Rapport annuel 2017

Bahreïn

Royaume de Bahreïn
Chef de l’État : Hamad bin Issa al Khalifa
Chef du gouvernement : Khalifa bin Salman al Khalifa

Les autorités ont renforcé les restrictions pesant sur la liberté d’expression et d’association et elles ont continué de limiter le droit de réunion pacifique. Plusieurs défenseurs des droits humains ont été arrêtés et inculpés tandis que d’autres ont fait l’objet d’interdictions de se rendre à l’étranger. Le principal groupe d’opposition a été dissous ; plus de 80 personnes ont été déchues de leur nationalité bahreïnite et quatre d’entre elles ont été expulsées. Cette année encore, des dirigeants de l’opposition ont été incarcérés ; ces hommes étaient des prisonniers d’opinion. De nouvelles informations ont fait état de torture et de mauvais traitements ainsi que de procès inéquitables. Les femmes continuaient de faire l’objet de discrimination dans la législation et dans la pratique. Les travailleurs migrants ainsi que les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées étaient en butte à la discrimination. Aucune condamnation à mort n’a été prononcée et aucune exécution n’a eu lieu.

Contexte

Bahreïn est devenu partie en mars à la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques [ONU].

En mai, le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme a accrédité l’Institution nationale des droits humains de Bahreïn avec un statut B car elle n’était pas conforme aux Principes de Paris. L’un des motifs invoqués par le Comité était que des représentants du gouvernement siégeaient au conseil décisionnel de l’institution, ce qui portait atteinte à son indépendance.

Le gouvernement a conclu, également en mai, un accord économique et commercial avec la Suisse qui contenait deux mémorandums juridiquement non contraignants relatifs au traitement des prisonniers et aux droits des femmes à Bahreïn. Le gouvernement des États-Unis a bloqué en septembre la vente à Bahreïn d’avions de chasse et de matériel connexe dans l’attente d’améliorations de la situation des droits humains.

Bahreïn est resté membre de la coalition internationale dirigée par l’Arabie saoudite engagée dans le conflit armé au Yémen (voir Yémen).

Les autorités n’ont pas permis aux représentants d’organisations internationales de défense des droits humains, y compris Amnesty International, de se rendre dans le pays.

Liberté d’expression

D’importantes restrictions ont continué de peser sur le droit à la liberté d’expression. Des défenseurs des droits humains et des militants religieux qui avaient critiqué sur les réseaux sociaux ou lors de rassemblements publics le gouvernement ainsi que les autorités saoudiennes et dénoncé les frappes aériennes lancées au Yémen par les forces de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite ont été arrêtés et poursuivis en justice. Des dirigeants de l’opposition condamnés les années précédentes pour leurs activités pacifiques ont été maintenus en détention ; ces hommes étaient des prisonniers d’opinion.

Ebrahim Sharif, ancien secrétaire général de la Société nationale pour l’action démocratique (Waad), a été condamné par un tribunal en février à un an de prisont pour « incitation à la haine et au mépris à l’égard du régime ». Il a été remis en liberté en juillet à l’expiration de sa peine. Sa condamnation à un an d’emprisonnement a été confirmée en novembre. Toujours en novembre, les autorités l’ont inculpé d’« incitation à la haine à l’égard du régime » en raison de commentaires qu’il avait faits dans une interview aux médias à propos de la visite du prince Charles dans le pays. Ces charges ont été abandonnées au cours du même mois.

La militante Zainab al Khawaja a été arrêtée en mars pour purger une peine cumulée de 37 mois d’emprisonnement faisant suite à plusieurs condamnations, notamment pour avoir déchiré des photos du roi. Son incarcération a été largement décriée. Remise en liberté en mai pour « raisons humanitaires », Zainab al Khawaja a quitté Bahreïn par la suite.

Un tribunal pénal a condamné en avril le militant Saeed Mothaher Habib al Samahiji à un an d’emprisonnement pour avoir critiqué les autorités saoudiennes sur Twitter.

En mai, une cour d’appel a alourdi de quatre à neuf ans la peine d’emprisonnement prononcée en 2015 contre Sheikh Ali Salman, chef de file du principal parti d’opposition, la Société islamique nationale Al Wefaq. La cour a annulé son acquittement de l’accusation d’incitation à promouvoir la réforme du système politique « par la force, la menace ou d’autres moyens illégaux ». Cette décision a été rejetée en octobre par la Cour de cassation, qui a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel, laquelle a confirmé en décembre la peine de neuf ans d’emprisonnement qu’elle avait prononcée initialement.

