SERBIE-ET-MONTÉNÉGRO : Mise en sommeil d’un procès retentissant : les autorités sont soupçonnées de couvrir une affaire de trafic sexuel

Index AI : EUR 70/017/2003

Jeudi 5 juin 2003

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International craint que le système judiciaire monténégrin n’ait
manqué à ses devoirs envers des victimes de trafic sexuel. Récemment, un
procès retentissant a été mis en sommeil par le parquet de Podgorica, la
capitale du Monténégro, qui a interrompu les procédures engagées contre le
procureur adjoint du Monténégro et contre trois autres hommes en raison de
leur implication présumée dans une affaire d’esclavage sexuel.

Pendant plus de trois ans, le témoin principal dans cette affaire, une femme
originaire de Moldavie, âgée de vingt-huit ans et mère de deux enfants, a
été victime de terribles sévices sexuels. De graves blessures lui ont été
infligées, notamment sept fractures, des lésions internes en raison
desquelles elle ne peut s’asseoir sans éprouver de douleur, des cicatrices
dues au port de menottes, des brûlures de cigarettes sur les parties
génitales ainsi que des hématomes dans la bouche. Elle affirme que des
personnalités monténégrines, hommes politiques, juges, policiers ou membres
de la fonction publique, l’ont torturée et violée, de même que d’autres
femmes originaires de l’Europe de l’Est qui, comme elle, avaient fait
l’objet d’un trafic et avaient été détenues en tant qu’esclaves sexuelles.

« L’interruption des procédures pénales a laissé supposer que les autorités
monténégrines pouvaient chercher à couvrir cette affaire, a déclaré Amnesty
International. La traite de femmes et de jeunes filles à des fins
d’esclavage sexuel constitue une préoccupation majeure, et la mise en
sommeil de cette affaire, malgré l’existence manifeste de témoignages et
d’éléments de preuve détaillés, ne peut que faire douter de la volonté des
autorités monténégrines de lutter contre ce commerce inhumain.

« Le témoignage de cette femme recoupe de nombreux autres récits effroyables
de femmes et de jeunes filles qui ont été réduites à l’esclavage sexuel, a
ajouté l’organisation de défense des droits humains. Elle avait quitté la
Moldavie pour trouver du travail en Serbie. Après avoir confié son
passeport, elle est devenue une esclave ; elle a été vendue à divers
"propriétaires", comme un animal, et a été régulièrement battue, droguée,
brûlée et violée. »

Selon les déclarations de cette femme, à chaque fois qu’elle a tenté de
s’échapper, la police l’a ramenée à ses « propriétaires », jusqu’au jour où,
en novembre 2002, elle a réussi à rejoindre le foyer sécurisé pour les
femmes situé à Podgorica.

« Amnesty International est extrêmement préoccupée par des allégations
indiquant que les autorités se rendent complices de mauvais traitements
infligés à des femmes et à des jeunes filles qui ont été réduites en
esclavage ; elle appelle les autorités monténégrines à prendre d’urgence des
mesures sérieuses pour lutter contre ce fléau », a déclaré l’organisation.

Contexte

La traite de femmes et de jeunes filles à des fins sexuelles a connu un fort
développement dans le monde entier. Les trafiquants font transiter ces
femmes et ces jeunes filles par les Balkans et en particulier par le
Monténégro, les pays de cette région étant également, pour certaines, des
lieux de destination. La plupart d’entre elles viennent de pays d’Europe de
l’Est : dans les Balkans, on estime qu’environ 60 p. cent des femmes et
jeunes filles faisant l’objet d’un trafic sont originaires de la Moldavie,
l’un des pays les plus défavorisés d’Europe. Dans beaucoup de cas, les
victimes ont été séduites par de fausses promesses d’emploi de serveuses (ou
autre occupation similaire) en Europe occidentale, mais elles sont
finalement contraintes à devenir des esclaves sexuelles. Un grand nombre
d’entre elles sont brisées, mentalement et physiquement, en raison des viols
et des violences extrêmes dont elles ont été victimes. Elles font souvent
l’objet de multiples reventes et transferts d’un lieu à un autre.

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