L’avortement encore pénalement interdit

En maintenant dans son nouveau Code pénal les dispositions réprimant pénalement l’avortement en cas de viol ou de malformation incompatible avec la survie, la République dominicaine a perdu une occasion en or de protéger les droits fondamentaux des femmes, ont déclaré Amnesty International et Oxfam le 20 juillet.

« Avec cette décision, la République dominicaine tourne le dos à des milliers de Dominicaines et continue de traiter comme des criminelles des femmes qui n’ont fait qu’exercer des droits fondamentaux, a déclaré Juliana Cano Nieto, directrice adjointe des campagnes à Amnesty International.

« Cette décision représente un net recul par rapport au Code pénal adopté en 2014, qui dépénalisait l’avortement dans trois cas et accordait une meilleure protection aux Dominicaines  », a déclaré Raúl del Río, directeur d’Oxfam en République dominicaine.

La Chambre des députés de la République dominicaine a approuvé une série de réformes du Code pénal aux termes desquelles l’avortement reste une infraction pénale, avec une seule exception : quand la grossesse représente un risque pour la vie de la femme enceinte. Cette décision viole les droits fondamentaux des femmes, et elle affectera de manière disproportionnée celles qui vivent dans la pauvreté.

La suppression du paragraphe de l’article 110 qui énumérait trois exceptions à l’interdiction de l’avortement (quand la vie de la femme enceinte est en danger, quand la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste, et en cas de malformation incompatible avec la survie), conformément aux observations présentées par le pouvoir exécutif en 2014, est contraire aux obligations de l’État en matière de droits humains et adresse un message clair qui va à l’encontre de la volonté de l’État de mettre en œuvre des politiques publiques pour réduire la mortalité maternelle et réaliser les Objectifs de développement durable ainsi que la Stratégie nationale de développement 2030 (loi 1-12).

La République dominicaine est l’un des pays latino-américains qui présentent les plus forts taux de mortalité féminine liée à la grossesse, à l’accouchement et aux suites de l’accouchement. Dans ce pays, le nombre de décès maternels pour 100 000 naissances vivantes est de 106, alors que ce chiffre est de 77 en moyenne dans la région selon les données exposées dans le rapport de suivi des Objectifs du millénaire pour le développement rédigé par le ministère de l’Économie, de la Planification et du Développement en 2013. Il est généralement admis au niveau international que les mesures les plus efficaces pour réduire la mortalité maternelle s’axent autour de trois volets : 1) des dispositions légales respectant la décision des femmes ; 2) l’accès aux contraceptifs ; et 3) une éducation sexuelle complète .

Cette récente décision va à l’encontre des efforts que réalisent les autorités publiques pour réduire les niveaux de cet indicateur de développement et de réalisation des droits, comme l’a reconnu le Conseil des droits de l’homme de l’ONU dans une résolution qui précise que « la mortalité et la morbidité maternelles évitables constituent un défi [...] qui requiert aussi de véritablement promouvoir et protéger les droits fondamentaux des femmes et des filles, en particulier leur droit à la vie, à l’égalité dans la dignité, à l’éducation et leur droit d’être libre de chercher, de recevoir et de diffuser des informations, de bénéficier des avantages du progrès scientifique, d’être à l’abri des discriminations, et de bénéficier du plus haut niveau possible de santé physique et mentale, y compris de santé sexuelle et de santé de la procréation ».

Le fait d’obliger une mineure à poursuivre une grossesse résultant d’un viol ou à la mener à terme quand il est établi que l’enfant ne sera pas viable hors de l’utérus de la mère, constitue un acte cruel, inhumain et dégradant, ainsi que l’a établi la jurisprudence du Comité des droits de l’homme de l’ONU.

Oxfam et Amnesty International demandent aux autorités de faire le nécessaire pour garantir une grossesse en toute sécurité et librement consentie, ce droit fondamental devant être garanti par des dispositions légales excluant toute discrimination.

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