Rapport annuel 2017

Hongrie

Hongrie
Chef de l’État : János Áder
Chef du gouvernement : Viktor Orbán

Une modification de la Constitution a donné au gouvernement la possibilité de déclarer l’état d’urgence sur la base de critères vastes et peu précis, sans grand contrôle démocratique. Les Roms étaient toujours victimes de discrimination et de crimes de haine. La Hongrie a continué de bafouer de manière systématique les droits des réfugiés et des migrants, malgré les critiques internationales croissantes.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Le gouvernement a continué d’étendre son recours à la législation antiterroriste. En janvier, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu dans l’affaire Szabó et Vissy c. Hongrie que la Loi sur la police portait atteinte au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale, car elle autorisait le pouvoir exécutif à intercepter toute communication sans avoir à fournir de preuves et pendant de longues périodes. La Cour a estimé que la Hongrie n’avait pas garanti un contrôle judiciaire suffisant et des voies de recours effectives contre la surveillance illégale.

En juin, le Parlement a adopté un « sixième amendement » à la Loi fondamentale (Constitution) de la Hongrie, qui a introduit une définition très vague de l’état d’urgence en cas de « situation de menace terroriste » ne satisfaisant pas aux critères exigés par le droit international relatif aux droits humains. Cet arsenal législatif permettrait à l’État de s’arroger de vastes pouvoirs, notamment de limiter la liberté de mouvement à l’intérieur du pays, de geler les avoirs d’États, de personnes physiques, d’organisations et de personnes morales, d’interdire ou de limiter les manifestations et les rassemblements publics, et d’appliquer des mesures spéciales non définies pour prévenir le terrorisme, sans contrôle judiciaire ni parlementaire. Ces pouvoirs pourraient être encore renforcés après 15 jours avec l’accord du Parlement. Ce régime conférerait par ailleurs des pouvoirs importants aux forces de sécurité, qui pourraient utiliser des armes à feu dans des circonstances allant bien au-delà de ce que permettent le droit international et les normes en la matière.

Fin novembre, un ressortissant syrien a été condamné à dix ans d’emprisonnement pour « actes de terrorisme » après avoir pris part à des affrontements avec des gardes-frontières hongrois à la frontière serbo-hongroise en septembre 2015. Les deux parties ont fait appel de cette décision de première instance.

Liberté d’association

En octobre, une décision de justice a enjoint à l’Office gouvernemental de contrôle (KEHI), censé être indépendant, de dévoiler les arcanes de l’audit qu’il avait fait subir en 2014 à plusieurs ONG ayant critiqué les politiques gouvernementales. Il a ainsi été révélé que cet audit avait été ordonné personnellement par le Premier ministre. La procédure d’audit avait donné lieu à des opérations de police, à la confiscation d’ordinateurs et de serveurs et à de longues enquêtes, mais rien de pénalement répréhensible n’avait été trouvé. Des représentants du gouvernement ont continué à brandir la menace de nouvelles enquêtes contre plusieurs ONG concernées, ce qui a produit un effet dissuasif sur la société civile.

Liberté d’expression – journalistes

Le journal Népszabadság, critique à l’égard du gouvernement, a brutalement suspendu sa parution en octobre et tous ses journalistes ont été licenciés. Cette fermeture est intervenue quelques jours avant la vente de l’organe de presse à un entrepreneur proche du gouvernement.

Justice

En juin, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a jugé, dans l’affaire Baka c. Hongrie, qu’il était contraire à la Convention européenne des droits de l’homme d’avoir mis fin au mandat du président de la Cour suprême hongroise au motif que ce dernier avait formulé des critiques sur des réformes législatives. Elle a conclu à une violation de l’article 6.1 (droit d’être entendu par un tribunal) et de l’article 10 (liberté d’expression).

Discrimination – les Roms

En janvier, un tribunal de la capitale, Budapest, a ordonné à la commune de Miskolc d’élaborer un plan d’action pour les habitants – principalement roms – qui avaient été expulsés ou devaient faire l’objet d’une expulsion du quartier des « rues numérotées ». Cependant, le plan de relogement proposé ne prévoyait que 30 logements pour la centaine de familles concernées et n’allouait pas de fonds supplémentaires au titre de l’hébergement ou du dédommagement.

En mars, un tribunal d’Eger a estimé en première instance que les enfants roms du comté de Heves étaient victimes de ségrégation illégale dans les écoles et les classes dispensant un enseignement destiné aux enfants à besoins spécifiques. En juin, la Commission européenne a engagé une procédure d’infraction contre la Hongrie pour discrimination à l’égard des Roms dans l’éducation.

