la population sur les droits et les obligations de toutes les parties concernées dans une démocratie. Ils exigent des autorités qu’elles disent ce qu’elles font et fassent ce qu’elles disent. Ils encouragent la population à revendiquer ses droits et à exiger qu’ils soient appliqués. Ils utilisent leur propre génération comme levier : une jeunesse qui est démographiquement importante mais qui est marginalisée dans le processus démocratique.

Le "crime" de Fred et Yves ? Se réunir avec une trentaine d’activistes pro-démocratie venus de différents pays d’Afrique pour un échange d’expériences sur le thème « Jeunesse et Citoyenneté ». La réunion avait pourtant été autorisée par les services étatiques compétents et bénéficiait du soutien de l’agence de développement américaine. Elle s’est déroulée de manière pacifique, cela n’a pas empêché que plusieurs militants et activistes soient arrêtés ce jour-là.

Fred et Yves ont été arrêtés le jour de cette réunion et ont tous deux passés 17 mois en prison. Dans un premier temps, ils ont été détenus presque deux mois au secret dans des cachots de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR). Durant cette période ils n’ont pas pu être voir leurs avocats. Par la suite, ils ont été transférés à la prison centrale de Makala à Kinshasa.

C’est en août 2016, que les deux activistes et amis ont finalement été libérés suite à une forte mobilisation de nombreux activistes dans le monde (y compris des élèves de plusieurs écoles en Belgique) pour exiger leur libération.

Aujourd’hui, ils sont libres, cependant des charges pèsent toujours contre eux et ils n’ont toujours pas été jugés.

Un témoignage poignant

© Ornella Petoux

Pendant les 2 heures qu’il a passées dans les bureaux d’Amnesty International, Yves Makwambala s’est livré à coeur ouvert sur son histoire.

Voici un extrait de cette interview.

À quel âge avez-vous commencé à militer ?

J’ai commencé à militer à l’âge de 32 ans (maintenant, j’en ai 34). Avant ça, j’ai participé à une autre forme de militantisme : je travaillais bénévolement avec un collectif d’artistes dont le but était de promouvoir des jeunes artistes, les aider à émerger et à sortir de la précarité.

Est-ce que vous êtes encore en contact avec Fred ? Est-ce que vous vous êtes revus depuis votre libération ?

Oui avec Fred, nous sommes en contact tous les jours. Fred est en RDC en ce moment, à Goma. Il n’a pas encore eu son visa, mais il doit venir en Belgique.
En RDC, vu que moi j’habite à Kinshasa, c’est galère de se voir, car il y a beaucoup de distance et pas de routes !

Concrètement, quelles étaient/sont les actions de LUCHA ?

Il faut savoir que LUCHA est un mouvement citoyen horizontal : il n’y a pas de chef, ça fonctionne en groupes de travail, en « cellules ». Par exemple, moi je fais partie du groupe chargé de la communication, je relaie l’information (c’est important si on veut que les gens rejoignent notre combat). À chaque manifestation, action de répression, je partage les informations sur les réseaux sociaux. D’autres activistes sont dans la cellule « action ».
Je vous donne un exemple. Kinshasa (capitale de la RDC), c’est une poubelle à ciel ouvert. Le gouverneur est un incompétent. Pour dénoncer ça, la LUCHA a mené des actions pendant plusieurs semaines. Chaque samedi, on choisissait un endroit et le groupe-action allait le nettoyer. Pourquoi ? Pour que le gouverneur comprenne que c’est son travail de faire ça et que ne pas le faire n’est pas normal. La première fois que cette action a été menée, la police est venue et nous a interdit de le faire. Rapidement, du gaz lacrymogène a été utilisé sur nous… La semaine suivante, nous sommes revenus, mais on a été chassé à nouveau par la police. Même chose la semaine d’après. Et comme ça, trois fois d’affilé. Ensuite, on a organisé un sit-in devant le bureau du gouverneur. Tous les participants ont été arrêtés, et ont été détenus pendant trois jours pour « troubles à l’ordre public » et « atteinte à la sûreté de l’État ». Mais une semaine après, on est revenu. On ne faisait que rappeler au gouverneur qu’il doit faire son travail. Et c’est comme ça qu’un mouvement de soutien sur les réseaux sociaux a commencé. La semaine d’après, on a refait un sit-in. Le gouverneur est finalement venu rencontrer les jeunes et a accepté de signer un contrat avec une entreprise pour ramasser les poubelles !

Quelle est la première chose que vous avez fait à votre sortie de prison ?

Relancer mon business et continuer à militer ! Je voulais surtout lancer un message aux autres jeunes : certes, j’ai été en prison, mais je n’ai pas changé. Au contraire, je me suis formé, j’ai appris d’autres choses. Lorsqu’on a atteint le fond, on ne peut que rebondir.

Est-ce que vous comptez rentrer au Congo un jour ?

Oui, j’ai tout là-bas. Mes proches, mes activités. Mon combat est en RDC.
En plus, je suis devenu un symbole dans certains cercles et du coup, j’ai un peu l’obligation de revenir au pays, d’être présent. Ce n’est pas crédible sinon.
Mais retourner en RDC, c’est aussi prendre des risques. Je ne veux pas non plus devenir un martyr ! Si je sens que c’est trop dangereux, je trouverai le moyen d’agir depuis un autre endroit. Le but de nos actions n’est pas de se faire arrêter même s’il y a des risques !

Aviez-vous conscience de la mobilisation internationale d’Amnesty pour vous soutenir, vous et Fred ?

Au début, je n’avais aucune idée qu’il y avait une mobilisation internationale pour nous soutenir Fred et moi. Par contre, on avait conscience d’être traités différemment, mieux que les autres et on ne comprenait pas pourquoi !
Nous avons appris plus tard pendant notre détention que de nombreuses personnes se mobilisaient en notre faveur.
En prison, on a reçu beaucoup de lettres de soutien. Énormément à vrai dire ! Ça nous a donné de la force, j’ai même répondu à des gens.
Quand on est en détention, on n’a que le soutient de la famille. Et savoir que la famille est soutenue par une ONG comme Amnesty, ça me réconfortait.

Quel est votre message pour les jeunes, en Belgique, en Europe, qui souhaitent s’engager ?

Il faut que les jeunes s’engagent plus dans le combat pour le respect de la dignité humaine, pour les droits humains. C’est essentiel.

Nous avons même filmé une partie de l’interview pour que les élèves et Yves gardent un souvenir de cet entrevue (merci à Fiona pour le montage de cette vidéo !).

Découvre cette vidéo !

Nos 7 stagiaires sont sortis de cette rencontre stimulés et inspirés ! Ils ont décidé de créer un jeu de rôle autour de l’histoire de Yves et d’un procès fictif concernant son affaire.

Un grand merci à Yves et à nos reporters en herbe !

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