Rapport annuel 2017

Liban

République libanaise
Chef de l’État : Michel Aoun (entré en fonction en octobre)
Chef du gouvernement : Saad Hariri (a remplacé Tammam Salam en décembre)

La situation des droits humains subissait toujours le contrecoup du conflit armé en Syrie. Le Liban accueillait plus d’un million de réfugiés en provenance de Syrie, mais les autorités ont fortement limité leur droit à l’asile et maintenu les restrictions qui fermaient de fait les frontières du Liban aux personnes fuyant la Syrie. La plupart des réfugiés étaient confrontés à des difficultés économiques graves. Les femmes subissaient des discriminations dans la législation et dans la pratique, et elles n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences sexuelles et autres. Les travailleurs migrants étaient en butte à l’exploitation et aux mauvais traitements. Les autorités n’ont pris aucune mesure pour enquêter sur le sort des milliers de personnes enlevées ou portées disparues pendant la guerre civile de 1975-1990. Les réfugiés palestiniens installés de longue date au Liban continuaient d’être victimes de discrimination. Le Parlement a adopté une nouvelle loi créant un Institut national des droits humains. Cette année encore, des tribunaux ont prononcé des condamnations à mort ; aucune exécution n’a eu lieu.

Contexte

Le pays se trouvait toujours dans une impasse politique en raison des tensions entre les principaux partis. Toutefois, en octobre, le Parlement a élu un nouveau président ; ce poste était vacant depuis mai 2014. Les manifestations contre l’incapacité persistante du gouvernement à mettre en œuvre des solutions durables à la crise de gestion des déchets ont été moins nombreuses qu’en 2015.

La situation en matière de sécurité s’est détériorée ; plusieurs attentats à l’explosif ont eu lieu dans la capitale, Beyrouth, ainsi que dans le gouvernorat de la Békaa. Cinq personnes ont été tuées et 28 autres blessées le 27 juin dans une série d’attentats-suicides perpétrés dans le village de Qaa, à majorité chrétienne, situé dans la vallée de la Békaa. La plupart des victimes étaient des civils. À la suite de ces attaques, l’armée a arrêté plusieurs dizaines de réfugiés accusés d’être en situation irrégulière au Liban.

Les régions frontalières étaient toujours la cible de tirs en provenance de Syrie, où le groupe armé État islamique (EI) maintenait en captivité des soldats libanais et des membres des forces de sécurité qu’il avait enlevés au Liban en 2014.

Les autorités judiciaires ont mis en accusation, en septembre, deux membres des services de renseignement syriens à qui ils reprochaient d’avoir commis des attentats à l’explosif simultanés en 2013 contre deux mosquées de Tripoli, dans le nord du pays. Ces attentats avaient fait 42 morts et quelque 600 blessés – des civils pour la plupart. Ni l’un ni l’autre de ces deux hommes n’avait été arrêté à la fin de l’année.

Torture et autres mauvais traitements

En octobre, le Parlement a adopté une nouvelle loi visant à créer un Institut national des droits humains, comportant une commission chargée d’enquêter sur le recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements dans tous les lieux de détention, à savoir les prisons, les postes de police et les centres de détention pour migrants.

Réfugiés et demandeurs d’asile

Outre quelque 280 000 réfugiés palestiniens installés de longue date et plus de 20 000 réfugiés originaires, entre autres, d’Irak, du Soudan et d’Éthiopie, le Liban accueillait plus d’un million de réfugiés syriens.

Le Liban n’était toujours pas partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés [ONU] ni à son protocole de 1967. Cette année encore, les réfugiés syriens ont été confrontés à des restrictions importantes de leur droit de solliciter l’asile, les autorités libanaises ne les reconnaissant pas officiellement comme réfugiés. Les critères stricts introduits en janvier 2015 ont été maintenus et tous les réfugiés de Syrie qui ne les remplissaient pas se sont vu refuser l’entrée au Liban, ce qui, en pratique, revenait à fermer les frontières libanaises aux personnes fuyant le conflit et les persécutions en Syrie. Une décision prise en mai 2015 par le gouvernement interdisait toujours au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) d’enregistrer les réfugiés nouvellement arrivés. Au Liban, les réfugiés syriens rencontraient des problèmes financiers et administratifs pour obtenir un permis de séjour ou le faire renouveler, ce qui les exposait en permanence au risque d’être arrêtés de manière arbitraire, placés en détention et renvoyés de force en Syrie. Ils étaient également confrontés à des difficultés économiques graves. Selon les Nations unies, 70 % des familles de réfugiés syriens vivaient en deçà du seuil de pauvreté et plus de la moitié vivaient dans des conditions déplorables, dans des logements surpeuplés et des quartiers densément peuplés.

