PEROU. Le président Alan García doit promulguer sans réserve la loi sur le droit à une consultation préalable pour les peuples indigènes

ÉFAI-15 juin 2010
Index AI : AMR 46/012/2010

Amnesty International, ainsi que les centaines de personnes du monde entier ayant signé la pétition soutenue par l’organisation, demandent une nouvelle fois au président Alan García de promulguer sans réserve et sans plus de délai la loi sur le droit à une consultation préalable pour les peuples indigènes, approuvée par le Congrès le 19 mai dernier.

Il est honorable de la part du Congrès d’approuver une loi respectant les accords fondamentaux conclus avec les peuples indigènes de l’Amazone et des Andes péruviennes, et Amnesty International salue l’opiniâtreté dont ont fait preuve indigènes et membres du Congrès afin d’obtenir ce résultat, un exemple pour toute la région. Cela force l’admiration de voir comment, malgré les violations des droits fondamentaux dont les peuples indigènes du Pérou ont été victimes, des représentants de cette population ont pris part à un dialogue constructif et sont parvenus à des accords, faisant ainsi preuve de compétence et de bonne volonté dans le but de faire progresser les dossiers qui sont de la plus haute importance pour eux. Une fois la loi approuvée, cinq organisations représentant des peuples indigènes péruviens ont demandé au président de la promulguer.

L’État péruvien doit désormais mettre à profit cette occasion de travailler de manière constructive avec les peuples indigènes, et faire oublier l’image gravée dans l’esprit de personnes du monde entier ayant été témoins de la tragédie prévisible et évitable dont la région amazonienne péruvienne a été le théâtre en juin 2009, provoquée par des années de non-respect des droits des peuples indigènes.

Une première étape doit être la promulgation immédiate et sans réserve de la loi par le président de la République. Cela devra être suivi de la mise en place d’un mécanisme garantissant l’application de la loi dans les meilleurs délais, après consultation de représentants des peuples indigènes librement désignés par ces derniers. Ce faisant, toutes les lois, réglementations, pratiques et institutions allant à l’encontre du droit à la consultation doivent être réévaluées et adaptées. La Commission d’experts de l’Organisation internationale du Travail (OIT) a formulé des recommandations spécifiques sur la législation en vigueur et les institutions nécessitant une réforme en urgence, et la communauté internationale surveillera de près la suite donnée par le gouvernement péruvien à ces recommandations. Par ailleurs, plusieurs des décrets législatifs à l’origine des actions de protestation sont toujours en vigueur, de même que les concessions accordées sans consultation préalable adéquate.

Les normes internationales en matière de droits humains qui protègent les peuples indigènes contre l’accaparement, au nom du développement, de leurs terres et ressources ont été adoptées afin de mettre fin à des modèles anciens de prise de décision qui leur ont été imposés et à des conditions d’existence menaçant leur survie. Ce n’est qu’en prenant les mesures nécessaires au renforcement d’un processus de consultation digne de ce nom que ce gouvernement montrera qu’il a réellement tiré des enseignements des événements tragiques survenus à Bagua en juin 2009 et qu’il est animé de la volonté politique requise afin d’inverser la tendance, après les années d’injustice qu’ont connues les populations indigènes du pays. C’est seulement ainsi que le Pérou pourra donner au monde une image différente de lui, une image de tolérance, de respect et de protection des droits de tous et de toutes sans discrimination.

COMPLÉMENT D’INFORMATION

Le 5 juin 2009, le Pérou a subi les tragiques conséquences de la non prise en compte des réclamations de sa population indigène. En tout, 33 personnes sont mortes sur la route menant à Bagua et à la station de pompage n° 6 de l’entreprise pétrolière d’État Petroperú. Au moins 200 autres personnes ont été blessées lors de l’intervention policière visant à mettre fin à l’action de protestation de milliers d’indigènes sur une route à proximité de Bagua, dans le nord du Pérou. Parmi les 33 personnes tuées, 23 étaient des policiers, cinq des riverains et cinq des indigènes. À ce jour, on ignore encore ce qui est advenu d’un policier.

Les populations indigènes protestaient contre l’adoption, datant de 2008, de décrets législatifs concernant le territoire qu’ils occupent traditionnellement et l’utilisation des ressources naturelles s’y trouvant. Ces décrets n’ont pas fait l’objet d’une consultation, malgré l’obligation incombant au gouvernement péruvien de mener de véritables consultations auprès des populations indigènes dans le but d’obtenir leur consentement préalable libre et éclairé. Cette obligation figure clairement : dans la convention 169 de l’Organisation internationale du travail (ratifiée en 1994 par le Pérou) ; dans la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée en 2007, dans la négociation de laquelle le Pérou a joué un rôle essentiel ; ainsi que dans de nombreux autres instruments internationaux auxquels le Pérou est partie.

Près d’un an plus tard, le 19 mai 2010, le Congrès a approuvé la loi sur le droit à une consultation préalable pour les peuples indigènes. Pour Amnesty International, cette loi constitue une avancée considérable, et l’organisation estime que si elle est appliquée correctement et pleinement elle permettra d’éviter que ce qui s’est passé à Bagua se reproduise.

Pour en savoir plus : http://www.amnesty.org/fr/library/info/AMR46/010/2010/es

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