Communiqué de presse

« Laver son linge sale en famille » : il faut aider les victimes de violences domestiques en Chine

La sœur de Li Dehuai risque d’être exécutée d’un jour à l’autre. Elle a été reconnue coupable d’avoir tué son mari, un homme violent. Li Dehuai parle de sa sœur et explique comment le parcours de celle-ci illustre les lourdes difficultés auxquelles sont confrontées les victimes de violences domestiques en Chine.

Par Li Dehuai, frère de Li Yan

Le mari de Li Yan, ma sœur aînée, la frappait souvent, l’enfermait sur le balcon en plein hiver alors qu’elle était légèrement vêtue, et la torturait en la brûlant au visage avec des cigarettes. Il est même allé jusqu’à lui sectionner un doigt. Elle a supplié la police de la protéger à maintes reprises. Finalement, en novembre 2010, pour que les coups cessent, elle l’a frappé encore et encore à la tête avec un pistolet.

Notre mère était enseignante et notre père employé d’usine. Nous avons grandi dans un petit village et notre famille n’était ni riche ni pauvre. Ma sœur était une jeune personne intelligente et très pragmatique qui aspirait à une vie de famille stable. Quand elle a eu 16 ans, elle a commencé à travailler dans une usine elle aussi et revenait à la maison pendant les vacances.

Déjà enfants nous avions été exposés à la violence domestique. Mon père était très strict avec nous et violent envers maman. Je me souviens qu’une fois il l’a frappée. Le coup n’était pas fort, mais je me rappelle encore très clairement qu’il hurlait et était hors de lui.

Le premier mariage de ma sœur, qui a duré 14 ou 15 ans, s’est terminé par un divorce après que son époux, qui était plus jeune qu’elle, ait été licencié dans les années 90. Il était devenu déprimé, hargneux et indifférent, et s’était mis à beaucoup boire. Son deuxième mari avait cinq ans de plus. Il travaillait dans la même usine que ma sœur. Il l’a tellement poursuivie de ses assiduités qu’elle a accepté de l’épouser malgré sa réputation violente au travail. Elle pensait qu’un homme un peu plus âgé serait plus attentionné, contrairement à son premier époux. La famille toute entière était opposée à ce mariage en raison de la réputation violente de cet homme et aussi parce qu’il avait déjà trois divorces à son actif. Mon père a menacé de la renier.

J’ai quitté le village et me suis installé dans une autre ville pour le travail. Nous habitions dans des villes différentes mais parlions au téléphone plusieurs fois par mois. Après son mariage, les appels se sont peu à peu espacés, puis ont cessé.

Quand elle rendait visite à nos parents, de temps à autre, elle était taciturne. Je pense qu’elle s’en voulait de ne pas nous avoir écoutés. Une fois, je l’ai interrogée à propos des brûlures de cigarettes sur son visage. Elle m’a répondu qu’elles avaient été causées par de l’huile chaude alors qu’elle cuisinait. Je lui ai demandé pourquoi seul son visage portait ces marques et pas son bras, mais on aurait dit qu’elle essayait de cacher quelque chose. Je savais qu’elle n’était pas heureuse, mais j’ignorais que ça allait si mal. Au cours des deux mois qui ont précédé cette nuit fatidique, elle ne passait plus à la maison qu’en coup de vent. Les visites aux amis et à la famille étaient devenues rarissimes. Elle a dû refouler de nombreuses émotions à ce moment-là.

Son mari l’a sauvagement battue le 2 août 2010. Elle est allée demander de l’aide à son comité de résidents (Juweihui). Là, on lui a conseillé d’aller à l’hôpital et au tribunal. Elle s’est rendue au grand hôpital du canton, et le médecin qui l’a examinée a noté d’importantes lésions externes sur sa poitrine et sa jambe gauche. Cela n’a débouché sur rien. Le 10 août, elle a de nouveau été frappée. Elle est allée voir la police et des photos de ses blessures ont été prises. La police a cependant estimé qu’il ne s’agissait que d’une banale dispute de couple, d’une « question d’ordre privé ».

La certitude que les hommes sont supérieurs aux femmes est encore très répandue au sein de la société chinoise. Quand des violences sont commises au sein de la famille contre la personne la plus faible, généralement une femme, la victime se dit qu’elle doit être patiente et pardonner, conformément au proverbe « une famille paisible sera une famille prospère » ou à l’expression « laver son linge sale en famille ». Les comités de résidents, les associations de défense des femmes ou la police ne peuvent généralement pas faire grand-chose pour aider, comme le montre le cas de ma sœur. Souvent, la réaction se limite à une réprimande verbale ; si les violences physiques n’ont pas causé de blessures graves ni de handicap, la conciliation est privilégiée.

Concernant ma sœur, la plupart des gens ne veulent pas témoigner en sa faveur, de peur de contrarier la famille de son mari. En outre, lorsque de bons amis et voisins se sont quant à eux manifestés, après que des inspecteurs de police les aient mis en garde contre le faux témoignage, le tribunal a estimé que leurs déclarations n’étaient pas recevables.

Je suis très reconnaissant à ceux qui ont fait l’effort, aux quatre coins du monde, d’appeler à la clémence et de demander justice pour ma sœur. Merci à tous.

Passez à l’action de toute urgence – avant le 7 mars 2013 – afin d’aider Li Dehuai dans son combat pour sauver sa soeur, Li Yan.

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