Répression accrue des médias : un climat de peur

• 131 médias et maisons d’édition fermés ; plus de 40 journalistes arrêtés

• Les décrets pris au titre de l’état d’urgence ne sont pas conformes aux principes de nécessité, de proportionnalité et de but légitime

Alors que débute en Turquie la deuxième semaine d’un état d’urgence qui doit durer trois mois, la répression de la société civile et les atteintes à la liberté des médias sont parvenues à un niveau inquiétant et sans précédent, a déclaré Amnesty International.

Quatre-vingt-neuf journalistes se sont vu décerner un mandat d’arrêt ; plus de 40 ont déjà été arrêtés et d’autres sont entrés dans la clandestinité. Le second décret pris au titre de l’état d’urgence, le 27 juillet, a entraîné la fermeture de 131 médias et maisons d’édition.

«  L’interpellation de journalistes en grand nombre et la fermeture de plusieurs médias constituent une attaque contre un secteur déjà affaibli par des années de répression. Ce second décret laisse peu de doute quant au fait que les autorités entendent réduire au silence les voix dissidentes, au mépris du droit international, a déclaré Fotis Filippou, directeur adjoint du programme Europe d’Amnesty International.

« Même dans le cadre de l’état d’urgence, les restrictions doivent être nécessaires et proportionnées, et servir un but légitime. Or, les dispositions des deux décrets pris au cours de la semaine du 25 juillet sont contraires à ces trois principes et contredisent totalement les déclarations des autorités, qui prétendent respecter les droits et la primauté du droit. »

Le premier décret, pris le 23 juillet, a étendu à 30 jours la durée maximale de détention avant inculpation. Amnesty International a révélé des informations crédibles selon lesquelles de nombreux détenus auraient subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements. Par ailleurs, des avocats se sont vu interdire, en violation de la loi, tout contact avec leurs clients détenus.

« Il faut que les autorités traduisent en justice les responsables présumés d’homicides illégaux et d’autres atteintes aux droits humains commis lors de la tentative de coup d’État. Ce faisant, elles sont tenues de respecter le droit à un procès équitable, l’interdiction de la torture et les autres droits humains. La répression accrue de la liberté de la presse n’est pas conforme à ce but et est illégale, a déclaré Fotis Filippou.

«  Nous appelons une nouvelle fois les autorités turques à mettre fin à la torture et aux autres formes de mauvais traitements infligées à des détenus et à permettre à des observateurs internationaux de rendre visite à ces personnes sur leur lieu de détention. »

QUELQUES CHIFFRES

Le point sur la répression brutale faisant suite à la tentative de coup d’État en Turquie

Les droits humains sont en danger en Turquie depuis la tentative de coup d’État sanglante du 15 juillet. En effet, les autorités ont réagi immédiatement en déclenchant une répression d’une ampleur exceptionnelle, qui se poursuit depuis l’instauration de l’état d’urgence cinq jours plus tard.

Amnesty International est présente sur le terrain, à Istanbul et Ankara, pour recueillir des informations sur les violations des droits humains commises dans ce contexte. Les chiffres sont alarmants :

131 médias et maisons d’édition fermés : trois agences de presse, 16 chaînes de télévision, 23 stations de radio, 45 journaux, 15 revues et 29 maisons d’édition ;

Au moins 89 mandats d’arrêt décernés à des journalistes, dont plus de 40 ont été arrêtés ;

Au moins 260 morts et plus de 2 000 blessés à Istanbul et Ankara lors de la tentative de coup d’État, selon les pouvoirs publics ;

Plus de 15 000 personnes arrêtées depuis la tentative de coup d’État ;

Plus de 45 000 personnes ont été suspendues de leurs fonctions ou licenciées, y compris des policiers, des juges et des procureurs

Plus de 1 000 écoles privées fermées et 138 000 élèves attendant leur transfert dans des écoles publiques ;

48 heures : durée pendant laquelle la police aurait maintenu des détenus dans des positions douloureuses à Ankara et Istanbul. Des détenus on été privés de nourriture, d’eau et de soins médicaux, insultés et menacés. Certains ont été passés à tabac, torturés ou violés ;

3 mois : durée initiale de l’état d’urgence instauré le 20 juillet soir, qui autorise le Premier ministre et son cabinet à gouverner par décret et à contourner ainsi le Parlement ;

30 jours : le 23 juillet, un premier décret pris dans le cadre de l’état d’urgence a fait passer la durée maximale de détention avant inculpation de quatre à 30 jours ;

15  : l’article de la Constitution turque qui prévoit que les autorités ne peuvent pas « suspendre » la Convention européenne des droits de l’homme. Même dans le cadre de l’état d’urgence, elles peuvent seulement déroger à certains droits ;

0 : nombre d’observateurs indépendants chargés de surveiller la situation des droits humains pouvant se rendre dans les centres de détention en Turquie depuis que l’Institution nationale des droits humains a été dissoute en avril 2016.

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