FOCUS COLOMBIE : À Tranquilandia, la vie n’est pas un long fleuve tranquille

Tranquilandia, ça vient (en espagnol) du mot « tranquilo », c’est à dire tranquille. L’histoire de Tranquilandia pourtant, est, à l’image de la Colombie, tout sauf tranquille. Car Tranquilandia, c’est l’histoire d’une « finca » - d’une propriété agricole – où la guerre et la violence ont semé la mort et la souffrance. Aujourd’hui, les paysans se battent pour y retrouver la paix, et la tranquillité.

Tranquilandia se trouve en Colombie donc, dans le nord du pays, dans la même municipalité – Aracataca, département du Magdalena — où est né le grand écrivain colombien, prix Nobel de littérature, Gabriel Garcia Marquez, et la vie des paysans qui y habitent pourrait parfaitement se retrouver dans un de ses romans. Mais malgré son nom, pendant des décennies, les acteurs armés qui se font la guerre en Colombie – la guérilla, les forces paramilitaires et les forces de sécurité – ont occupé le devant de la scène et transformé la vie à Tranquilandia en un cauchemar, où les menaces, les homicides et les disparitions forcées obligeaient les paysans à fuir, et à tout quitter pour sauver leur peau. Aujourd’hui, ces paysans se battent pour rentrer chez eux. Après tout, le gouvernement colombien adopta en 2012 la « Loi sur les victimes et la restitution des terres ». Cette loi reconnaît que des millions d’hectares de terres (près de 8 millions, un territoire bien plus grand que celui de la Belgique ?!) ont été volés aux paysans en Colombie par la violence, que des millions de paysans (environ 6 millions, près de 13 % de la population du pays) ont dû fuir ces terres, chassés par la violence..... et qu’ils ont aujourd’hui – pas tous, dit la loi, et c’est une des critiques émises par Amnesty International, mais une partie d’entre eux — le droit de les récupérer....

Communauté de El Tamarindo. Maisons détruites, après l’expulsion forcée des paysans © Amnesty International

La réalité est autrement plus compliquée, plus préoccupante. Dans un rapport publié en novembre 2014, Amnesty établit un premier bilan de la mise en œuvre de la loi sur les victimes et les restitutions des terres, à partir d’un constat largement partagé, en Colombie dans le milieu de défense des droits humains. À moins que ne soit réglée – et justement réglée – la question de la terre en Colombie, qui est une des causes et une des explications du long conflit armé qui déchire le pays depuis plus de 40 ans, il y a peu de chances que cette paix, actuellement négociée par le gouvernement et le principal groupe de guérilla colombien, les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) soit durable et soit solide. Tranquilandia est un des exemples concrets donnés dans le rapport. Il y en a d’autres. Ils montrent tous que malgré la loi, malgré les promesses, malgré les efforts des uns et des autres, la situation reste très préoccupante, pour plusieurs raisons. Amnesty analyse la loi, et ses limites. Elle analyse – après près de 3 ans — la mise en œuvre de la loi, qui reste à ce jour dramatiquement insuffisante. Elle analyse enfin la situation sur le terrain, la persistance de la violence, les menaces, les assassinats contre ceux qui osent se battre pour que la loi adoptée par le gouvernement soit mise en œuvre. D’après la « Fiscalia General de la Nación », une instance officielle colombienne, au moins 35 personnes avaient été assassinées en Colombie au 31 août 2014, en raison de leur implication dans le processus de restitution de terres.

Ecole abandonnée à Tranquilandia © Joel Stangle

Les violations des droits humains ne tombent jamais du ciel. Des intérêts très concrets, souvent économiques, en sont souvent la cause. À la suite du rapport publié en novembre 2014 sur la question de la restitution des terres en Colombie, Amnesty organise, en avril et mai, une tournée européenne de deux défenseurs des droits humains colombiennes, très impliquées dans ce dossier. Belinda Marquez fait partie d’un groupe de femmes (ASOMUPROCA, Association de Femmes Productrices Agricoles) qui se bat pour récupérer les terres que l’État leur avait accordées en 1996, dans le nord du pays, et d’où elles avaient dû fuir en 1999. Aujourd’hui, elles se battent pour les récupérer, mais les menaces n’ont pas cessé. Leur cas est également repris dans le rapport d’Amnesty. Claudia Erazo, qui l’accompagne, est une avocate, membre fondatrice de l’association de défense des droits humains « Corporación Juridica Yira Castro ». Elle a porté le cas de nombreuses victimes de violations de droits humains devant la justice nationale et internationale, et accompagne actuellement trois des cas concrets évoqués dans le rapport d’Amnesty, dont celui de Tranquilandia.

Belinda Marquez et Claudia Erazo seront en Belgique du 1er au 10 mai, et nous espérons que vous pourrez les rencontrer. Elles seront disponibles pour se rendre dans certaines écoles. À Liège, par exemple, des rendez-vous ont déjà été pris.

Tranquilandia est également le nom d’un documentaire qui vient de paraître, produit par Joel Stangle, et qui expose avec sensibilité et justesse, le cas de cette communauté paysanne qui se bat pour récupérer ses terres.

Nous l’avons obtenu dans sa version complète (une heure) et dans une version réduite (une demi-heure). Nous l’utiliserons à l’occasion de la tournée de Belinda et de Claudia en Belgique, et le tenons (en version longue ou courte) également à disposition des groupes, des écoles, des enseignants, qui voudraient le projeter pour illustrer et débattre de la situation en Colombie. La Coordination Colombie d’AIBF se tient bien évidemment pleinement à votre disposition pour participer à la projection du film, et au débat qui pourrait être organisé par la suite.

La bande annonce (espagnol sous-titré anglais) est disponible en cliquant ici.
La version dont nous disposons en DVD est sous-titrée français.

Claudio Guthmann
Coordination Colombie
Cguthmann@amnestyinternational.be

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