Anniversaire de la mort du blogueur Ananta Bijoy Das : l’impunité persiste

Les autorités bangladaises doivent intensifier leurs efforts pour que les assassins du blogueur laïc Ananta Bijoy Das répondent de leur actes et pour mettre fin à l’impunité de la série d’homicides ayant visé des défenseurs des droits humains, entre autres personnes, a déclaré Amnesty International à l’occasion de l’anniversaire de la mort d’Ananta Bijoy Das.

Le 12 mai 2015, à Sylhet, au Bangladesh, alors qu’il se rendait à son travail, Ananta Bijoy Das a été abordé par des hommes masqués armés de machettes. Ses assaillants l’ont frappé à la tête et sur le corps, puis se sont enfuis en se dispersant dans la foule, selon les informations recueillies. Ananta Bijoy Das a été conduit à l’hôpital, où sa mort a été constatée. Cette attaque a été revendiquée par un groupe violent qui prétend agir au nom de l’islam, Ansar al Islam (également connu sous le nom d’Ansarullah Bangla Team), et qui affirme être lié à Al Qaïda sur le sous-continent indien.

Ananta Bijoy Das était un blogueur laïc bien connu au Bangladesh et il écrivait des articles pour le site laïc Mukto Mona, modéré par le passé par Ajivit Roy, blogueur et écrivain qui a lui aussi été assassiné par des hommes armés de machettes, en 2015 dans une rue de Dacca. Ananta Bijoy Das avait été distingué en 2006 par le prix décerné annuellement par Mukto Mona, pour sa contribution à la « diffusion des messages et des idéaux laïcs et humanistes ». Des amis d’Ananta Bijoy Das ont expliqué qu’il avait critiqué l’exercice de la violence au nom de la religion et défendait les idées scientifiques et rationalistes.

Une année s’est écoulée et personne n’a eu à répondre de la mort d’Ananta Bijoy Das. Quatre suspects ont été arrêtés par la police judiciaire, mais aucun autre progrès notable n’a été enregistré dans cette affaire. Aucune poursuite n’a été engagée contre quiconque et l’on ne dispose d’aucune information concernant l’ouverture d’un éventuel procès.

Ce type d’impunité est très courant et ne se limite pas au seul cas d’Ananta Bijoy Das. Depuis février 2013, Amnesty International a reçu des informations faisant état d’au moins sept autres assassinats ayant ciblé des blogueurs laïcs, des responsables de publication et des défenseurs des droits humains au Bangladesh. Le plus récent, qui a visé Nazimuddin Samad, a eu lieu à Dacca le 6 avril 2016. Toutes ces attaques suivent le même schéma : des défenseurs des droits humains ont été tués à coups de machette, souvent en plein jour, par des groupes violents qui disent avoir ciblé leurs victimes parce qu’elles avaient offensé l’islam. Dans un cas seulement – l’assassinat du blogueur Rajib Haidar en février 2013 – les responsables ont eu à rendre des comptes. Les auteurs présumés des autres assassinats n’ont toujours pas été déférés à la justice, mais des enquêtes sont en cours et des arrestations ont eu lieu dans certaines de ces affaires.

Les attaques perpétrées par des groupes violents qui prétendent agir au nom de l’islam se sont multipliées ces derniers temps au Bangladesh, et elles ont visé d’autres défenseurs des droits humains qui n’étaient pas expressément laïcs. Parmi les personnes assassinées en 2016 figurent Xulhaz Mannan, défenseur connu des droits des LGBTI, un professeur d’université, un tailleur hindou accusé d’avoir insulté l’islam, et un dirigeant d’une communauté musulmane soufie. Ces attaques ont été revendiquées par des groupes qui prétendent être liés à Al Qaïda ou par le groupe armé qui se fait appeler État islamique, mais personnes n’a eu à répondre de leurs actes, même si des enquêtes sont en cours et si des arrestations ont eu lieu dans certaines de ces affaires.

L’impunité de ces assassinats a créé un climat de peur parmi les défenseurs des droits humains au Bangladesh, et un grand nombre d’entre eux ont été contraints d’entrer dans la clandestinité ou de s’exiler par crainte d’être les prochaines victimes. De nombreux défenseurs disent que la police n’a pas voulu ou pu leur fournir une protection, ou hésitent à se rapprocher des autorités car ils craignent de faire eux-mêmes l’objet de poursuites.

Plusieurs blogueurs ont en outre été inculpés au titre de l’article 57 de la Loi relative à l’information, aux communications et aux technologies, qui sanctionne pénalement les écrits qui peuvent « heurter des croyances religieuses ». Des défenseurs des droits des LGBTI qui sont allés voir la police ont été menacés de poursuites pénales car l’homosexualité est illégale au Bangladesh.

Amnesty International est extrêmement préoccupée par le fait que les autorités bangladaises se sont abstenues de condamner catégoriquement ces assassinats et qu’elles ont en outre semblé rejeter la faute sur les victimes.

De hauts responsables gouvernementaux ont demandé aux blogueurs et aux défenseurs des droits humains de cesser d’écrire des articles et de diffuser du contenu qui « heurte des sentiments religieux », à défaut de quoi ils s’exposent à être inculpés aux termes de lois draconiennes qui restreignent le droit à la liberté d’expression, telles que la Loi relative à l’information, aux communications et aux technologies. À la suite de l’assassinat de Nazimuddin Samad, par exemple, le ministre de l’Intérieur, Asaduzzaman Khan Kamal, a déclaré que l’enquête visait en partie à examiner les écrits de Nazmiuddin Samad afin de vérifier s’ils contenaient des propos « répréhensibles » concernant la religion. Un groupe d’ONG a récemment attiré l’attention sur la réaction des autorités bangladaises à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai 2016.

Recommandations

Amnesty International appelle les autorités bangladaises à :

• intensifier les enquêtes ouvertes sur les attaques récentes ayant visé des défenseurs des droits humains ainsi que d’autres personnes, et déférer à la justice les responsables présumés dans le cadre de procès équitables et transparents et sans recours à la peine de mort ;
• fournir une protection aux défenseurs des droits humains et aux autres personnes qui ont été menacés ou qui risquent d’être attaqués, et cesser d’inculper et de menacer des défenseurs de poursuites judiciaires pour des infractions prévues par des lois qui restreignent de manière inadmissible la liberté d’expression ou qui répriment pénalement leur sexualité ; et
• condamner publiquement ces assassinats et faire clairement savoir que le Bangladesh va protéger, défendre et faire respecter le droit à la liberté d’expression.

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