Les activités d’une usine mettent en péril la santé de la population

Le gouvernement du Myanmar doit immédiatement ordonner la relocalisation d’une usine d’acide sulfurique dangereusement proche d’un village, qui poursuit ses activités malgré de vives préoccupations concernant son impact sanitaire et environnemental, a déclaré Amnesty International mercredi 20 juillet.

Des résidents du village de Kankone ont déclaré à Amnesty International, lors d’une récente mission de recherche au Myanmar, que les émissions très odorantes libérées par l’usine leur causent des problèmes respiratoires, cutanés et oculaires.

Selon les résidents, ces émissions ont par ailleurs endommagé des cultures dans la zone. Des échantillons de sol examinés par un service gouvernemental et une organisation non gouvernementale de défense de l’environnement en 2013 présentaient un taux élevé de sulfates. Les résultats des tests, s’ils sont limités, suscitent de graves inquiétudes quant à l’usine et son impact.

«  Le gouvernement du Myanmar doit intervenir immédiatement et mettre un terme aux activités de cette usine d’acide sulfurique. L’usine doit être réimplantée dans une zone où elle ne pourra pas mettre en danger la santé de qui que ce soit  », a déclaré Mark Dummett, spécialiste à Amnesty International de la responsabilité des entreprises en matière de droits humains, qui s’est rendu le mois dernier à Kankone, dans la région de Sagaing (nord-ouest du pays).

L’usine d’acide sulfurique Moe Gyo, établie en 2007, a fait l’objet d’un examen mené par une commission d’enquête dirigée par Aung San Suu Kyi en 2013. La commission a découvert que la société gérant cette usine l’avait construite sans la permission des autorités locales.

Cette entreprise, l’Union of Myanmar Economic Holdings Limited (UMEHL), qui appartient à l’armée nationale, a par la suite obtenu l’autorisation pour l’usine de poursuivre ses activités, en juillet 2013.

Exploiter une usine sans permission est une infraction pénale au Myanmar, mais le gouvernement n’a pas ouvert d’enquête, et n’a pas imposé de sanctions aux propriétaires de l’UMEHL pour avoir illégalement poursuivi ces activités entre 2007 et 2013.

Le mois dernier, les autorités municipales fraîchement élues ont décidé de ne pas renouveler la licence annuelle d’exploitation octroyée à l’usine, le temps selon les représentants de l’État d’évaluer son impact sanitaire et environnemental. D’après les résidents, l’usine a cessé ses activités pendant plus d’un mois, mais les a reprises depuis lors sans renouveler sa licence. Un fonctionnaire local a déclaré que malgré l’absence de licence accordée par les autorités municipales, un organe du gouvernement central continue à autoriser l’usine à exercer son activité.

« L’UMEHL doit prendre les inquiétudes des autorités locales en considération, et écouter les doléances très sérieuses de la population concernée. Le gouvernement central doit désormais amener cette usine à suspendre son activité et la déplacer dans un lieu sûr », a déclaré Mark Dummett.

Des villageois ont signalé qu’après la reprise de l’activité le 15 juin, l’air est devenu si pollué que la plupart des écoliers ont cessé d’aller en classe, leur établissement étant situé à 50 mètres à peine de l’usine.

Amnesty International suit la situation de près, recueillant de longue date les plaintes des résidents.

« Chaque fois que nous sentons l’acide, c’est vraiment terrible. Nous demandons à l’usine d’arrêter mais ils disent que ce n’est pas possible  », a déclaré un villageois à Amnesty International en 2014.

« Les gens ne peuvent pas rester au village dans ces moments-là. Nos yeux se mettent à larmoyer et nous toussons », a expliqué un autre homme à Amnesty International lors de cette même mission.

Les meilleures pratiques internationales en la matière préconisent la mise en place d’une zone tampon entre les zones résidentielles et un établissement fabriquant des produits chimiques dangereux, afin de garantir la sécurité de la population.

Avant la relocalisation de l’usine, le gouvernement doit veiller à ce que l’UMEHL effectue une évaluation adéquate de l’impact environnemental et social, en consultation avec les personnes concernées et rende publiques toutes les mesures de sécurité qui seront prises avant, pendant et après son déplacement, a déclaré Amnesty International.

«  Le gouvernement du Myanmar doit par ailleurs assurer que les impacts négatifs de la présence de l’usine fassent l’objet d’une évaluation exhaustive, soient rendus publics et corrigés  », a déclaré Mark Dummett. « Les autorités doivent aussi enquêter sur les violations de la loi relative aux usines qu’aurait pu commettre l’UMEHL de 2007 à 2013. »

Complément d’information

L’usine Moe Gyo fournit de l’acide sulfurique à deux mines de cuivre, les mines de Letpadaung, et de Sabetaung et Kyisintaung (S&K). Il s’agit de coentreprises associant l’UMEHL et Wanbao Mining, une société chinoise. La mine géante de Letpadaung a officiellement commencé à produire du cuivre en mai 2016.

En 2015, le rapport d’Amnesty International intitulé Open for Business ? Corporate Crime and Abuses at Myanmar Copper Mine a décrit de graves atteintes aux droits humains liées aux activités de ces deux mines. Elles ont procédé à de nombreuses expulsions forcées au fil des années ; des milliers d’autres personnes continuent à risquer de connaître le même sort.

Le rapport indiquait également que la police a employé une force excessive face à des manifestations majoritairement non violentes. Le 22 décembre 2014, Khin Win, une villageoise qui protestait contre l’expansion du site minier de Letpadaung a été abattue par la police. En 2012, la police a utilisé du phosphore blanc, une substance hautement toxique et explosive, contre des manifestants pacifiques - ce qui s’apparente à un acte de torture, et constitue un crime au regard du droit international.

Amnesty International continue à s’inquiéter de l’impact humain et environnemental des mines de S&K et de Letpadaung. Une analyse de l’évaluation finale de l’impact social et environnemental de la mine par Wanbao a révélé que de graves défaillances continuent à exister. Cette analyse portait notamment sur la possibilité que la construction de remblais le long de la mine ait causé une aggravation des inondations dans les zones à proximité et en aval des remblais en août 2015.

Le 15 juin 2016, Amnesty International a écrit à l’entreprise afin d’exprimer ses inquiétudes et de lui demander de partager les évaluations effectuées, mais n’a pas reçu de réponse. Le nouveau gouvernement doit suspendre les activités de la mine de Letpadaung tant que les questions concernant l’environnement et les droits humains soulevées par ce projet n’auront pas été résolues, dans le cadre d’une véritable consultation avec les personnes concernées.

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