Crimes de haine

Les enquêtes et les poursuites judiciaires pour crimes de haine continuaient de manquer de cohérence. En janvier, la Curia (Cour suprême) a enfin rendu son arrêt dans la série de meurtres de Roms pris pour cible en 2008 et 2009 en raison de leur appartenance ethnique. Six personnes avaient été tuées, dont un garçon de cinq ans, et plusieurs autres blessées. Trois accusés ont été condamnés à la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle (ce qui est contraire au droit européen relatif aux droits humains), et le quatrième à 13 ans d’emprisonnement.

En avril, une cour d’appel de Debrecen a infirmé une décision rendue en première instance dans laquelle les juges avaient conclu que la police avait fait preuve de discrimination à l’égard des habitants roms de la ville de Gyöngyöspata en ne les protégeant pas contre des groupes d’extrême droite en 2011. L’Union hongroise des libertés civiles a fait appel de cette décision auprès de la Curia.

Réfugiés et migrants

La Hongrie a continué de limiter fortement l’accès du pays aux réfugiés et aux demandeurs d’asile, engageant des poursuites pour entrée illégale sur le territoire contre des milliers de personnes qui avaient franchi les clôtures érigées le long de sa frontière sud. Le gouvernement a prolongé à plusieurs reprises l’« état d’urgence dû à une immigration massive » et, malgré la chute du nombre de nouvelles arrivées, a déployé plus de 10 000 policiers et militaires à la frontière. À la fin de l’année, près de 3 000 personnes avaient comparu devant un tribunal et avaient été expulsées pour avoir pénétré illégalement dans le pays, sans avoir pu bénéficier d’un véritable examen de leurs besoins de protection. Plusieurs modifications législatives ont permis le renvoi immédiat de tous les étrangers interpellés en situation irrégulière à la frontière ou jusqu’à huit kilomètres à l’intérieur du territoire hongrois et plus de 16 000 personnes n’ont pas été autorisées à entrer dans le pays ou ont été renvoyées de force, parfois violemment, en Serbie.

Le 31 mars, le gouvernement a ajouté la Turquie sur sa liste des « pays d’origine sûrs » et des « pays tiers sûrs ». En mai, l’Assemblée nationale a adopté une série de modifications législatives qui ont réduit sensiblement l’accès des personnes bénéficiant d’une protection aux programmes de logement, de santé et d’intégration.

La Hongrie a suspendu sa coopération avec les autres pays de l’UE et a refusé d’accueillir des demandeurs d’asile venant d’États participant au système de Dublin. Elle a tenté de renvoyer vers la Grèce au moins 2 500 demandeurs d’asile qui se trouvaient déjà en Hongrie, alors qu’il existait des présomptions contre les renvois en Grèce au vu des dysfonctionnements généralisés du système d’asile grec, confirmés par la Cour européenne des droits de l’homme.

Les caractéristiques du système d’asile hongrois ont poussé un certain nombre d’autres pays européens à se prononcer contre les renvois en Hongrie, voire dans certains cas à recommander purement et simplement la suspension des transferts au titre du règlement de Dublin.

Le pays a continué de placer des demandeurs d’asile en détention, sans appliquer les garanties indispensables pour veiller à ce que cette mesure soit légale, nécessaire et proportionnelle. En juillet, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu dans l’affaire O.M. c. Hongrie que la rétention d’un demandeur d’asile gay portait atteinte au droit de l’intéressé à la liberté et à la sécurité. Elle a jugé que la Hongrie n’avait pas procédé à une évaluation individuelle pour justifier la rétention du requérant, ni tenu compte de la vulnérabilité à laquelle il était exposé dans son lieu de détention en raison de son orientation sexuelle.

Le gouvernement a dépensé plus de 20 millions d’euros en campagnes de communication pour dépeindre les réfugiés et les migrants comme des criminels et des menaces pour la sécurité nationale. En octobre, il a organisé un référendum national sur son opposition à la relocalisation de demandeurs d’asile en Hongrie dans le cadre d’un dispositif concernant toute l’UE. Faute d’une participation suffisante, ce référendum a été invalidé. Avec la Slovaquie, le gouvernement a contesté devant la Cour de justice de l’Union européenne la légalité de la décision du Conseil européen relative aux quotas de relocalisation. L’affaire était en cours à la fin de l’année.

En novembre, le Comité européen pour la prévention de la torture a publié un rapport sur les centres de rétention pour migrants et demandeurs d’asile dans le pays. Il a constaté qu’un nombre considérable d’étrangers, dont des mineurs non accompagnés, déclaraient avoir été victimes de mauvais traitements physiques de la part de policiers. Le gouvernement a rejeté ces allégations.

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