En juin, le défenseur des droits humains Nabeel Rajab a été arrêté et inculpé de « diffusion de fausses informations et de rumeurs dans le but de discréditer l’État » lors d’interviews à la télévision. Son procès pour avoir publié en 2015 des commentaires sur Twitter dénonçant des actes de torture dans la prison de Jaww et critiquant les frappes aériennes menées au Yémen par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite a commencé en juillet. En décembre, le tribunal a ordonné sa remise en liberté sous caution alors que son procès était en cours, mais il a été immédiatement réarrêté aux fins d’enquête sur le chef d’inculpation initial pour lequel il avait été arrêté en juin. Nabeel Rajab a également fait l’objet d’autres poursuites pour des commentaires dans un article intitulé « Letter from a Bahraini Jail » (Lettre d’une prison bahreïnite) publié par le New York Times et dans une lettre publiée par le journal Le Monde.

Cette année encore, les autorités ont imposé des restrictions aux médias. En février, le ministre de l’Information a interdit aux médias d’employer des journalistes considérés comme « insultant » Bahreïn ou d’autres pays arabes ou du Golfe.

Liberté d’association

Les autorités ont renforcé les restrictions à la liberté d’association. Cette année encore, des dirigeants d’Al Wefaq et d’autres partis d’opposition ont été emprisonnés, d’autres ont subi un harcèlement consistant à les convoquer plusieurs fois à des fins d’interrogatoire.

Al Wefaq a été suspendu et ses biens saisis en juin. Les autorités ont obtenu en juillet une décision de justice ordonnant sa dissolution pour des infractions présumées à la Loi relative aux associations politiques.

Liberté de réunion

Tous les rassemblements publics dans la capitale, Manama, sont demeurés interdits. Des manifestations fréquentes, qui ont parfois dégénéré en violences, se sont poursuivies dans des villages chiites, tout particulièrement après la dissolution forcée d’Al Wefaq. Les forces de sécurité ont fait un usage excessif de la force, notamment du gaz lacrymogène et des tirs de grenaille, et elles ont arrêté de nombreux militants religieux et d’autres manifestants, dont des enfants. Au moins un policier et une femme qui se trouvait sur place ont trouvé la mort au cours de violences liées aux manifestations.

En janvier, les forces de sécurité ont dispersé par la force des personnes qui protestaient contre l’exécution de Sheikh Nimr al Nimr en Arabie saoudite. La police a utilisé du gaz lacrymogène et des tirs de grenaille et a arrêté des manifestants.

En juin, les forces de sécurité ont bloqué l’accès au village de Duraz hormis pour les habitants après que des manifestants se sont rassemblés pour un sit-in devant le domicile du dignitaire chiite Sheikh Issa Qassem, que les autorités avaient déchu de sa nationalité bahreïnite. Alors que le mouvement de protestation continuait, de très nombreux manifestants ont été interpellés ou convoqués aux fins d’interrogatoire ; parmi eux figuraient au moins 70 religieux chiites et plusieurs défenseurs des droits humains, dont certains ont été inculpés de « participation à un rassemblement illégal ». Onze religieux chiites ont été condamnés à des peines comprises entre un et deux ans d’emprisonnement pour le même motif.

Droit de circuler librement

Les autorités ont imposé des interdictions administratives qui ont empêché au moins 30 défenseurs des droits humains et d’autres détracteurs du gouvernement de se rendre à l’étranger, notamment pour assister à des sessions du Conseil des droits de l’homme [ONU] à Genève, en Suisse. Au moins 12 de ces personnes ont par la suite été inculpées, entre autres de « participation à un rassemblement illégal ».

Déchéance de la nationalité et expulsions forcées

Les autorités ont obtenu des décisions de justice qui ont privé de leur nationalité au moins 80 Bahreïnites déclarés coupables d’infractions liées au terrorisme ; un grand nombre d’entre eux sont de ce fait devenus apatrides. En juin, le ministère de l’Intérieur a également déchu de sa nationalité Sheikh Issa Qassem, le chef spirituel d’Al Wefaq, qui n’avait été déclaré coupable d’aucune infraction. Quatre Bahreïnites déchus de leur nationalité, parmi lesquels figurait Taimoor Karimi, un avocat spécialisé dans la défense des droits humains, ont été expulsés de force par les autorités. Une cour d’appel a conclu en mars qu’Ibrahim Karimi, prisonnier d’opinion, devrait être expulsé de force de Bahreïn en 2018, à l’expiration de sa peine de 25 mois d’emprisonnement.

