Les autorités russes complices d’actes de torture

Mirsobir Khamidkariev, producteur de film et homme d’affaires ouzbèke, qui a fui vers la Russie en 2010, après que les autorités ouzbèkes l’ont accusé d’avoir organisé un groupe terroriste islamiste, Islam Jihadchilari.

Des douzaines de demandeurs d’asile, de réfugiés et de travailleurs migrants ont été expulsés de Russie, voire enlevés, et renvoyés de force en Ouzbékistan, où ils ont été torturés, a déclaré Amnesty International dans un document rendu public le 21 avril.

Ce document, intitulé Fast-track to Torture : Abductions and Forcible Returns from Russia to Uzbekistan, montre que les autorités russes ont coopéré avec l’Ouzbékistan dans des centaines de cas d’expulsion, alors même que les personnes concernées risquaient de toute évidence d’être torturées à leur retour en Ouzbékistan. Dans les rares cas où la Russie a refusé la demande d’extradition, les forces de sécurité ouzbèkes ont eu toute latitude pour enlever sur le territoire russe les ressortissants ouzbèkes recherchés.

«  Les autorités russes ne se contentent pas de fermer les yeux sur les actes de torture et les injustices commis en Ouzbékistan, elles apportent aussi leur aide, a déclaré John Dalhuisen, directeur pour l’Europe et l’Asie centrale à Amnesty International.

« La Russie doit mettre fin à ces enlèvements et expulsions qui violent ses obligations en matière de droits humains, et veiller à ce qu’aucune personne risquant d’être torturée ne soit renvoyée en Ouzbékistan. Il faut exercer toutes les influences possibles sur l’Ouzbékistan pour que ce pays cesse de recourir à la torture et à d’autres mauvais traitements, et pour obtenir que tous les procès soient équitables et pleinement conformes aux normes internationales. »

Torture et répression au nom de la sécurité

Les autorités ouzbèkes ont régulièrement invoqué la «  lutte contre le terrorisme  », et le combat contre les activités « hostiles à l’État  » pour justifier les poursuites abusives engagées contre des opposants politiques, des contestataires et aussi des membres ou sympathisants présumés de groupes islamistes interdits. Toutes ces personnes risquent d’être torturées si elles se retrouvent aux mains du système pénal ouzbèke.

En 2013, les autorités russes ont refusé la demande d’extradition présentée par l’Ouzbékistan de Mirsobir Khamidkariev, producteur de cinéma et homme d’affaires ouzbèke. Ce dernier était accusé d’avoir créé un groupe islamiste illégal parce qu’on l’avait entendu exprimer, lors d’un rassemblement informel, son soutien à l’égard des femmes portant le foulard.

Or, en juin 2014, Mirsobir Khamidkariev a été enlevé et placé en détention au secret à Moscou avant d’être remis par des agents du Service fédéral de sécurité russe à des agents des services de sécurité ouzbèkes. Il a alors fait l’objet d’un renvoi forcé.

Les forces de sécurité ouzbèkes l’ont battu afin de lui extorquer des « aveux  » ; il a perdu sept dents et a eu deux côtes cassées. Il a ensuite été envoyé dans un camp de prisonniers où il a été enfermé pendant plusieurs semaines dans une cellule disciplinaire.

Il a été attaché à une barre fixée au mur dans la salle d’interrogatoire, la tête tournée vers le sol, et roué de coups à plusieurs reprises. Il a par la suite été déclaré coupable d’extrémisme sur la base d’« aveux » obtenus sous la contrainte, et été condamné à huit ans d’emprisonnement. Il doit être remis en liberté en 2022.

Dans de nombreux autres cas, les victimes ont été jugées dans le cadre de procès iniques à l’issue desquels elles ont été condamnées à de longues peines d’emprisonnement purgées dans des conditions cruelles, inhumaines ou dégradantes.

La Cour européenne des droits de l’homme a rendu, au cours des trois années précédant le mois de mars 2016, au moins 17 décisions dénonçant toutes le transfert forcé de personnes vers l’Ouzbékistan.

Des familles menacées

Les autorités ouzbèkes ont également pour habitude de harceler et menacer les familles afin qu’elles incriminent un proche ou qu’elles révèlent où se trouve un « suspect ».

En janvier 2016, Artur Avakian a été détenu pendant quatre semaines et torturé jusqu’à ce qu’il incrimine son frère aîné, Aramais Avakian, exploitant piscicole, pour des actes «  terroristes ». Des policiers lui ont ligoté les mains et les jambes, ont attaché des électrodes aux lobes de ses oreilles et l’ont électrocuté jusqu’à ce que sa langue colle à ses gencives.

La famille et les amis d’Aramais Avakian pensent qu’il a été poursuivi en justice parce que les autorités locales avaient envie de s’emparer de sa ferme piscicole florissante. Il a été conduit au tribunal sur un brancard après avoir passé presque cinq mois en détention, et condamné à sept ans d’emprisonnement sur la base d’accusations de « terrorisme  » forgées de toutes pièces.

Aramais Avakian a déclaré devant le tribunal pénal régional de Djizak qu’on l’avait torturé pour le forcer à « avouer  » qu’il était un sympathisant du groupe État islamique.

Les familles des personnes placées en détention craignent souvent de demander de l’aide à des avocats ou des organisations de défense des droits humains, car les forces de sécurité menacent régulièrement de soumettre leur proche à des conditions de détention encore plus dure si elles le font.

«  Les autorités ouzbèkes font tout pour faire revenir leurs ressortissants afin de les traduire en « justice », et les autorités russes ne sont que trop disposées à les y aider, a déclaré John Dalhuisen.

« Les autorités ouzbèkes et russes doivent immédiatement mettre fin à la torture et aux enlèvements, et déférer à la justice tous les responsables de ces violations des droits humains. »

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