Critique théâtre

Allah superstar, le rire qui rapproche

Sam Touzani dans un one-man-show décapant et courageux

Il y avait salle comble, samedi soir à l’Eden de Charleroi, pour venir applaudir le comédien Sam Touzani, seul en scène dans un spectacle à la fois caustique, pertinent, impertinent, plein d’humour et porteur d’un message à méditer par les temps qui courent : dans notre monde soumis aux violences inter-communautaires, le rire ne serait-il pas finalement l’arme nécessaire et ultime ?

Les mésaventures de Kamel-Léon

L’intrigue est simple : Kamel, un jeune banlieusard, de père marocain et de mère française (d’où son second nom de Léon, car, disait sa maman, « cela facilitera ton intégration ») voudrait se faire une place au soleil de la gloire. Mais comme il le dit si bien, « avec la tête qu’on a, ou bien on fait rire, ou bien on fait pleurer » : on est soit comique à la mode, façon Djamel Debouzze, soit terroriste à la mode, façon Ben Laden. Kamel a choisi : sur les conseils de son immam, il sera humoriste, et se moquera des terroristes ! Mais il se rendra vite compte, au détour de mille et une péripéties, que rien n’est plus difficile que de rire de la religion quand tout, dans l’actualité, nous pousse vers une nouvelle guerre des religions.

Les bonnes questions

Partant de là, Sam Touzani profite avec habileté des multiples mises en abîme de l’intrigue pour bousculer les idées reçues, et s’attaquer à la tentation du repli sur soi communautaire. Qu’est-ce qu’un intégriste ? Que signifie être musulman chez nous aujourd’hui ? Pourquoi les fatwas ? D’où viennent ces slogans racistes qui sont de bons prétextes pour éviter de réfléchir ? Peut-on rire de tout ? Telles sont les questions qui agitent le spectateur, sans donner d’ailleurs de réponses toutes faites car « le théâtre n’est pas là pour nous dire comment il faut penser, mais bien qu’il faut penser. » Avouons qu’on ne s’ennuie jamais et qu’on rit beaucoup (parfois jaune, car tout le monde en prend pour son grade...) mais d’un rire qui laisse place aussitôt à la réflexion en nous mettant à distance des mauvaises nouvelles que déverse chaque soir notre téléviseur.
Oser se moquer ainsi de la haine qui explosa au cœur de nos sociétés un matin de septembre 2001, il fallait le faire. Sam Touzani l’a fait, et a réussi son pari. Oui, on peut rire de tout, mais pas bêtement...

D. Sergent

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