Rapport Annuel 2016

République du Congo

République du Congo
Chef de l’État et du gouvernement : Dennis Sassou- Nguesso

Les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive ou injustifiée, y compris meurtrière, contre des manifestants qui s’opposaient au projet de réforme constitutionnelle. Certains ont été arbitrairement arrêtés et placés en détention, et la liberté d’expression a fait l’objet de restrictions. Les expulsions d’étrangers ont repris, visant les ressortissants de pays d’Afrique de l’Ouest. Aucune enquête n’a été ouverte sur l’opération d’expulsions collectives Mbata ya Bakolo, menée en 2014, dans le cadre de laquelle plus de 179 000 personnes originaires de République démocratique du Congo (RDC) avaient été renvoyées de force dans leur pays. Le Comité contre la torture [ONU] a exprimé sa vive inquiétude face aux actes de torture et autres mauvais traitements subis par les détenus dans la plupart des établissements pénitentiaires. Les conditions de détention demeuraient particulièrement éprouvantes.

CONTEXTE

Un référendum sur la réforme de la Constitution s’est déroulé le 25 octobre. Il a été boycotté par la coalition regroupant les principaux partis d’opposition et a entraîné d’importantes manifestations. La réforme a toutefois été adoptée le 27 octobre et validée par la Cour constitutionnelle le 6 novembre ; elle permettra au président en exercice de briguer un troisième mandat en 2016. L’élection présidentielle a été fixée au 20 mars 2016.

LIBERTÉ D’EXPRESSION ET DE RÉUNION

La liberté d’expression a été soumise à des restrictions. Certains membres des partis d’opposition hostiles au projet de réforme ont été particulièrement visés. De juillet à octobre, les opposants politiques qui protestaient contre la réforme constitutionnelle ont été la cible d’une vague d’arrestations.
En octobre, la liberté de la presse a été restreinte de façon arbitraire lorsque des services d’Internet mobile et de SMS, ainsi que le signal de certaines stations de radio, ont été coupés dans la capitale, Brazzaville, peu de temps avant les manifestations organisées par l’opposition.
Le 9 octobre, six militants issus de mouvements de jeunesse ont été arrêtés à la suite d’une manifestation pacifique qu’ils avaient organisée contre le référendum. Ils ont été inculpés de « participation à une manifestation publique non déclarée ».
Le 22 octobre, les forces de sécurité ont encerclé le domicile du dirigeant de l’opposition Guy Brice Parfait Kolélas, à Brazzaville, le plaçant de fait en résidence surveillée pendant 12 jours avec 25 autres personnes. Cette opération a été menée sans autorisation judiciaire.
Paulin Makaya, président du parti politique Unis pour le Congo (UPC), qui s’était opposé ouvertement à la réforme constitutionnelle proposée, a été arrêté par des policiers le
23 novembre 2015 dans les bureaux du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Brazzaville. Il s’y était rendu, en compagnie de son avocat, en réponse à une convocation aux fins d’interrogatoire dans le cadre d’une enquête. Il a été maintenu en garde à vue au commissariat central de Brazzaville du 23 novembre au 1er décembre, sans être présenté à un juge ni inculpé, et a été interrogé à plusieurs reprises en l’absence de son avocat. La demande de libération sous caution présentée par ses avocats le 2 décembre n’a pas été examinée, malgré un rappel le 11 décembre. À la fin de l’année, Paulin Makaya se trouvait toujours en détention provisoire à la prison centrale de Brazzaville.
Le 5 juin, des manifestations ont été organisées par des lycéens dans les villes de Brazzaville, Pointe-Noire et Dolisie en réaction à l’annulation des épreuves du baccalauréat pour fraudes massives et irrégularités graves. De nombreux lycéens ont été blessés dans des affrontements avec la police, et plusieurs ont été arrêtés.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE

Le 17 octobre à Pointe-Noire, un policier en civil a tiré à balles réelles sur une foule qui manifestait contre le référendum, blessant 13 personnes.
Le 20 octobre, les forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes et des balles réelles contre des personnes qui manifestaient à Brazzaville contre le projet de réforme constitutionnelle. Six personnes auraient été tuées. Le même jour, des groupes d’opposition ont indiqué qu’au moins 12 manifestants et passants avaient été tués et plusieurs autres blessés par la police militaire lors de manifestations organisées à Pointe-Noire. À la fin de l’année, aucune enquête n’avait encore été ouverte sur ces faits.

DROITS DES RÉFUGIÉS ET DES MIGRANTS

Aucune enquête n’a été ouverte sur les graves violations des droits humains commises en 2014 par les forces de sécurité congolaises, entre autres, dans le cadre du premier volet de l’opération Mbata Ya Bakolo. Plus de 179 000 ressortissants de RDC, dont des réfugiés et des demandeurs d’asile, avaient été arrêtés et détenus arbitrairement, puis renvoyés de force dans leur pays par la police. Le gouvernement a affirmé que cette opération était la réponse des forces de sécurité à la hausse de la criminalité attribuée aux koulounas, des gangs de jeunes originaires de la RDC.
Le 14 mai, la deuxième phase de l’opération a été lancée à Pointe-Noire, donnant lieu à des arrestations, des placements en détention et des expulsions de ressortissants de pays d’Afrique de l’Ouest, notamment des Sénégalais, des Maliens et des Ivoiriens. La police a ciblé certains quartiers en particulier, y conduisant des opérations de ratissage qui se sont soldées par des arrestations arbitraires. Les personnes arrêtées ont été placées dans des centres de rétention, où elles n’avaient pas accès à l’eau courante, à une alimentation suffisante et à un couchage approprié, ni à des installations sanitaires et d’hygiène. Les ONG n’ont pas été autorisées à se rendre dans ces établissements. Aucun chiffre officiel n’a été publié sur le nombre de personnes arrêtées et expulsées au cours de cette opération.

SURVEILLANCE INTERNATIONALE

Le 7 mai, le Comité contre la torture [ONU] a exprimé sa vive inquiétude au sujet des nombreuses informations faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements infligés aux détenus dans la plupart des prisons du pays. Le Comité a dénoncé le recours systématique à la détention provisoire, le non- respect des restrictions réglementaires qui encadrent cette procédure et l’incapacité des autorités à garantir les droits des détenus à une représentation juridique et à informer leurs proches de leur détention .

CONDITIONS DE DÉTENTION

Les conditions de détention demeuraient extrêmement éprouvantes, notamment en raison d’une surpopulation chronique, du manque de nourriture et d’eau potable, d’un accès insuffisant aux soins médicaux, d’un manque de personnel de santé, et d’installations sanitaires et d’hygiène médiocres. En avril, trois détenus sont morts en détention au commissariat central de Pointe-Noire, dont Batola Régis, qui était confiné dans une petite cellule surpeuplée et est mort de malnutrition. À la fin de l’année, aucune enquête n’avait été ouverte sur ces faits.

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