Laos. Des habitants de la jungle vivant dans une pauvreté extrême fuient l’armée

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ASA 26/004/2007

Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants de la minorité ethnique hmong vivent dans la jungle des régions montagneuses du Laos pour échapper à l’armée, selon un nouveau rapport d’Amnesty International. L’armée laotienne continue de mener des attaques violentes contre ces personnes alors que cela fait maintenant plusieurs décennies qu’elles ou leurs parents ont fait partis de l’« Armée secrète » du Laos financée par la CIA pendant la guerre du Viêt-Nam, et que leur capacité militaire est moribonde.

Ces groupes se déplacent fréquemment pour fuir l’armée laotienne, qui les a déjà attaqués avec des AK-47 et des grenades dans leurs camps et quand ils doivent sortir pour aller chercher de la nourriture. De très nombreux Hmongs, dont des enfants, ont des cicatrices et des blessures provoquées par des balles et des éclats d’obus.

Pour ne pas mourir de faim, ces personnes passent de douze à dix-huit heures par jour à la recherche de racines et d’écorces. Les enfants ont le ventre gonflé et les cheveux décolorés caractéristiques d’une malnutrition. Ils ne reçoivent pas de soins médicaux et sont à la merci des maladies et infections provoquées par des blessures non soignées.

« Les Hmongs qui habitent dans la jungle vivent dans une pauvreté extrême et les autorités laotiennes se doivent de les protéger, ne serait-ce que parce qu’il y a des enfants parmi eux, a déclaré Natalie Hill, directrice adjointe pour la région Asie-Pacifique au sein d’Amnesty International. Les attaques systématiques mettent au contraire la vie de ces personnes perpétuellement en danger. »

« Les autorités laotiennes doivent mettre fin à toutes les attaques contre les Hmongs vivant dans la jungle et permettre aux organisations internationales d’entrer en contact avec ces populations pour leur fournir une aide humanitaire et surveiller les atteintes à leurs droits fondamentaux. »

Malgré les nombreuses informations faisant état d’homicides et d’attaques imputables aux forces de sécurité laotiennes, Amnesty International n’a eu connaissance que de deux affaires ayant fait l’objet d’une "enquête" de la part des autorités ; dans les deux cas les autorités ont conclu que les informations mentionnant des attaques avaient été forgées de toutes pièces et ont nié tout en bloc. En avril 2006, vingt-six personnes, dont 17 enfants, ont été tuées alors qu’elles étaient à la recherche de nourriture. Les survivants ont déclaré qu’entre 15 et 20 soldats de l’armée populaire du Laos leur avaient tendu une embuscade et les avaient attaqué à la grenade.

Une jeune femme nommée « Pakou » a raconté que sa famille avait été capturée dans la jungle quand elle avait dix-huit ans. Conduite seule au poste de police, la jeune femme a été enfermée dans une pièce pendant un an avec deux autres femmes hmongs. Elles ont été soumises à maintes reprises à des viols collectifs de policiers et devaient faire des travaux domestiques. Au bout d’un an, « Pakou », traumatisée, a réussi à s’enfuir en Thaïlande.

Un grand nombre de personnes ayant fui en Thaïlande risquent d’être expulsées illégalement par les autorités thaïlandaises avant que l’agence des Nations unies chargée des réfugiés ait eu le temps d’examiner leur cas. Ceux qui ont été reconnus comme réfugiés risquent eux aussi d’être renvoyés au Laos vers les violences qu’ils ont fuies. Environ 350 hommes, femmes et enfants hmongs en provenance du Laos sont actuellement détenus en Thaïlande et risquent d’être renvoyés de force au Laos à tout moment.

Les autorités laotiennes n’autorisent pas les organisations de défense des droits humains à se rendre librement dans les zones concernées et très peu d’informations sont disponibles sur le sort de ces Hmongs qui sont renvoyés de Thaïlande ou qui choisissent de sortir de la jungle pour essayer de s’intégrer à la société laotienne.

En décembre 2006, dans la province de Xieng Khouang, dans le nord-est du pays, 420 personnes sont sorties de la jungle dans le but semble-t-il de rejoindre le reste de la société laotienne.
Deux mois plus tôt, 370 personnes avaient elles aussi quitté la jungle près de la ville touristique de Vang Vieng, dans le nord du pays. On est sans nouvelles de l’un ou l’autre de ces groupes, et Amnesty International craint pour leur sécurité.

« Les autorités laotiennes devraient aider tous les Hmongs qui le souhaitent à sortir de la jungle pour réintégrer le reste de la société tout en autorisant les Nations unies à jouer un rôle d’observateur dans ce processus », a conclu Natalie Hill.

Complément d’information

Les groupes majoritairement hmongs qui vivent dans les jungles du Laos sont d’anciens membres ou des descendants de membres de l’ « Armée secrète », faction financée par la CIA qui a lutté auprès des États-Unis contre les forces communistes du Laos au début des années 60, lorsque la guerre du Viêt-Nam s’est propagée dans le pays. Lorsque les forces communistes ont gagné en 1975, des petits groupes de soldats vaincus sont entrés en résistance armée contre le gouvernement, en installant leur base dans la jungle.

Les proches de ces insurgés sont restés dans la jungle jusqu’à ce jour. Affamés et sans ressources, ils ne semblent plus représenter une menace militaire pour le gouvernement laotien.

Amnesty International a interrogé des demandeurs d’asile et des réfugiés hmongs en Thaïlande en mars 2006 et au début de l’année 2007.

Les noms des personnes citées dans le rapport ont été modifiés pour préserver leur anonymat.

Le rapport Laos : Hiding in the jungle - Hmong under threat est disponible sur le site de l’organisation, à la page suivante : http://web.amnesty.org/library/index/engasa260032007

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