Dossier technique : comment créer un scénario ?

Guide pour la réalisation d’une bande déssinée ou d’un roman-photo par Jean-Luc Cornette (Version électronique disponible à la fin de l’article)

1. Introduction

Ce dossier a été conçu pour vous aider dans la conception de votre scénario. À travers lui, vous pourrez découvrir la suite des étapes à réaliser pour créer votre BD ou de votre roman-photo.

Attention, avant même de commencer à imaginer une histoire, il faut d’abord bien s’imprégner du sujet, c’est-à-dire un aspect des violences contre les femmes. Pour cela, vous pouvez déjà utiliser le dossier pédagogique Papiers Libres 2004 qui vous donne beaucoup d’informations et de pistes pour en savoir plus. Vous pouvez également nous contacter si vous souhaiter inviter un témoin ou une personne-ressource sur le thème que vous avez choisi.

Pour rappel, voici la liste des différents thèmes proposés :
1) L’image de la femme (dans la publicité, dans les clips musicaux, etc
2) Les violences familiales (ex. la violence conjugale)
3) Les mariages forcés ou la violence liée à la dot
4) Les crimes d’honneur
5) Les mutilations génitales féminines
6) Les violences au travail (harcèlement sexuel et moral)
7) L’esclavage moderne (traite des femmes, prostitution, etc.)
8) Le viol
9) Femmes et Sida
10) Les femmes dans les conflits armés

Attention, nous limitons le nombre d’inscription à 10 groupes par thème. Renseignez-vous auprès d’Amnesty sur les thèmes encore libres ou vérifiez sur notre site : www.objectifvenus.be

Vous devez nous envoyer votre scénario avec une note d’intention (ce que vous avez voulu exprimer à travers votre histoire) pour le 31 mars 2005. Votre scénario peut contenir entre une et dix planches maximum.

2. Conseils pour l’écriture d’un scénario

2.1. Documentation
Réunissez la documentation (livres, brochures, émissions TV sur le sujet) que vous voulez aborder. Rencontrez (si nécessaire et si possible) des témoins ou des spécialistes du sujet. L’inspiration peut aussi venir de la vie courante.

2.2. Idée de départ
Tout part d’une idée. Une idée simple et claire. Attention : L’idée n’est pas le sujet. C’est simplement l’envie de raconter une histoire qui rentre dans le cadre du sujet.
En pratique :
Trouver l’idée. La noter (deux, trois lignes). À partir de là, se documenter.

L’idée peut motiver la recherche de documentation. Mais la documentation peut aussi engendrer la naissance d’une idée. Ces deux point sont très liés.

2.3. Synopsis
À partir de l’idée de départ, on écrit le synopsis, c’est-à-dire l’histoire racontée en une page, une page et demie. C’est un bref résumé de ce que sera la bande dessinée ou le roman-photo (c’est l’ossature ou structure). C’est à partir de ce petit texte que va se développer le scénario.
En pratique :
Détailler succinctement les personnages principaux et les lieux. Noter dans l’ordre l’ensemble des actions (séquences) qui constituera l’histoire du début à la fin.

2.4. Découpage écrit
À partir du synopsis, il faut décrire, en détail, l’ensemble du récit. On réalise à cette étape ce que l’on peut réellement appeler le scénario.
En pratique :
En prenant le synopsis comme base de travail et comme structure à suivre, mettre par écrit l’intégralité du récit. Présenter chaque séquence dans sa continuité narrative. Pour chaque séquence, décrire l’ensemble des personnages (principaux et secondaire), leur nom, leur sexe, taille, âge, habillement, le lieu de l’action (intérieur ou extérieur), le paysage, et tout élément dont il est constitué, le moment du jour ou de la nuit, ainsi que tout autre chose qui aurait son importance pour la compréhension du récit. (Il est inutile, pour les personnages principaux qui sont censés revenir séquences après séquences de re-détailler à chaque fois leur âge, sexe, ... Le nom ou le prénom suffit. Indiquer seulement si des changements - de vêtements par ex. - se sont produit entre deux séquences).
Découper les séquences en cases. Noter, pour chacune des cases, quels personnages y apparaissent, quelles sont leurs actions, quel cadrage et quelle position de " caméra " utiliser (gros-plan, plan moyen, plan large, plan d’ensemble, plongée, contre-plongée, ...)
Rédiger, par case, les dialogues des personnages (s’il y en a).

