Communiqué de presse

Salvador. Des femmes et des jeunes filles meurent ou sont condamnées à cause de l’interdiction totale de l’avortement

Au Salvador, l’interdiction totale de l’avortement, une loi répressive d’un autre âge, détruit la vie de femmes et de jeunes filles car elle les pousse à avoir recours à des avortements clandestins et risqués ou les force à mener à terme des grossesses dangereuses, déclare Amnesty International jeudi 25 septembre. Celles qui mettent fin à leur grossesse risquent des peines de prison pouvant aller jusqu’à plusieurs années.

Le récent rapport d’Amnesty International, À deux doigts de la mort : la violence contre les femmes et l’interdiction de l’avortement au Salvador, démontre que du fait de cette loi restrictive des centaines de femmes et de jeunes filles meurent parce qu’elles ont eu recours à des avortements clandestins. De plus, cette pratique étant érigée en crime, les femmes suspectées d’avoir avorté risquent de lourdes peines de prison.

« La terrible répression à laquelle font face les femmes et les jeunes filles du Salvador est réellement choquante et s’apparente à des actes de torture. Elles sont privées de leur droit fondamental de disposer de leur corps et sont sévèrement punies si elle osent exercer ce droit  », a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International, qui a rendu le rapport public à San Salvador ce 25 septembre.

« Il est consternant de voir que l’interdiction s’étend même aux cas où la vie de la femme est en danger. Ainsi, les femmes dont l’état de santé rend la grossesse dangereuse sont face à un choix impossible : elles sont prises au piège entre le risque de prison si elles avortent et une mort certaine si elles ne font rien.  »

Aux termes de cette législation restrictive, les femmes et les jeunes filles déclarées coupables d’avoir avorté risquent entre deux et huit ans d’emprisonnement.

Le rapport d’Amnesty International apporte des informations sur des cas où des femmes ayant subi une fausse couche ont été poursuivies et emprisonnées pendant des décennies. Au titre des lois sur les homicides, elles risquent des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 50 ans.
C’est ce qui est arrivé à María Teresa Rivera, condamnée après avoir fait une fausse couche et qui purge actuellement une peine de 40 ans de prison.

María Teresa Rivera, qui avait déjà un fils de cinq ans, ignorait qu’elle était enceinte quand elle a eu un malaise dans l’usine de confection où elle travaillait. Sa belle-mère l’a découverte baignant dans son sang, sur le sol des toilettes. María Teresa a alors été transportée d’urgence à l’hôpital, où un membre du personnel l’a dénoncée à la police. Les policiers, arrivés sur les lieux, ont commencé à l’interroger en l’absence d’un avocat.

En juillet 2012, elle a été jugée et déclarée coupable d’homicide aggravé, sur la base de preuves pourtant douteuses. Son petit garçon aura 45 ans lorsqu’elle sera libérée.

María Teresa Rivera est l’une des très nombreuses femmes emprisonnées pour des motifs liés à une grossesse, comme des avortements ou des fausses couches. Certaines d’entre elles sont emprisonnées depuis plus de 10 ans déjà. Comme la plupart des femmes dont il est question dans le rapport d’Amnesty International, María Teresa Rivera est issue de la couche la plus pauvre de la société.

L’interdiction de l’avortement concerne même les enfants victimes de viol. La loi force toutes les femmes à mener à terme leur grossesse, même si cela peut avoir des conséquences dévastatrices, tant sur le plan physique que psychologique.

Amnesty International a notamment recueilli le témoignage d’un médecin qui avait soigné une fillette de dix ans, victime de viol : « C’était un cas très difficile [...] Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait [...] Elle nous a demandé des crayons de couleur, ça nous a fendu le cœur. On a dit : "C’est juste une petite fille, juste une petite fille." Elle ne comprenait pas qu’elle était enceinte. » La petite fille a été forcée de poursuivre sa grossesse.
Les lois anti-avortement du Salvador révèlent une discrimination de plus grande ampleur envers les femmes et les jeunes filles du pays. Les préjugés liés au genre affectent même les décisions de justice, puisque les juges remettent parfois en question la crédibilité des femmes. Cette attitude discriminatoire envers les femmes et les jeunes filles implique également qu’il est presque impossible d’avoir accès à une éducation sexuelle et à la contraception.

« Le gouvernement salvadorien ne combat pas la discrimination envers les femmes, ce qui restreint sérieusement la vie des femmes et des jeunes filles. Il ne s’attaque pas non plus de façon adéquate aux obstacles insurmontables qui entravent l’accès à la contraception et à une véritable éducation sexuelle. Des générations de jeunes femmes risquent ainsi d’être confrontées à un avenir d’inégalité, de discrimination, de limitations dans leurs choix et de restrictions à leurs libertés » , a déclaré Salil Shetty.

« Le monde ne peut pas rester les bras croisés pendant que des femmes et des jeunes filles souffrent et meurent au Salvador. Amnesty International appelle le gouvernement du Salvador à dépénaliser l’avortement en toutes circonstances. Il doit garantir l’accès à des services d’avortement sûrs et légaux au moins pour les femmes et les jeunes filles dont la grossesse met en danger la vie ou la santé, lorsque la grossesse est le résultat d’un viol ou lorsque le fœtus présente de graves malformations. »

COMPLÉMENT D’INFORMATION

Le Salvador est l’un des sept pays d’Amérique latine où l’avortement est totalement interdit par la loi : le Chili, Haïti, le Honduras, le Nicaragua, la République dominicaine et le Surinam. Certains de ces pays, comme le Chili, ont déjà entrepris de modifier leurs lois.

Le cas de Beatriz, une jeune femme de 22 ans originaire d’une région rurale du Salvador, a été très médiatisé l’année dernière. Beatriz avait des antécédents de lupus et d’autres graves problèmes de santé. Elle est tombée enceinte, mais le fœtus était anencéphale (il lui manquait une grande partie du cerveau et du crâne) et il ne pouvait donc survivre que quelques heures ou quelques jours après la naissance. Même la Cour suprême, saisie de son cas, a refusé d’autoriser l’avortement. Le 3 juin 2013, à la suite de l’intervention de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et d’une couverture médiatique internationale, le gouvernement salvadorien a finalement autorisé Beatriz à subir une césarienne précoce. Le nouveau-né est décédé quelques heures plus tard.

Salvador. Plus aucune femme ne doit subir le traitement discriminatoire réservé à Beatriz, qui s’apparente à de la torture

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