Tunisie : la révolution Facebook

On l’a nommée "révolution du jasmin" mais les tunisiens préfèrent "révolution facebook" ! Largement portée par les réseaux sociaux d’internet, des vagues de manifestations ont débuté mi-décembre 2010 et aboutit, en janvier 2011, au départ du président de la République, Zine el-Abidine Ben Ali, en poste depuis vingt-trois ans.

Des manifestants contre le président Zine el-Abidine Ben Ali à Tunis, 14 janvier 2011 ©private

Quand un acte désespéré déclenche une vague de manifestations

Tout commence le 17 décembre quand Mohamed Bouazizi, 26 ans, diplômé de l’université au chômage, s’immole par le feu devant un bâtiment gouvernemental dans la ville de Sidi Bouzid (au centre ouest du pays) pour protester contre la confiscation de sa charrette de fruits et de légumes, sa seule source de revenus, par des policiers. Il succombera à ses blessures à l’hôpital le 4 janvier.

Cet acte désespéré déclenche alors un mouvement de contestations et de manifestation. De nombreux tunisiens - parmi lesquels des syndicalistes, des étudiants, des défenseurs des droits humains et des avocats - descendent dans la rue pour protester contre le chômage, la hausse des prix et la corruption en Tunisie ! En effet, depuis 23 ans, le même président est au pouvoir, Zine el-Abidine Ben Ali, et la liberté d’expression sévèrement réprimée par les forces de l’ordre.

Face aux manifestations, parfois violentes du peuple tunisien, les autorités répliquent par la force : arrestations massives, tirs à balles réelles sur la foule, lancement de grenades lacrymogènes, ... Ces violences vont jusqu’à tuer plus d’une trentaine de personnes qui exerçaient leur droit à la liberté d’expression et de réunion en manifestant. Le bilan le plus lourd sera à Kasserine, où 13 personnes ont été tuées en deux jours.

"Les autorités doivent autoriser les Tunisiens à exprimer leurs doléances et à manifester de façon pacifique. Elles ont fait des promesses vides de sens en termes d’emploi, avant d’ordonner la répression des manifestations", déclare Amnesty International début janvier 2011.

Les tentatives de suicide se multiplient, et des milliers d’avocats tunisiens se mettent en grève pour exprimer leur solidarité avec les manifestants de Sidi Bouzid réprimés par les forces de l’ordre.

Quant Internet devient un espace de liberté

Tank à Tunis, 15 janvier 2011 ©AI
Suite au départ du président Ben Ali vers l’Arabie Saoudite, le 14 janvier, un couvre-feu militaire a été mis en place.

Le régime tente "d’étouffer l’affaire" afin d’éviter que les manifestations, jusqu’alors concentrées dans la province de Sidi Bouzid, ne s’étendent au reste du pays. Les autorités censurent l’information en interdisant la couverture médiatique des évènements.

Mais c’est sans compter sur les internautes ! Le Net constitue un véritable espace de libertés, sur lequel les Tunisiens peuvent, à l’abri derrière des pseudos, exprimer librement leur colère envers le régime de Ben Ali.

Les internautes utilisent en effet les réseaux sociaux du Net pour propager l’information et pour contourner les barrières imposées à leur liberté d’expression. Facebook devient la plaque-tournante de l’information, tout y est publié : photos vidéos des manifestations, mots d’ordres, slogans, rendez-vous pour les prochaines contestations,... La lutte contre le régime s’organise sur la Toile.

Les autorités réagissent alors en bloquant certains sites internet, en fermant des comptes électroniques des "cybermilitants", en arrêtant des blogueurs activistes tels qu’Hamadi Kloucha, Slim Amamou et Aziz Amami.

Mais les Tunisiens ne s’arrêtent pas là ! Les manifestations se propagent à l’ensemble du pays, jusqu’à atteindre la capitale, Tunis.

L’espoir renaît en Tunisie

Les manifestations qui secouent la capitale depuis quelque jours aboutissent alors au départ du président de la République,Zine El-abidine Ben Ali. Le vendredi 14 janvier, celui-ci fuit littéralement le pays et renonce au pouvoir.

Un gouvernement provisoire est mis en place et celui-ci "devra faire tout ce qui est en son pouvoir pour protéger les Tunisiens contre de nouvelles violences."
"Après 23 ans d’atteintes aux libertés fondamentales, le nouveau gouvernement d’union se doit d’inscrire au premier rang des priorités le respect des droits humains" recommande Hassida Hadj Sahraoui, directrice adjointe du Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

Fahem Boukadous ©RCF

La Tunisie semble être sur la bonne voie. Amnesty International a appris avec satisfaction l’annonce par le gouvernement provisoire tunisien de la libération des prisonniers politiques placés en détention sous le régime du président déchu Zine El Abidine Ben Ali. Parmi les détenus libérés mercredi 19 janvier figuraient deux prisonniers d’opinion adoptés par Amnesty International, le journaliste Fahem Boukadous et le militant Hassan Ben Abdallah.

Toutefois, Amnesty International a reçu des informations selon lesquelles tous les prisonniers politiques n’ont pas été remis en liberté, comme cela avait été initialement annoncé.
De plus, la Tunisie est toujours en proie aux troubles et à l’incertitude qui menace son gouvernement provisoire. La mobilisation n’a pas cessé dans les rues de Tunis.

"La Tunisie face à un tournant"

Troubles en Tunisie
Fumée sur Tunis, Tunisie, le 14 janvier 2011 ©AI

Amnesty International, dans son communiqué de presse de ce lundi 24 janvier, appelle les autorités tunisiennes à procéder à une refonte totale du système judiciaire et des services de sécurité répressifs du pays, dans le cadre d’un plan d’action en faveur des droits humains qui doit être soumis au nouveau gouvernement.

« La Tunisie est face à un tournant, a indiqué Claudio Cordone, directeur général chargé de la recherche et des programmes régionaux à Amnesty International. Les personnes actuellement en charge du pouvoir ont une occasion sans précédent d’entreprendre des réformes de fond, sur le long terme, et de rompre avec les décennies d’atteintes aux droits humains qui ont marqué le régime de Ben Ali. Les Tunisiens méritent des changements, non pas superficiels, mais réels. »

Espérons que la Tunisie prendra le bon chemin : un chemin vers plus de justice, vers des investigations réelles sur les évènements passés, vers la mise en place des garanties sérieuses de protection des droits humains, vers la réparation pour les victimes de la répression,... Un chemin qui reste encore long à parcourir.

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