Communiqué de presse

Roumanie. Recours présumé à une force excessive lors de manifestations à Bucarest

Jeudi 26 janvier, Amnesty International a écrit à Constantin Traian Igas, le ministre roumain de l’Intérieur, au colonel Angelica Costel Gavrila, l’inspecteur général de la gendarmerie roumaine, et à Laura Codruta Kovesi, la procureure générale, afin de leur faire part de sa préoccupation après que des policiers eurent semble-t-il recouru à une force excessive tandis qu’ils essayaient de disperser des manifestants. Amnesty International exhorte les autorités roumaines à mener dans les meilleurs délais une enquête indépendante et approfondie digne de ce nom sur ces allégations, et à traduire en justice tous les responsables présumés de violations des droits humains.

D’après certaines informations relayées par les médias, Bucarest est depuis le 13 janvier le théâtre d’actions de protestation en faveur d’un changement sur le plan politique, économique et social. Bien que ces manifestations soient généralement pacifiques, des faits de violence graves ont été signalés les 15 et 19 janvier entre participants et policiers. Le 15 janvier, des manifestants ont ainsi jeté des pierres et des morceaux d’asphalte en direction de la police, et construit des barricades avant d’y mettre le feu. La police a répliqué en usant de matraques, de canons à eau et de gaz lacrymogène.

Des informations reprises par les médias, ainsi que des séquences vidéo aisément disponibles sur Internet indiquent que la police a recouru plusieurs fois à une force excessive contre des manifestants apparemment pacifiques qui ne leur opposaient aucune résistance. Une des séquences vidéo montre un policier frappant une femme à l’aide d’une matraque, tandis que deux autres donnent plusieurs coups de matraque un homme se tenant à côté d’un magasin. Ni cet homme ni cette femme ne leur opposaient de résistance, et aucun des deux ne se montrait violent.

Dans une autre vidéo, on peut voir des policiers continuer à frapper un homme se trouvant à terre, qui là non plus ne leur opposait aucune résistance. Cette vidéo montre aussi deux policiers rouer de coups un manifestant à terre et pulvériser ce qui a les apparences d’un produit chimique en direction de son visage.

D’autres informations et témoignages repris par les médias roumains font état de l’histoire d’un homme que des policiers auraient roué de coups de pied, au point de lui briser la jambe. Les policiers auraient traîné cet homme puis lui auraient donné de nombreux coups de pied jusqu’à ce que d’autres manifestants interviennent. Les fonctionnaires auraient alors laissé cet homme à terre.

Dans la soirée du 19 janvier, de nouveaux épisodes de violence entre policiers et manifestants ont été signalés sur la place de l’Université, où du gaz lacrymogène aurait été employé pour disperser la foule. Selon certaines informations, des dizaines de personnes ont été appréhendées et cinq manifestants ont dû recevoir des soins médicaux. Plusieurs manifestants ont affirmé avoir été brutalisés et insultés par des policiers tentant de mettre fin aux actions de protestation.

Si, aux termes du droit international relatif aux droits humains, tout un chacun a le droit de participer à des rassemblements légaux et pacifiques, il est possible de restreindre l’exercice de ce droit dans l’intérêt de la sécurité nationale ou publique, de l’ordre public, de la protection de la santé publique ou des droits et libertés d’autrui. Amnesty International ne conteste pas le droit des autorités roumaines concernées d’agir conformément à la loi pour imposer ce type de restriction, et reconnaît que la police a l’obligation d’assurer la sécurité. Les opérations de maintien de l’ordre lors de manifestations doivent toutefois être conformes aux dispositions du droit international et aux normes associées, parmi lesquelles figure l’obligation d’agir de façon modérée et proportionnellement à la gravité de l’infraction et à l’objectif légitime à atteindre, de réduire autant que possible les dommages humains et matériels, et de respecter et préserver la vie humaine.

Selon une déclaration faite le 20 janvier par le bureau du procureur de la Haute cour de justice et de cassation, quatre plaintes ont été déposées jusqu’à présent contre des policiers ayant pris part aux opérations de maintien de l’ordre durant les manifestations.

Amnesty International demande à la procureure générale de veiller à ce que des enquêtes indépendantes et approfondies dignes de ce nom soient ouvertes dans les meilleurs délais sur les plaintes enregistrées, ainsi que sur toutes les autres allégations de recours à une force excessive par la police.

Amnesty International demande par ailleurs aux autorités roumaines de faire en sorte, dans le contexte des manifestations qui se poursuivent à Bucarest, que les opérations de maintien de l’ordre lors d’actions de protestation soient conformes, dans toutes les circonstances : aux obligations du pays en vertu du droit international relatif aux droits humains ; et aux normes internationales en la matière, telles que les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois.

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