Christine travaille au projet Psychosocial de Handicap International depuis huit ans et demi. Elle intervient beaucoup plus auprès des enfants ayant un handicap mental. Durant le mois d’octobre de l’année passée et jusqu’en décembre, elle a participé à un stage dans un institut médico-pédagogique pour voir comment d’autres personnes travaillent avec des enfants handicapés.
Je trouve Christine très courageuse et pleine de bonne volonté. Elle a vécu au Rwanda avant, pendant et après le génocide de 1994. Elle est très concernée par ce génocide, comme tous les autres Rwandais me confie t’elle. « Même celui qui n’a pas été touché directement par le génocide en a subi des conséquences d’une façon ou d’une autre. »
Christine est de père Hutu et de mère Tutsi. Elle se considère donc tantôt Hutu tantôt Tutsi. Elle a perdu beaucoup de membres de la famille de sa mère - cousins, cousines, oncles, tantes, grand-père à l’époque âgé de 70ans.
Sa mère, dit-elle, a eu la chance de ne pas être tuée grâce à une de ses voisines qui l’a cachée chez elle. Jamais ses parents ne se sont disputés sur base du fait qu’ils ne proviennent pas de la même ethnie. Leurs voisins qu’ils soient Hutus ou Tutsis, quand il y avait des événements -mariage, deuils, naissance, anniversaire - se rendaient chez eux non pas parce qu’ils étaient de telle ou telle ethnie mais simplement parce qu’ils étaient amis.
Par contre, quand ils allaient à l’école ou à la mairie pour obtenir une nouvelle carte d’identité, il est arrivé qu’on leur demande de quelle ethnie ils étaient pour pouvoir l’inscrire dans leurs dossiers administratifs. Ce sont d’ailleurs ces dossiers qui permettront de créer les fameuses listes de tueries de 94.
Enfants, les Rwandais allaient même demander à leurs parents de quelle ethnie ils étaient car ils n’en avaient jamais entendu parler.
Peu avant le génocide, des messages contre les Tutsis passaient à la radio, à la télévision, dans les journaux ou encore dans des réunions privées. En plus de cela 80% de la population rwandaise est analphabète. Ceux qui étaient instruits manipulaient la population. Conséquences de tout ça : plus d’un million de rwandais sont morts pendant le génocide. Des centaines d’autres personnes se sont vues exiler ou sont devenues veufs/veuves ou orphelins ...
Malgré tout ça, la situation actuelle du pays s’améliore. Il y a un effort énorme de la part du gouvernement actuel qui essaie de réconcilier la population à travers les médias, les réunions malgré les difficultés et les conséquences du génocide. Les gens qui ont tué, qui ont accepté la faute et qui ont demandé pardon sont sortis de prison et vivent avec les victimes. Ils vont être punis mais tout en restant dans le village dans lequel ils vivaient.
Interview recueillie par Camille Doutreligne