Communiqué de presse

République dominicaine. Plus d’espoir pour les dizaines de milliers d’apatrides risquant d’être expulsés

Des dizaines de milliers de personnes nées en République dominicaine, pour la plupart d’origine haïtienne, risquent d’être expulsées lorsque le délai pour enregistrer leur demande de séjour arrivera à expiration le 1er février, a déclaré Amnesty International dimanche 1er février 2015.

« À minuit, les espoirs de dizaines de milliers de personnes vulnérables seront gâchés une fois cette date butoir passée. Des milliers d’entre elles risquent alors d’être expulsées du pays », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.

« Même si elles parviennent à rester en République dominicaine après l’expiration de cette échéance, leur avenir sera bien incertain. Si les termes " résident " et " apatride " peuvent sembler bureaucratiques, en réalité la citoyenneté légale permet l’accès à l’éducation, à la santé et à l’emploi, entre autres droits fondamentaux. »

Adoptée en mai 2014, la loi 169/14 requiert que les personnes nées de parents étrangers sans papiers, dont la naissance n’a jamais été déclarée en République dominicaine, s’enregistrent dans le cadre d’un programme spécial pour obtenir un permis de séjour nécessaire en vue de demander par la suite la naturalisation. Cependant, la date butoir a été fixée au dimanche 1er février et n’a pas été repoussée. Tous ceux qui ne sont pas encore inscrits dans le système perdront définitivement la possibilité de se voir accorder la nationalité dominicaine.

Parmi les personnes éligibles à l’enregistrement au titre de la loi, un pourcentage minime a été en mesure d’entamer la procédure avant l’échéance. Le ministre de l’Intérieur a déclaré qu’au 9 janvier, 5 345 personnes avaient souscrit au plan de régularisation prévu par la loi 169/14 – moins de 5 % des 110 000 personnes qui sont en droit de le faire.

La loi a été adoptée après la condamnation généralisée de la décision de la cour constitutionnelle dominicaine de priver de manière rétroactive des milliers de personnes d’origine étrangère de leur nationalité dominicaine, les rendant ainsi apatrides. La nouvelle loi les a contraintes à s’enregistrer en tant qu’étrangers et à suivre la procédure complète de demande de nationalité.

« Il est temps de mettre fin à cette crise. La réalité, c’est que lorsque la grande majorité de ces personnes sont nées, la loi dominicaine leur accordait le statut de citoyens. Les priver de ce droit, et créer des obstacles administratifs insurmontables les empêchant de rester dans le pays bafoue leurs droits humains », a déclaré Erika Guevara Rosas.

Des expulsions ont déjà été signalées. Le 27 janvier, 51 personnes, dont 30 mineurs nés en République dominicaine, les mères de certains d’entre eux et 14 autres adultes, ont été expulsées vers Haïti en dehors de toute procédure légale.

La loi 169/14 définit deux catégories de personnes : celles qui, à un moment donné, ont été inscrites sur les registres de l’État civil dominicain, et celles dont la naissance n’a jamais été déclarée.

La plupart des personnes de la première catégorie, qui auraient dû récupérer leur nationalité dominicaine grâce à une procédure rapide, attendent depuis des mois et beaucoup demeurent de facto apatrides.

Juan Alberto Antuan Vill est un jeune homme d’origine haïtienne né en République dominicaine et inscrit sur les registres de l’État civil dominicain à sa naissance. Il attend d’obtenir ses papiers d’identité depuis de nombreuses années. Il a déclaré à Amnesty International :

« Nous sommes très inquiets parce que les autorités continuent de nier l’existence des apatrides, et pourtant c’est notre réalité. Nous ne faisons pas confiance à la procédure, à cause des personnes qui la dirigent. La discrimination est bien présente dans ce pays, je ne peux pas travailler, ni avoir accès aux services de base. »

« Depuis trop longtemps, la République dominicaine foule aux pieds les droits des personnes d’origine haïtienne à l’intérieur de leur pays. Cette injustice n’a que trop duré, et le gouvernement doit veiller sans délai à rétablir pleinement la nationalité dominicaine des milliers de personnes vulnérables qui sont nées, vivent et travaillent dans le pays depuis des décennies », a déclaré Erika Guevara Rosas.

En savoir plus :

La loi 169/14 a déjà fait l’objet de vives critiques. En octobre 2014, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a statué qu’elle bafouait la Convention américaine des droits de l’homme. Les autorités dominicaines ont immédiatement rejeté la décision et refusé de s’y conformer. Elles ont également affirmé à plusieurs reprises que personne n’était devenu apatride.

Des centaines de milliers de migrants d’origine haïtienne vivent en République dominicaine. Dans de nombreux cas, leurs proches avaient été activement encouragés à venir s’y installer à partir des années 1940, via les accords latéraux entre les deux pays visant à implanter une main-d’œuvre bon marché pour travailler dans les plantations de canne à sucre.

Pendant des décennies, l’État dominicain a officiellement reconnu les enfants des migrants haïtiens nés dans le pays comme des citoyens dominicains, leur délivrant des certificats de naissance, des cartes d’identité et des passeports dominicains, quel que soit le statut migratoire de leurs parents

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