Torture et autres mauvais traitements

Cette année encore, des actes de torture et d’autres mauvais traitements ont été signalés, en particulier sur des suspects d’actes de terrorisme, entre autres infractions, lors de leur interrogatoire par des agents de la Direction des enquêtes criminelles. Des procès inéquitables ont eu lieu. Les tribunaux ont continué de condamner des personnes accusées d’actes de terrorisme sur la base d’« aveux » qui auraient été extorqués sous la contrainte.

Des détenus des prisons de Dry Dock et de Jaww se sont plaints de mauvais traitements, tels que le placement à l’isolement et l’insuffisance de soins médicaux.

Impunité

Le climat d’impunité a largement persisté bien que le médiateur du ministère de l’Intérieur et l’Unité spéciale d’enquêtes au sein du parquet aient poursuivi leurs investigations sur les violations des droits humains qui auraient été commises par les forces de sécurité. Plusieurs membres subalternes des forces de sécurité ont été poursuivis, mais les officiers supérieurs n’ont pas été inquiétés.

Au cours de l’année, l’Unité spéciale d’enquêtes a recueilli au moins 225 plaintes et a déféré devant les tribunaux 11 membres des forces de sécurité pour agression. Au moins quatre membres des forces de sécurité ont été déclarés coupables et 12 autres au moins ont été acquittés. En janvier, la Cour d’appel a porté de deux à sept ans les peines d’emprisonnement prononcées contre deux policiers accusés d’avoir causé la mort en garde à vue d’Ali Issa Ibrahim al Saqer en 2011. En mars, elle a annulé le verdict d’acquittement prononcé en faveur d’un policier et l’a condamné à trois ans d’emprisonnement pour l’homicide illégal de Fadhel Abbas Muslim Marhoon en 2014.

La Cour d’appel a confirmé en février l’acquittement d’un policier dont les tirs à faible distance contre un manifestant pacifique avaient été filmés en janvier 2015. Elle a fait valoir qu’aucun élément ne confirmait la présence de la victime ni d’éventuelles blessures subies malgré l’enregistrement vidéo. En mars, la cour a annulé les déclarations de culpabilité de trois policiers condamnés en 2015 pour avoir causé la mort en garde à vue de Hassan Majeed al Shaikh en novembre 2014, et elle a ramené de cinq à deux ans les peines d’emprisonnement prononcées contre trois autres policiers.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées

Cette année encore, les autorités ont inculpé et incarcéré aux termes des dispositions du Code pénal relatives à la « débauche » et à l’« obscénité » des personnes qui avaient des relations sexuelles avec des personnes de même sexe.

En janvier et en février, des tribunaux ont rejeté les demandes introduites par trois Bahreïnites qui avaient subi des opérations de changement de sexe à l’étranger et voulaient modifier leur genre sur leurs papiers officiels.

En septembre, 28 hommes qui avaient assisté à une soirée privée au cours de laquelle certains avaient porté des vêtements féminins ont été déclarés coupables de « débauche » et d’« obscénité » et condamnés à des peines comprises entre six mois et deux ans d’emprisonnement. En novembre, une cour d’appel a ramené leurs peines de un à trois mois d’emprisonnement.

Droits des femmes

Les femmes étaient exposées à des discriminations, dans la législation et dans la pratique. En mai, le Parlement a accepté d’abroger l’article 353 du Code pénal qui permettait à un violeur d’échapper à une peine d’emprisonnement si sa victime consentait à l’épouser.

Droits des travailleurs migrants

Les travailleurs migrants étaient toujours en butte à l’exploitation et aux mauvais traitements. En juillet, plus de 2 000 travailleurs migrants ont participé à une manifestation pacifique pour protester contre le non-paiement de leur salaire.

Peine de mort

La peine de mort était maintenue. Les tribunaux n’ont pas prononcé de nouvelles condamnations à mort, mais la Cour de cassation a confirmé deux sentences capitales et annulé quatre autres condamnations à mort prononcées les années précédentes, dont trois ont été de nouveau imposées par la Cour d’appel. Aucune exécution n’a eu lieu.

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