2.5. Découpage dessiné
En reprenant le découpage écrit ou scénario, il s’agit de réaliser sur un format souvent inférieur (A4, par ex.) à celui des planches originales, une mise en place dessinée. Ce découpage dessiné (ou story-board) est tout simplement un brouillon très poussé de la phase finale. Cette étape permet d’avoir une vraie base de travail, extrêmement précise, avant la réalisation définitive des planches. L’agencement de la planche, des cases, des personnages et décors dans les cases, le choix des cadrages sont appliqués " in-situ ". C’est ici que l’on voit si tout fonctionne, si la lecture est fluide. Si ce n’est pas le cas, c’est le moment de faire les ultimes modifications.
En pratique :
Dessiner, au format A4, le bord de la planche, tracer les strips (ou bandes) et les cases. Choisir la taille des cases. Mettre en place, avec un trait simple, les personnages, les décors et les bulles. Écrire les textes dans les bulles pour évaluer la taille de celles-ci et pour permettre une lecture comme en " vrai ".

3. Réalisation des planches dessinées ou du montage photographique
Conseils techniques pour un maximum de lisibilité

La planche de bande dessinée est entièrement conçue au crayon noir (étape du crayonné) avant tout travail d’encrage et de mise en couleurs.

(Pour un roman-photo, certaines étapes peuvent être abordées dans un sens différent de la réalisation d’une planche de bande dessinée. Cela dépendra du fait que la planche soit conçue de façon traditionnelle (photos coupées et collées à la main) ou de manière informatique (composition réalisée grâce à un logiciel graphique. Voir indications plus bas.)

3.1. Format
Pour une facilité de réalisation, une planche de bande dessinée ou un montage de page de roman-photo se fait à un format supérieur à celui de parution et à celui du story board (habituellement, une et demie à deux fois la taille de parution - par ex. un original de format A3 pour une parution au format A4). La taille importe peu, c’est l’échelle qui compte. Pour une parution en revue ou album classique, il est pratiqué une échelle de 3 X 4 (3 en largeur, 4 en hauteur).
En pratique :
Tracer au crayon noir, les bords de la planche en se référant à ceux de la feuille de papier. Laisser toujours un espace de 2 à 3 centimètres entre les deux. S’aider d’une latte graduée pour une pour très grande précision. Respecter l’échelle de 3 X 4 (par ex. 21 X 28 cm ou 24 X 32 cm).

3.2. Strips
Une planche de bande dessinée ou de roman-photo se découpe sur sa hauteur en plusieurs strips ou bandes. Classiquement, une planche est constituée de trois ou quatre strips de taille égale pour une facilité de lecture (mais rien n’est obligatoire ou imposé à ce niveau).
En pratique :
Définir la taille de l’espace blanc (ou espace intericonique) que l’on trouve entre les strips et les cases (5 à 6 millimètres sur la planche originale n’est ni trop, ni trop peu). Déduire la taille de ces espaces de la hauteur totale de la page (2 espaces pour trois strips, trois espaces pour quatre strips). Puis diviser le reste par le nombre de strips.
Exemple pour une planche de format 21 X 28 constituée de trois strips et d’espaces intericoniques de 5 millimètres. Pour trois strips, on aura donc deux séparations, soit 2 X 5 millimètres = 1 centimètre. On les déduit de la hauteur de la planche, soit 28 centimètres - 1 centimètre = 27 centimètres. On divise le total par le nombre de strips, soit 27 centimètres : 3 = 9 centimètres. Ce qui fait que la planche se composera, de haut en bas, d’un premier strip de 9 centimètre de haut, d’un espace intericonique de 5 millimètres, d’un deuxième strip de 9 centimètre, d’un autre espace intericonique de 5 millimètres, d’un troisième strip de 9 centimètre, ce qui fait 28 centimètres.
Après les calculs, noter les repères sur les deux côtés de la planche grâce à la latte et tracer les lignes horizontales.

Il est entendu que le nombre de strips doit déjà avoir été décidé lors de l’étape du découpage dessiné.

3.3. Cases
Chaque strip est composé d’un certain nombre de cases. Selon ce qu’elles comprennent (un personnage, deux personnages qui discutent, une foule, un large décor, ...), il faudra leur allouer une largeur plus ou moins grande. Pour ne pas surcharger la planche, on peut décerner une à quatre cases (voir plus) par strip. Le mieux étant de s’en tenir à deux ou trois.
En pratique :
Choisir du nombre de cases pour chaque strip. Décider de leur largeur. Noter au crayon leur emplacement sur le bord supérieur du strip. Noter également les espaces intericoniques entre les cases (de taille équivalente à ceux qui séparent les strips). Reporter les mêmes mesures sur le bord inférieur. Relier les repères supérieurs et inférieurs grâce à la latte et au crayon.

