La Corée du Sud doit immédiatement libérer tous les objecteurs de conscience et proposer une alternative au service militaire

DÉCLARATION PUBLIQUE

Index AI : ASA 25/006/2011

Date : 15/05/11

Plus de 850 objecteurs de conscience (des hommes qui refusent la conscription pour des motifs de conscience) purgent actuellement des peines de prison en Corée du Sud en raison de ce refus. À l’occasion de la Journée internationale de l’objection de conscience, Amnesty International appelle le gouvernement sud-coréen à prendre des mesures de toute urgence pour remédier à cette situation révoltante.

En Corée du Sud, la plupart des objecteurs de conscience sont des témoins de Jéhovah. Les autres appartiennent à d’autres confessions religieuses ou refusent d’effectuer leur service pour des raisons d’ordre moral, éthique, humanitaire ou de nature similaire. Le droit sud-coréen ne contient aucune disposition permettant aux objecteurs de conscience au service militaire d’effectuer un service civil de remplacement.

Amnesty International estime que toute personne a le droit de refuser d’accomplir le service militaire pour des raisons de conscience ou de conviction personnelle profonde, sans avoir à subir de sanction pénale ou autre, et que ce droit fait partie intégrante du droit humain à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit est prévu, entre autres, à l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Dans l’observation générale n°22, le Comité des droits de l’homme des Nations unies souligne que « le Pacte ne mentionne pas explicitement un droit à l’objection de conscience, mais […] un tel droit peut être déduit de l’article 18, dans la mesure où l’obligation d’employer la force au prix de vies humaines peut être gravement en conflit avec la liberté de conscience et le droit de manifester sa religion ou ses convictions. »

En mars dernier, le Comité des droits de l’homme des Nations unies, saisi du cas de 100 objecteurs de conscience sud-coréens, a conclu que le gouvernement sud-coréen avait violé l’article 18 du PIDCP en emprisonnant des personnes qui refusaient d’accomplir leur service militaire pour des raisons de conscience. Le Comité a également indiqué que le gouvernement sud-coréen était tenu d’offrir un recours utile en cas de violation des droits des objecteurs de conscience, notamment une indemnisation, et d’éviter de telles violations à l’avenir.

Selon le Comité, l’adoption de dispositions autorisant l’objection de conscience ne porte pas nécessairement atteinte au principe de conscription universelle, que le gouvernement sud-coréen a dit considérer comme important pour la cohésion sociale et l’équité. Le Comité a relevé qu’il était possible en principe, et courant dans la pratique, de mettre en place à l’intention des objecteurs de conscience un service civil de substitution qui, tout en étant utile à la société et en imposant des obligations équivalentes aux individus, permet d’éviter les inégalités arbitraires entre ceux qui accomplissent le service militaire obligatoire et ceux qui effectuent ce service de remplacement.

Amnesty International appelle le gouvernement sud-coréen à répondre rapidement aux préoccupations soulevées par le Comité des droits de l’homme, en assurant un recours efficace aux objecteurs de conscience dont les droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion ont été violés, et à prendre des mesures pour s’assurer que de telles violations ne se reproduiront pas à l’avenir. Elle l’engage notamment à :

  accorder immédiatement une amnistie à tous les objecteurs de conscience actuellement incarcérés en Corée du Sud, et à les libérer dans les meilleurs délais et sans condition ;

  effacer le casier judiciaire des objecteurs de conscience emprisonnés en Corée du Sud pour avoir refusé d’accomplir le service militaire en raison de leurs convictions et à leur fournir une indemnisation adéquate ;

  mettre la législation nationale en conformité avec les normes internationales en adoptant des dispositions autorisant l’objection de conscience, en veillant notamment à ce que le service de remplacement ait réellement un caractère civil et non punitif, qu’il soit placé sous le contrôle des autorités civiles et que sa durée ne dépasse pas celle du service militaire ;

  veiller à ce que les objecteurs de conscience effectuant un service de remplacement bénéficient du même traitement que les personnes accomplissant leur service militaire pour ce qui est des avantages financiers ou autres, et que les dispositions législatives ou réglementaires qui tiennent compte du service militaire en ce qui concerne l’emploi, la carrière ou la retraite s’appliquent aussi au service de remplacement.

Contexte

Les droits à la liberté de conscience et à la liberté de religion sont inscrits dans les articles 19 et 20 de la Constitution de la Corée du Sud. Le 11 novembre 2010, la Cour constitutionnelle a tenu une audience dans le cadre d’une affaire portant sur la constitutionnalité de l’article 15-8 de la Loi sur la création des Forces nationales de réserve et de l’article 88-1-1 de la Loi relative au Service Militaire (LSM). La Cour devait déterminer si ces articles étaient contraires aux droits fondamentaux, notamment au droit à l’objection de conscience.

En septembre 2007, le ministère de la Défense de la Corée du Sud avait annoncé son intention d’instaurer d’ici 2009 un service de remplacement pour les objecteurs de conscience. Le 24 décembre 2008, le gouvernement sud-coréen a indiqué que ce projet avait été reporté sine die, alléguant le manque de soutien de l’opinion publique.

En Corée du Sud, les hommes qui refusent d’accomplir le service militaire obligatoire sont jugés par des tribunaux civils pour violation de la LSM. En vertu de cette loi, tous les hommes âgés de 18 à 35 ans doivent effectuer un service militaire actif d’une durée moyenne de 24 mois, puis servir dans les Forces de réserve pendant les huit années suivantes. À l’heure actuelle, la plupart des objecteurs de conscience de Corée du Sud sont condamnés au minimum à 18 mois d’emprisonnement. Ils sortent de prison avec un casier judiciaire et sont donc victimes de discrimination lorsqu’ils cherchent un emploi.

Dans des résolutions, l’ancienne Commission des droits de l’homme des Nations unies a reconnu à maintes reprises, au fil des ans, que l’objection de conscience au service militaire était basée sur des principes et des motifs de conscience – notamment des convictions profondes – renvoyant eux-mêmes à des raisons d’ordre moral, éthique, humanitaire ou de nature similaire. En 2006, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a appelé le gouvernement sud-coréen à prendre toutes les mesures nécessaires pour reconnaître le droit des objecteurs de conscience à être exemptés de service militaire, et l’a exhorté à mettre sa législation en conformité avec l’article 18 du PIDCP.

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