L’interdiction de l’assemblée des Tatars vise à étouffer la contestation

La décision qui a été prise le 13 avril de suspendre le Mejlis, instance représentant les Tatars de Crimée, réduit à néant l’un des derniers rares droits d’une minorité que la Russie doit protéger et non persécuter, a déclaré Amnesty International.

Cette décision – annoncée par la procureure de facto de la Crimée, Natalia Poklonskaya – est le signe d’une nouvelle vague de répression à l’encontre des Tatars de Crimée. Elle intervient à la suite d’une multiplication des attaques menées contre les droits à la liberté de réunion, d’association et d’expression depuis que la Russie a annexé la Crimée, qui faisait partie de l’Ukraine, il y a deux ans.

« Toute personne ayant des liens avec le Mejlis risque à présent d’être accusée d’extrémisme, une accusation grave qui vise à étouffer les quelques voix dissidentes qui s’élèvent encore en Crimée, a déclaré Denis Krivosheev, directeur adjoint d’Amnesty International pour l’Europe et l’Asie centrale.

« La décision de suspendre le Mejlis, qui représente les Tatars de Crimée, et d’interdire toutes ses activités au titre de la législation russe relative à la lutte contre l’extrémisme constitue une mesure punitive qui prive les membres de la communauté tatare de Crimée de leur droit à la liberté d’association. »

Les autorités de facto s’en prennent de façon croissante à ceux qui s’opposent à l’annexion de la Crimée ou qui sont soupçonnés d’avoir été pro-ukrainiens dans les jours qui ont précédé ou suivi le rattachement officiel à la Russie, le 18 mars 2014. La plupart des personnes qui critiquent ouvertement ce rattachement ont quitté la péninsule, notamment deux dirigeants de la communauté tatare de Crimée qui sont soumis à l’interdiction d’y retourner.

La procureure de facto de la Crimée avait demandé à la Cour suprême de Crimée de suspendre le Mejlis au motif qu’il s’agissait d’une organisation extrémiste. Les arguments de la procureure étaient axés sur des déclarations faites par le dirigeant en exil du Mejlis, Refat Chubarov, qui refuse de reconnaître la légalité de l’annexion par la Russie de la Crimée et appelle à un blocus économique et énergétique coupant la péninsule de l’Ukraine continentale.

«  La suspension du Mejlis rend la situation des membres de la communauté tatare de Crimée restés sur la péninsule encore plus précaire, car à présent ils risquent encore davantage de faire l’objet de manœuvres d’intimidation et de harcèlement et de poursuites pénales », a déclaré Denis Krivosheev.

Les Tatars de Crimée ont été la principale cible de la répression menée par la Russie dans la région.

Le 3 mars 2014, des paramilitaires pro-russes ont enlevé Reshat Ametov, dont le corps mutilé a été retrouvé 12 jours plus tard.

Depuis, Amnesty International a rassemblé des informations sur la disparition forcée présumée d’au moins six Tatars de Crimée sur la péninsule.

Les familles des victimes ont reçu de la part des autorités de facto l’assurance que des enquêtes seraient menées sur ces disparitions, mais rien n’indique que de véritables enquêtes aient été ouvertes.

« Malheureusement, la décision prise le 13 avril de suspendre le Mejlis ne représente que le dernier épisode en date d’une longue série de représailles exercées contre la communauté tatare de Crimée, a déclaré Denis Krivosheev.

« Les droits qui appartiennent au Mejlis de continuer d’exister et de représenter une communauté doivent être rétablis, et les droits à la liberté d’association et d’expression doivent être pleinement respectés en Crimée. »

Depuis la fin des années 1980, les Tatars de Crimée ont commencé avec beaucoup de difficultés à se réinstaller dans la péninsule, quarante ans après la déportation de toute la population tatare dans des régions reculées de ce qui était alors l’Union soviétique.

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