L’appel humanitaire des Nations unies en faveur des réfugiés syriens au Liban n’était financé qu’à 52 % à la fin de l’année, et le nombre de places de réinstallation offertes dans d’autres pays demeurait insuffisant. La diminution des financements a amené les Nations unies à réduire le montant de leur soutien aux réfugiés de Syrie au Liban, ainsi que le nombre de bénéficiaires de ce soutien.

Le 8 janvier, en violation du principe de « non-refoulement », les forces de sécurité en poste à l’aéroport de Beyrouth ont renvoyé de force en Syrie plus d’une centaine de Syriens qui tentaient de se rendre en Turquie en passant par le Liban.

Les réfugiés palestiniens, dont beaucoup étaient installés de longue date au Liban, étaient toujours soumis à des lois discriminatoires qui les privaient de leur droit de posséder des biens ou d’en hériter, ne leur permettaient pas d’accéder à l’enseignement public et aux services de santé, et les empêchaient d’exercer au moins 35 professions. Au moins 3 000 Palestiniens dépourvus de papiers d’identité officiels étaient également confrontés à des restrictions pour faire enregistrer naissances, mariages et décès.

Droits des femmes

Les femmes restaient soumises aux lois sur le statut personnel qui contenaient des dispositions discriminatoires en matière de mariage, de divorce, de garde des enfants et d’héritage. Les Libanaises mariées à des étrangers n’avaient toujours pas la possibilité de transmettre leur nationalité à leurs enfants, une restriction qui ne s’appliquait pas aux Libanais mariés à des étrangères.

Les femmes n’étaient pas protégées contre le viol conjugal, que la Loi de 2013 relative à la protection des femmes et des membres de la famille contre la violence familiale n’avait pas érigé en infraction pénale. Cette loi a été utilisée en 2016 pour inculper les maris de Roula Yaacoub et de Manal Assi, qui avaient battu leur épouse à mort, respectivement en 2013 et en 2014. Manal Assi a été condamné à mort ; sa peine a été ramenée en juillet à cinq ans d’emprisonnement.

Les réfugiées syriennes et palestiniennes de Syrie étaient exposées à de graves atteintes à leurs droits humains, notamment à des violences liées au genre, à l’exploitation et au harcèlement sexuel, en particulier dans des lieux publics. Celles qui étaient chefs de famille risquaient tout particulièrement d’être harcelées par des hommes lorsqu’aucun parent de sexe masculin ne vivait avec elles au Liban. De nombreuses réfugiées de Syrie étaient dépourvues de permis de séjour valable, raison pour laquelle elles craignaient de dénoncer aux autorités libanaises le harcèlement ou d’autres formes de violences.

Droits des travailleurs migrants

Les travailleurs migrants ne bénéficiaient pas des protections prévues par le droit du travail, risquant ainsi d’être exploités par leur employeur et soumis à des mauvais traitements physiques, sexuels et psychologiques. Les employés de maison (essentiellement des femmes), employés sous le système de parrainage (kafala), qui lie le travailleur à son employeur, étaient particulièrement vulnérables.

Justice internationale

Tribunal spécial pour le Liban

Le procès par contumace de quatre hommes accusés de complicité dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, tué avec plusieurs autres personnes dans l’explosion d’une voiture piégée à Beyrouth en 2005, s’est poursuivi devant le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), basé aux Pays-Bas. Les quatre accusés n’avaient toujours pas été arrêtés. Un cinquième est mort en Syrie.

Le 8 mars, la chambre d’appel du TSL a acquitté la journaliste libanaise Karma Khayat et son employeur, la chaîne de télévision Al Jadeed TV, d’entrave au bon fonctionnement de la justice. Le 15 juillet, le TSL a inculpé le quotidien Al Akhbar et son rédacteur en chef, Ibrahim al Amine, d’entrave à l’administration de la justice et d’outrage à magistrat pour n’avoir pas respecté une décision de justice qui leur ordonnait de supprimer des informations sur des témoins confidentiels. Le 29 août, le tribunal a condamné Ibrahim al Amine à une amende de 20 000 euros et le journal Al Akhbar à une amende de 6 000 euros.

Impunité

Cette année encore, les autorités n’ont rien fait pour mettre en place un organe national indépendant chargé d’enquêter sur le sort des milliers de personnes victimes de disparition forcée, ou portées disparues, pendant la guerre civile de 1975-1990, et qui ont probablement été victimes d’homicides illégaux. Cette inaction ne faisait que prolonger la souffrance des familles des disparus, qui continuaient de se heurter à des obstacles administratifs, juridiques, sociaux et économiques liés à la disparition forcée de leurs proches.

Peine de mort

Les tribunaux ont prononcé au moins 107 condamnations à mort pour des crimes liés au terrorisme. Aucune exécution n’a eu lieu depuis 2004.

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