Il est entendu que le nombre et la taille des cases doivent déjà avoir été décidés lors de l’étape du découpage dessiné.

3.4. Agencements des bulles et lettrage
Il convient, en se référant au découpage dessiné, d’entamer la composition des cases par l’agencement des bulles et par le lettrage du texte qu’elles contiennent.
En pratique :
Estimer l’emplacement et la taille des bulles. Le texte peut être lettré en capitales ou en bas-de-casse. Pour lettrer, il est impératif de tracer des portées en prenant des repères sur les bords latéraux des cases. Il est nécessaire de tracer une ligne qui sert de référence pour le haut des lettres, et une autre pour le bas. Un espace est nécessaire entre deux lignes de texte. Une hauteur de 4 millimètres pour les lettres et un espace de 2 millimètres pour l’espace de séparation entre les lignes de texte est un bon compromis pour une lisibilité correcte (mais rien est imposé et tout est modulable).

Le lettrage en bas-de-casse (ou minuscules) est plus compliqué à réaliser et, bien souvent, moins lisible. Des " bouts " de lettres dépasseront des deux lignes, supérieure et inférieure. Les b, d, f, k, l, t, les points des i et des j, les accents placés sur les e et toutes les majuscules dépasseront des portées vers le haut. Les g, j, p, q, y et les virgules dépasseront des portées vers le bas. Les lettres risquent ainsi de se toucher d’une ligne à l’autre et de rendre la lecture plus ardue. Il est tout à fait permis d’utiliser le lettrage en bas-de-casse. Il a son charme et est souvent usité, mais il faut tenir compte qu’il est moins aisé à réaliser.

Le lettrage en capitales (ou majuscules) sera plus facile à réaliser et plus lisible. Seules les virgule et cédilles (nécessaires) risquent de légèrement dépasser vers le bas. Seuls les accents (nécessaires aussi) risquent de dépasser vers le haut.

Une fois l’emplacement de la bulle choisie, les portées placées, le lettrage écrit, il convient seulement de tracer la bulle entourant ce dialogue. Ne pas oublier de laisser respirer le texte en gardant un peu d’espace entre la masse constituée par celui-ci et le bord de la bulle. En aucun cas le texte ne doit toucher le bord de la bulle.

Les bulles peuvent avoir toutes sortes de formes. Les bulles ovales ou rectangulaires sont les plus usitées. Elles sont plus simples à caser et ne détournent pas le regard (par des fioritures inutiles) de l’essentiel de la case, c’est-à-dire du dessin ou de la photo.

Une bulle doit, si possible, se trouver au-dessus du personnage qui parle. Pour un dialogue entre deux personnages, il faut essayer, dans la mesure du possible, de placer le personnage qui parle (ainsi que sa bulle) du côté gauche de la case. Le personnage qui parle en second lieu (et sa bulle) se trouvera à droite de l’image. On respecte ainsi le sens de lecture.

La case doit toujours être aérée. La bulle, qui peut être collée au haut - ou à un des côtés - de la case, doit " flotter " au dessus des personnage. Il faut éviter de coincer une bulle entre deux personnages ou que trop d’éléments se percutent.

La queue de la bulle doit être dirigée vers la tête (vers la bouche, c’est encore mieux) du personnage qui parle. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit longue et qu’elle traverse la moitié de la case. Si elle est dirigée dans la bonne direction, cela fonctionnera.

3.5. Crayonné et encrage
Les cadres et les bulles mises en places, il ne reste plus qu’à dessiner. Une première étape se fera à l’aide du crayon noir. Le crayonné terminé, il suffira de " repasser " à l’encre sur le trait.
En pratique :
Toujours en se référant au découpage graphique, le dessin, case par case, au crayon (et à la gomme) permettra les erreurs, les derniers revirements, les changements et les retouches.

Une fois la planche (ou l’ensemble des planches) complètement crayonnée (et lorsque l’on considère que tout est parfait), on peut passer à l’encrage. Repasser à l’encre, avec beaucoup de soin, les traits au crayon, bord de cases, bulles et textes compris. Il existe divers instruments pouvant servir à encrer : le feutre (ou marqueur) noir, la plume et le pinceau. La plume et le pinceau nécessitent une grande dextérité et un peu de " métier ". Il est conseillé au dessinateur débutant d’utiliser le feutre. Éviter un feutre à alcool. Le papier peut " boire " au contact de celui-ci. Il en résulte de petites tâches ou auréoles à chaque arrêt du feutre sur le papier. Un feutre normal (ou une gamme de marqueur de différentes épaisseurs) suffira. Faire attention de ne pas gommer immédiatement après l’utilisation. L’encre pourrait s’étaler et le trait devenir gris.

