TIMOR-LESTE - Le Conseil de sécurité doit veiller à ce que les responsables d’atteintes aux droits humains soient tenus de répondre de leurs actes

Index AI : ASA 57/001/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Les Nations unies décident d’une nouvelle mission au Timor-Leste... Mais qu’advient-il du processus d’enquête sur les crimes graves ?

Le 28 avril, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1599 (2005), instituant au Timor-Leste (ex-Timor oriental) une « mission politique spéciale de relais, le Bureau des Nations unies au Timor-Leste (BUNUTIL) ». Elle remplacera la Mission d’appui des Nations unies à Timor oriental (MANUTO), dont le mandat expire le 20 mai 2005. Cette initiative s’inscrit dans un processus visant à réduire la présence des Nations unies dans le pays.

Tout en se félicitant que le Conseil de sécurité réaffirme la nécessité d’amener « les responsables des violations graves des droits de l’homme commises au Timor oriental en 1999 à en répondre véritablement », Amnesty International s’inquiète de ce que la résolution 1599 ne prévoit pas de poursuivre le processus d’enquête sur les crimes graves. Le Conseil retire son soutien à ce processus alors qu’aucun autre mécanisme crédible et efficace n’est à même de garantir que justice sera rendue aux victimes des graves atteintes aux droits humains commises au Timor-Leste en 1999.

Le Groupe d’enquête sur les crimes graves et les Collèges spéciaux doivent être dissous ; pourtant, leur travail n’est pas terminé.

Au lendemain des terribles violences perpétrées dans le cadre de la consultation sur l’indépendance, le Conseil de sécurité a exigé dans ses résolutions 1264 (1999) et 1272 (1999) que les responsables des crimes graves commis au Timor-Leste en 1999 soient traduits en justice. Par la suite, le Groupe d’enquête sur les crimes graves et les Collèges spéciaux ont été mis en place au Timor-Leste, afin de mener des enquêtes et de juger les auteurs présumés de ces agissements. En raison des échéances fixées par le Conseil de sécurité en mai 2004, lors même que leur mission est loin d’être accomplie, le Groupe d’enquête sur les crimes graves a mis fin à ses investigations le 30 novembre et émis son dernier acte d’inculpation le 17 décembre 2004. Quant aux Collèges spéciaux, ils tentent de clore tous les procès en instance d’ici le 20 mai 2005.

Le secrétaire général des Nations unies reconnaît que le processus d’enquête sur les crimes graves ne prend pas fin parce que la tâche est achevée. Au contraire, il a admis dans son dernier rapport d’activité concernant la MANUTO que ce processus risque de ne pas satisfaire pleinement au désir de justice des victimes des violences de 1999, compte tenu des délais et des ressources restantes. Il a ajouté qu’un nombre important d’affaires ne pourront faire l’objet d’enquêtes ni être instruites, les échéances fixées par le Conseil de sécurité devant être respectées.

Il incombe toujours au Conseil de sécurité de veiller à ce que justice soit rendue.

La justice pour les crimes graves commis en 1999 demeure largement illusoire. Quelque 303 suspects sur près de 400 personnes inculpées de crimes graves par le procureur général du Timor-Leste se trouvent toujours en dehors de sa juridiction, les autorités indonésiennes s’obstinant à refuser de les transférer pour qu’ils soient jugés. Loin de donner satisfaction, les procès qui se sont déroulés en Indonésie n’ont pas permis de rendre justice ni d’établir la vérité, pas un seul membre des forces de sécurité n’ayant été amené à rendre compte de ses actes. D’autre part, la Commission vérité et amitié, commission bilatérale mise sur pied par les gouvernements du Timor-Leste et d’Indonésie afin de se pencher sur les questions liées aux événements de 1999, n’offre aucune perspective en termes d’obligation de rendre des comptes. Tandis qu’elle est habilitée à recommander des grâces en faveur des responsables d’atteintes aux droits humains et à réhabiliter les personnes « accusées à tort », les termes de son mandat ne l’autorisent pas à préconiser des réparations et ne permettent pas que ses actions débouchent sur des poursuites.

La communauté internationale a reconnu qu’elle était tenue de rendre justice pour les crimes graves, notamment les crimes contre l’humanité, commis au Timor-Leste en 1999. Cette responsabilité n’est pas oblitérée par les écueils auxquels se heurte le cours de la justice. Bien au contraire, la réticence des autorités indonésiennes à satisfaire aux exigences de justice du Conseil de sécurité - qu’illustre leur manque de détermination à coopérer au processus d’enquête sur les crimes graves commis au Timor-Leste - ne fait que mettre en relief la nécessité pour la communauté internationale de déployer des efforts renouvelés afin que justice soit rendue.

Il incombe désormais au Conseil de sécurité de promouvoir la création d’un mécanisme de remplacement, afin de faire en sorte que tous les responsables qui n’ont pas encore été jugés soient amenés à répondre de leurs actes. Le secrétaire général a institué une Commission d’experts chargée de formuler des recommandations visant à faire avancer la justice pour le Timor-Leste. Amnesty International espère que ces recommandations sauront répondre au désir encore insatisfait de justice et à la nécessité d’amener les responsables à rendre des comptes. En outre, l’organisation de défense des droits humains espère que le Conseil de sécurité s’acquittera de son engagement de veiller à ce que justice soit rendue, en apportant un soutien durable à toute recommandation portant création d’un mécanisme efficace.

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