Des femmes bosniaques, croates et serbes victimes d’atroces sévices sexuels n’ont toujours pas obtenu justice. Alors que cela fait près de dix ans qu’a pris fin le conflit armé de 1992-1995 en Bosnie-Herzégovine, seules quelques personnes présumées responsables des viols et autres violences sexuelles infligés à de très nombreuses femmes ont été traduites en justice. Des groupes armés et paramilitaires issus de toutes les parties au conflit ont réduit des femmes à l’état d’esclaves sexuelles, les soumettant à des viols à répétition et à d’autres formes de torture.
En 1992, grâce à une forte mobilisation, des organisations œuvrant pour les femmes révélaient à un monde choqué l’ampleur des violences perpétrées, contribuant ainsi à faire reconnaître le viol comme un crime de guerre. Des poursuites pour viol et esclavage sexuel en tant que crimes contre l’humanité ont été engagées devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ; plus tard, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale a reconnu le viol, l’esclavage sexuel et d’autres crimes visant principalement les femmes et les jeunes filles comme étant des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
Malgré cela, l’impunité pour les crimes commis demeure presque totale. Presque aucune poursuite n’a été engagée pour viol ou pour d’autres sévices sexuels devant les tribunaux nationaux de Bosnie-Herzégovine, la plupart des femmes se trouvant ainsi privées du droit d’obtenir justice et réparation. Les hommes qui les ont violées continuent à jouir de l’impunité, tandis que la vie des victimes a été économiquement et socialement anéantie. En dehors des services apportés par certaines associations de femmes, il n’existe, en général, aucun autre système d’aide médicale et psychosociale.
En juin 2003, comme le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie prévoyait sa cessation d’activité pour 2010, la communauté internationale a suggéré la mise en place, en Bosnie-Herzégovine, d’un tribunal national doté d’une chambre des crimes de guerre, censé commencer à fonctionner dès le début de l’année 2005. Cependant, la volonté de création d’un tribunal national chargé de juger les crimes de guerre n’a pas apaisé les craintes de voir les responsables de ces crimes continuer à jouir de l’impunité.
Le nouveau tribunal, né dans un mouvement apparemment soumis à divers facteurs politiques et financiers internationaux, sera dans l’incapacité de rendre la justice et de fournir une réparation aux femmes victimes de violences si ces dernières sentent qu’elles courent un danger en allant témoigner. Sans le courage et la détermination de certaines femmes qui ne se sont pas laissées intimider par les menaces qu’elles ont reçues, le nombre de poursuites engagées devant le Tribunal pénal international aurait été encore plus faible.
Ni les autorités du pays, ni le programme international de protection mis en place par le Tribunal pénal international n’offrent aux témoins une protection efficace contre les attaques et les actes d’intimidation. Il est nécessaire de garantir aux femmes prêtes à témoigner devant le tribunal national, aussi bien pendant les procès qu’après ceux-ci, une protection physique et un soutien psychologique, social et économique.
De plus, la législation nationale ne reflétant pas toujours l’évolution du droit international, il se peut que des violeurs échappent à la justice et que les poursuites judiciaires proprement dites se trouvent entravées. La façon dont le viol est actuellement défini par le Code pénal de Bosnie-Herzégovine limite le nombre d’actes qui rentrent dans cette catégorie. Selon ce Code, la définition du viol en tant que crime contre l’humanité prévoit le fait de « contraindre autrui par la force ou par des menaces d’attaque directe ». De son côté, le Tribunal pénal international a déjà statué que, même si la force physique ou les menaces n’ont pas été directement utilisées, un auteur présumé de viol ne peut pour autant échapper à des poursuites si la victime était dans « des circonstances si contraignantes qu’elles excluaient toute possibilité de consentement ».
Modèle de lettre :
Slobodan Kovac
Ministre de la Justice
Ministarstvo pravde BiH
Trg Bosne i Hercegovine 1
71000 Sarajevo
Bosnie-Herzégovine
M. le Ministre,
Je suis un/e étudiant/e de l’école... (nom de l’école) en Belgique.
Par la présente je vous demande de vous engager publiquement à enquêter sur tous les crimes sexuels dont les victimes sont des femmes et exercer des poursuites dès que les preuves recevables sont suffisantes .
En même temps, je voudrais que vous aligniez les définitions du viol et des autres violences sexuelles inscrites dans le Code pénal national sur celles du droit international. Merci aussi de fournir entière réparation à toutes les victimes de crimes de cette nature .
Je vous demande de proposer à tout témoin vulnérable un soutien médical et psychosocial et de mettre sur pied un programme spécifique de protection destiné aux femmes susceptibles de témoigner aux procès pour crimes de guerre devant la Cour d’État, protection pouvant aller jusqu’à la réinstallation dans un lieu différent .
Je vous demande également
de dispenser aux fonctionnaires chargés des enquêtes et des procédures judiciaires une formation visant à accroître leur sensibilité aux questions de genre dans les affaires de violences sexuelles ;
de recruter des femmes dans les services du procureur chargé des crimes de guerre et les organismes d’investigation ;
de veiller à ce que les tribunaux nationaux travaillent en coopération avec des associations ayant déjà une expérience de travail avec des femmes victimes de viol et d’autres violences sexuelles liées à la guerre.
En espérant que vous tiendrez compte de ma lettre, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’expression de mes sentiments distingués.
Nom et prénom :
Adresse :
Signature :
Envoyez une copie à :
Lord Paddy Ashdown
High Representative for Bosnia-Herzegovina
Emerika Bluma 1
71000 Sarajevo
Bosnie-Herzégovine