Les autorités libyennes ont libéré en 2001 des dizaines de prisonniers politiques , dont le docteur Omran Omar al Turbi, un dentiste de 51 ans qui avait été appréhendé pour son appartenance présumée au groupe d’opposition Front national de salut de la Libye. Il était détenu sans inculpation ni jugement depuis son interpellation le 28 mai 1984. Amnesty International menait campagne en sa faveur depuis la fin des années 80.
Témoignages de torture
En Libye, toute forme d’opposition politique est interdite.
Les actes de torture commis contre des personnes détenues pour motifs politiques sont monnaie courante. Ces sévices sont destinés à arracher des aveux sur la base desquels ils sont ultérieurement incriminés.
D’après les informations recueillies, les méthodes employées par les tortionnaires consistent notamment à frapper les détenus, à les suspendre par les poignets au plafond, à les contraindre à demeurer enchaînés à un mur durant des heures, à les matraquer, à les suspendre à une barre passée entre les genoux et les coudes, à leur infliger des décharges électriques ainsi que des brûlures de cigarettes, et à lâcher sur les victimes des chiens agressifs.
Situation réelle en 2001
Plusieurs centaines de prisonniers , dont certains étaient des prisonniers d’opinion ou des personnes susceptibles d’être considérées comme tels, ont été maintenus en détention. Beaucoup étaient incarcérés sans inculpation ni jugement.
Quelques 150 opposants politiques présumés ont été jugés pour appartenance à une organisation illégale.
Le procès de deux Libyens accusés d’être responsables de l’attentat à l’explosif perpétré au-dessus de Lockerbie s’est terminé : l’un d’entre eux a été acquitté et l’autre condamné à la détention à perpétuité.
Le procès de six Bulgares et d’un Palestinien accusés d’avoir contaminé des enfants par le virus du sida était toujours en cours fin 2001.
Le sort de personnes "disparues" au cours des années précédentes n’avaient toujours pas été élucidé.
De plus,Amnesty International est préoccupée par le fait qu’un nombre croissant de ressortissants libyens ont été renvoyés ou courent le risque de l’être ( notamment de Jordanie et du Pakistan). De nombreux cas de ressortissants libyens, notamment de réfugiés renvoyés en Libye, qui ont été arrêtés puis torturés et sont toujours détenus sans inculpation ni jugement sont connus.
En décembre 2002, Amnesty International lance un appel en faveur de dizaines d’étudiants et de membres de professions libérales inculpés pour leurs liens présumés avec Al Jamaa al Islamaya al Libiya ( Groupe islamique libyen), mouvement interdit.
Salem Abu Hanak, chef du département de chimie de l’université de Qar Younes à Benghazi et Adullah Ahmed Izzedin, enseignant à la faculté d’ingénieurs de Tripoli,ont été arrêtés en juin 1998 parmi 152 professeurs et étudiants appréhendés parce
qu’ils étaient soupçonnés de soutien ou de sympathie au groupe islamique libyen illégal, Al Jamaa al lslamiya al Libya, qui n’est pas connu comme ayant usé ou ayant prôné la violence. Cette affaire est connue sous le nom d’affaire des Frères musulmans. Tous les accusés ont été gardés au secret après leur arrestation et leur lieu de détention est resté inconnu jusqu’à l’ouverture de leur procès en mars 2001.
Durant plus de deux ans, ils ont été privés d’assistance légale et des visites de leurs proches. Il n’y aurait pas eu d’enquête sur les allégations de torture invoquées par certains des accusés. Leur procès n’a pas été conforme aux normes internationales en matière de procès équitable et ils n’ont pas eu le droit de choisir un avocat. Tous les interrogatoires ont eu lieu à huis clos. Les avocats engagés par les familles n’ont jamais été autorisés à consulter les dossiers ni à rencontrer leurs clients. Les accusés ont brièvement rencontré leur famille pour la première fois en avril 2001, au cours de la deuxième séance du procès. Ensuite, ils ont été privés de visite à la prison de Abu Salim au moins jusqu’en décembre 2001. Amnesty a,par deux fois,demandé aux autorités libyennes l’autorisation d’assister au procès, ce qui lui a été à chaque fois refusé.
Quatre-vingt-six des 152 hommes initialement inculpés ont été condamnés en première instance par un tribunal populaire de Tripoli, le 16 février 2002. Les 66 autres ont été acquittés.
Abdullah Ahmed Izzedin et Salem Abu Hanak ont été condamnés à mort . Des vingtaines d’autres personnes ont écopé de peines allant de 10 ans à la prison à vie, à la suite d’un procès inéquitable.
Que dit Kadhafi au sujet des prisonniers politiques ?
Dans une allocution à la nation prononcée le 31 août 2002, le colonel Mouammar Kadhafi a affirmé qu’il n’y avait plus de prisonniers politiques en Libye et que ceux qui étaient encore en prison étaient des individus qui avaient eu recours à la violence dans l’espoir de voir triompher leur cause.
Qu’en est-il dans la réalité ?
Amnesty international possède des informations détaillées concernant de nombreux cas de prisonniers politiques incarcérés depuis de longues années, dont les prisonniers d’opinion avérés ou probables, qui sont toujours en prison.
Parmi eux figurent des personnes détenues de façon arbitraire : certaines sont privées de liberté sans jamais avoir été ni inculpées ni jugées ; d’autres purgent de lourdes peines , auxquelles elles ont été condamnées à l’issue de procès totalement inéquitables ; d’autres encore sont toujours en détention alors que leur libération a été ordonnée.
Que prône Amnesty International pour la Libye ?
Amnesty International continue d’appeler les autorités libyennes à libérer immédiatement et sans condition tous les prisonniers d’opinion incarcérés en Libye et à veiller à ce que tous les autres prisonniers politiques susceptibles d’avoir usé ou prôné l’usage de la violence, soient jugés dans les meilleurs délais devant un tribunal indépendant et impartial selon une procédure conforme aux normes internationales d’équité, ou, à défaut, qu’ils soient libérés sans délai.
Amnesty International réitère ses appels au gouvernement libyen pour qu’il prenne de toute urgence des mesures législatives et pratiques afin de mettre la législation de la Libye et sa politique en matière de droits humains en conformité avec les traités internationaux.