D’après l’analyse de l’économiste César Benjamin, membre du parti brésilien des travailleurs, le gouvernement de gauche est voué à l’échec si on ne constate pas une nette diminution de la pauvreté. Mais d’où vient cette misère ? Il n’y a pas de problèmes démographiques au Brésil, les ressources naturelles y sont abondantes et les capacités techniques et productives suffisantes. En effet, le Brésil est la neuvième ou la dixième puissance économique du monde, et son niveau de vie se situe dans la moyenne. Et pourtant, les indices de pauvreté le place derrière d’autres pays à la situation bien plus fragile et précaire. A quoi cela est-il donc dû ?
*Tout d’abord, au fait que la concentration des richesses - c’est-à-dire des biens financiers- est plus importante que celle des revenus. Or, les détenteurs de la richesse se trouvent en meilleure position pour produire des revenus, et inversément. En effet, on estime que 53% des richesses du Brésil reviendraient à 1% de la population. Une politique, pour être suffisante, ne devra donc pas se contenter de gérer les revenus sans toucher à la répartition des richesses.
*Ensuite, si les classes moyennes et les pauvres sont bien plus démunis que ceux des pays développés, la concentration des richesses pour la classe sociale aisée (seulement 5% de la population) ne cesse de grandir. Les politiques de déconcentration devront donc faire face à des interêts puissants, detenus par des groupes capables de peser efficacement sur les décisions politiques.
*Et finalement, au cours des quarantes dernières années, les niveaux de concentration des richesses n’ont pas cessé d’augmenter quels que soient les gouvernements, institutions et cycles économiques.
Depuis que le Brésil se trouve dans une économie à faible croissance, la concentration des revenus a provoqué une expansion rapide de la pauvreté absolue qu’on retrouve dans tous les secteurs économiques. Ce ne sera pas une mince affaire que de changer tout cela.
Les difficultés qu’aura à affronter la gauche pour mener son projet à terme sont énormes mais une grande partie de celle-ci en est parfaitement consciente et a même renoncé à tout désir de réforme.
La solution se trouve dans le changement de la forme du pouvoir. En effet, les détenteurs du pouvoir gèrent les ressources et les institutions, de sorte que le fonctionnement de la sociéte soit subordonné à leurs interêts. Modifier la forme du pouvoir, c’est faire passer le contrôle des ressources et des institutions à d’autres groupes sociaux, donc, les démocratiser. Mais que faut-il démocratiser pour amorcer une réorganisation qui mette fin à des années d’exclusion ?
Tout d’abord, la propriété de la terre, le contrôle du système financier, celui des technologies de communication, et enfin, l’accès à l’éducation et à la culture. Ces quatre réformes représenteraient une révolution historique. L’opposition n’a pas besoin d’un programme économique mais bien d’un programme de démocratisation.
Mais ce projet a été délaissé. En effet, l’opposition a fait la promesse formelle au monde de la finance d’honorer les contrats, ce qui a offert aux élites une garantie sûre et attractive : elles conserveront melgré tout le contrôle de la terre, des richesses, de l’information et de la culture, donc la capacité de gérer, de diriger la vie sociale et d’anéantir la cohérence de toute politique alternative. Il en a été ainsi tout au long de l’histoire du Brésil. Pour éviter cela, la gauche devrait être plus proche du peuple, moins corrompue par le pragmatisme et la promiscuité avec le pouvoir.