Communiqué de presse

Roumanie. Les Roms doivent revenir à Cluj-Napoca !

Lundi 17 décembre 2012, environ 200 personnes vont se rassembler autour de l’hôtel de ville de Cluj-Napoca pour commémorer le deuxième anniversaire de l’expulsion et de la réinstallation forcées de quelque 300 personnes. Les militants vont demander aux autorités locales de faire revenir les Roms dans la ville.

Il y a deux ans, les autorités de Cluj-Napoca ont expulsé de force quelque 300 personnes – principalement des Roms – de la rue Coastei, dans le centre-ville. Depuis, la plupart vivent dans la grande périphérie de Cluj-Napoca, près de la décharge et d’un site de déchets chimiques dans une zone appelée Pata Rât, où la municipalité les a envoyées.

Peu après leur expulsion, les Roms ont engagé un long combat pour la justice. L’un d’eux, Ernest Creta, qui vit maintenant dans un logement de fortune à Pata Rât, nous a livré son témoignage :

« C’est un triste anniversaire pour nous. Le 17 décembre 2010, à l’aube, une quantité impressionnante de policiers sont arrivés rue Coastei, accompagnés des autorités locales. Nous avons été submergés et terrifiés par leur nombre. Face aux pressions et aux menaces verbales des autorités locales, nous avons accepté les logements qu’elles nous proposaient sans savoir exactement où ils se trouvaient ni à quoi ils ressemblaient. »

Les conditions de relogement étaient très mauvaises. Sur les 76 familles expulsées, une trentaine ne se sont vu proposer aucun logement de remplacement et ont été littéralement laissées à la rue. Les 46 autres se sont vu attribuer une pièce par famille, avec une salle de bain commune pour quatre familles. Le principal moyen de transport pour se rendre en ville est un bus scolaire qui passe à 7 h 15 le matin. La ligne de bus régulière la plus proche passe à 2,5 km, de l’autre côté de la voie ferrée.

« Quand nous vivions rue Coastei, nous étions intégrés à la vie de la ville. Nous avions un travail, les enfants allaient au lycée, notre niveau de vie était décent, nous pouvions aller au parc, etc. Ici, à côté de la décharge, nous avons l’impression de vivre dans un ghetto, nous nous sentons victimes de discrimination sur tous les plans », a déclaré Ernest Creta.

Depuis deux ans, le Groupe de travail des organisations civiles (gLOC), Amnesty International et le Centre européen des droits des Roms (CEDR) soutiennent les anciens habitants de la rue Coastei dans leur combat pour la justice et la dignité. Dans leur déclaration conjointe publiée pour l’anniversaire de l’expulsion de décembre 2010, ces organisations lancent un appel aux autorités de Cluj-Napoca :

« La municipalité a mené une expulsion forcée bafouant les normes relatives aux droits humains qui s’appliquent en Roumanie. Le gouvernement central n’a rien fait pour empêcher que les mesures prises par la municipalité ne donnent lieu à des violations des droits fondamentaux. Les autorités locales et centrales ont donc la responsabilité de remédier de toute urgence à ces violations et de veiller à ce que les personnes expulsées soient réinstallées dans des logements convenables et ramenées en ville. »

Dès leur expulsion, les habitants de la rue Coastei ont tenté de rencontrer les autorités pour évoquer avec elles le problème de leurs conditions de vie.

La municipalité a finalement accepté de les rencontrer courant 2012. Elle leur a annoncé qu’elle commencerait à évacuer les Roms de Pata Rât en 2014, dans le cadre d’un projet conjoint avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Cependant, les informations sur le lieu où ils seront réinstallés sont très vagues et les Roms peuvent s’attendre à vivre encore plusieurs années dans ces conditions déplorables, qui les empêchent de jouir pleinement de leurs droits fondamentaux à l’éducation, à l’emploi et aux soins médicaux.

Quelque 1 500 personnes vivent dans la zone de Pata Rât, dont environ 300 anciens habitants de la rue Coastei. Les autres vivent dans la rue Cantonului, dans le quartier de Dallas et, pour un certain nombre d’entre elles, sur la décharge municipale. Leurs conditions de logement sont déplorables. Un habitant de la rue Cantonului, Iosif Adam, nous a expliqué :

« Nous venons tout juste de commencer à nous organiser. Nous ne voulons pas qu’on nous oublie. La plupart d’entre nous avons été amenés ici par les autorités locales depuis 2002. On nous a dit que ce serait temporaire. Et nous voilà en 2012 : sans papiers d’identité, sans électricité et sans eau. C’est une vie précaire, dans une grande insécurité. »

Complément d’information

Pour marquer le deuxième anniversaire de l’expulsion forcée des habitants de la rue Coastei et de leur réinstallation à Pata Rât, les communautés roms concernées, l’Association des Roms de Coastei, Amnesty International, le gLOC, le CEDR, tranzit.ro, AltArt et la faculté de sciences politiques, administratives et de la communication de l’université Babes-Bolyai ont organisé une série d’événements intitulés « Pata Rât 2012 : les Roms rejetés à la marge ».

Ces organisations rappellent aux autorités de Cluj-Napoca et au gouvernement roumain que quelque 1 500 Roms vivent actuellement dans la zone de Pata Rât. Environ 42 % d’entre eux ont été amenés là par les autorités locales. Les Roms de la « Colina Verde », de la rue Cantonului, de Dallas et de la décharge souffrent quotidiennement des effets néfastes de l’isolement et des mauvaises conditions de logement, ainsi que du racisme et de la discrimination, qui sont autant de violations de leurs droits fondamentaux et de leur dignité.

Les recherches d’Amnesty International montrent que les expulsions forcées de Roms installés dans des camps informels sont une pratique courante dans toute la Roumanie. La loi roumaine n’exige pas des autorités qu’elles préviennent de façon appropriée et dans un délai raisonnable les habitants de ce type de camps de leur expulsion programmée. En cas de recours déposé par les personnes concernées, l’expulsion peut être retardée, mais les habitants de ces quartiers n’apprennent souvent la décision que quelques jours avant l’expulsion, et manquent de moyens pour engager une action en justice. En outre, le droit international relatif aux droits humains interdit les expulsions en hiver.

La Roumanie est partie à divers traités internationaux et régionaux relatifs aux droits humains, qui garantissent la protection du droit à un logement convenable. Parmi ces traités figurent le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination et la Charte sociale européenne dans sa version révisée. Au titre de ces traités, la Roumanie a l’obligation de veiller à ce que le droit à un logement convenable, et notamment le droit de ne pas subir d’expulsion forcée, soit protégé dans tout le pays.

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