3.6. Mise en couleurs
La mise en couleurs d’une bande dessinée en est la dernière étape. Elle peut aider à une plus grande lisibilité de l’ensemble et à poser des ambiances. Elle peut aussi tout gâcher. Une bande dessinée peut aussi rester à l’étape du noir et blanc. Dans ce cas, quelques aplats noirs bien situés donneront de la force et équilibreront la planche.
(Dans le cas d’un roman-photo, la couleur peut être présente dès la prise de vue. Voir plus bas.)
En pratique :
Pour faciliter le travail, il est préférable de mettre en couleurs au format de parution sur une photocopie ou une sortie-imprimante. Les couleurs à l’eau transparentes (encres colorées - type Ecoline - ou aquarelles) donneront le meilleur résultat. Les couleurs à l’eau opaques (gouaches ou acryliques) sont plus compliquées à utiliser car leur opacité masque les traits noirs. Les crayons de couleurs ou les pastels sont trop imprécis pour une mise en couleurs. Les marqueurs de couleurs sont trop vifs et manquent de subtilités dans les tons.
Les coloriages informatiques sont les plus aisés et ceux qui donnent les résultats les plus propres. Scanner les planches et utiliser un logiciel graphique permettant la mise en couleurs (tel que PhotoShop). Dans le cadre du concours rendre un tirage papier.

Pour un roman-photo

Le crayonné, l’encrage sont des étapes du travail utiles que lorsque la réalisation comprend une phase de dessin. La mise en couleurs (sauf dans le cas de photos noires et blanches remises en couleurs ultérieurement) n’est pas nécessaire, non plus, dans la création d’un roman-photo.
En pratique :
Faire poser les acteurs en tenant compte du découpage graphique. Les prises de vues acteurs + décors peuvent se faire en une seule opération comme en deux (une prise de vue " personnages " et une prise de vue " décor ") et être assemblées par la suite.

Pour un roman-photo monté à la main, tracer le cadre et les cases sur la feuille de papier, découper les photos, les coller, et coller les bulles (préalablement conçues sur une autre feuille de papier) par-dessus les photos.

Pour un roman-photo monté informatiquement, concevoir le cadre et les cases dans un fichier de logiciel graphique, scanner ou importer de l’appareil numérique les photos sur des calques de ce fichier, les intégrer (avec la possibilité d’ajuster les cadrages), faire de même avec les bulles et les lettrages ou les créer grâce aux outils informatiques du logiciel.

Derniers conseils

 Vous allez aborder des sujets très sensibles, n’oubliez pas que dans certains cas, la suggestion peut être aussi forte, si pas plus, que la démonstration.
 Tenir à l’esprit que la lisibilité et la facilité de compréhension du lecteur prime sur tout le reste.
 Ne pas dépasser une idée ou une action par case.
 Si c’est le personnage et ce qu’il dit qui priment (ce qui est souvent le cas), il n’est pas impératif de trop détailler les décors à l’arrière-plan. Il faut que le lecteur dirige son œil vers ce qui est essentiel.
 Garder une logique propre à l’histoire (par ex. si l’histoire est poétique, restez dans la poésie tout le long).
 Eviter l’abus de textes narratifs (ou textes off) qui sont très souvent redondants avec l’image et " lourd " pour le lecteur. Les images et les dialogues doivent suffirent, dans la majorité des cas, à la compréhension du récit.
 Il est préférable de débuter une séquence par un plan large (l’ensemble du décor et chaque personnage bien à sa place) et de cadrer plus serré dans les cases suivantes. Le lecteur aura ainsi assimilé la configuration des lieux, une fois pour toute, et ne se perdra pas.

Ce petit guide de conseils ne contient que des conseils pas des obligations. Il doit seulement servir à faciliter votre travail. Le roman-photo et la bande dessinée, à l’instar des autres disciplines de créations artistiques, ne se conçoivent pas avec des recettes. À vous de suivre, ou non, les conseils prodiguer ci-dessus. En art, rien n’est obligatoire.

Guide pour la réalisation d’une bande dessinée ou d’un roman-photo

Rejoins un de nos groupes-écoles actifs !

...

Je m’inscris
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit