JAMAÏQUE - Réponse au procureur général de la Jamaïque concernant les menaces d’inculper Amnesty International d’outrage à l’autorité de la justice

Index AI : AMR 38/002/2005

Le jeudi 23 juin 2005, dans des commentaires recueillis par le journal Jamaican Observer, le procureur général de la Jamaïque a menacé Amnesty International de l’inculper d’outrage à l’autorité de la justice. Cette menace faisait allusion aux craintes exprimées par Amnesty International de voir persister l’impunité systématique accordée aux policiers impliqués dans des homicides illégaux, et que les six policiers inculpés de quatre homicides commis à Crawle en mai 2002 ne soient pas réellement poursuivis lors de leur procès, qui doit s’ouvrir en septembre.

Ces craintes se fondent sur cinq années de recherches d’Amnesty International, et de suivi des progrès de centaines d’affaires d’homicides illégaux présumés commis par des membres de la police jamaïcaine. Dans de nombreuses affaires, il existait des preuves manifestes que les policiers impliqués avaient eu recours à une force meurtrière excessive, ou avaient commis des exécutions extrajudiciaires.

Amnesty International a étudié ces affaires et émis des recommandations pour remédier aux faiblesses fondamentales du système d’enquête pour les homicides commis par des policiers. Parmi ces faiblesses figurent l’absence de protection des scènes d’homicide, les autopsies insuffisantes pratiquées sur les victimes et l’insuffisance chronique du financement accordé au Service des plaintes contre la police. Le gouvernement de Jamaïque s’est engagé à améliorer ce système d’enquête à de nombreuses reprises. Cependant, à ce jour, aucune mesure concrète n’a été mise en œuvre pour remédier aux défauts de ce système.

Au cours des cinq dernières années, plus de 700 femmes, hommes et enfants ont été tués par des policiers. En contraste flagrant avec ce chiffre - l’un des taux d’homicides par la police les plus élevés du monde - le système judiciaire jamaïcain n’a pas condamné un seul policier, malgré la présence d’éléments probants dans de nombreux cas, attestant d’homicides illégaux. Seules quelques affaires parviennent devant la justice. Le système conçu pour demander des comptes aux policiers devant le tribunal, en cas d’homicide illégal, semble conçu pour échouer.

Au cours du récent procès de six policiers accusés d’avoir tué sept jeunes gens à Braeton, en mars 2001, l’accusation n’a pas pu ou voulu produire d’éléments suffisants pour prouver la pertinence de l’affaire, et le juge a ordonné au jury de rendre un verdict de non culpabilité, avant même que la défense ait pu présenter l’affaire. Dans l’affaire de Janice Allen, une jeune fille de 14 ans abattue par un policier en avril 2000, l’accusation n’a même pas exposé l’affaire. Dans ces deux procès, le jury n’a pas pu examiner tous les éléments. Il ne s’agit là que de deux exemples récents du refus manifeste des autorités de faire en sorte que les tribunaux fonctionnent correctement dans des affaires impliquant des policiers.

Dans ce contexte, Amnesty International craint toujours que le gouvernement jamaïcain n’ait pas la volonté politique de demander des comptes aux policiers, ni de faire en sorte que le système d’enquête et d’accusation soit suffisant pour châtier les personnes reconnues coupables d’homicide illégal - comme l’exigent le droit jamaïcain et les normes et textes de loi internationaux relatifs aux homicides commis par des policiers.

Les années passent, et les affaires ne parviennent pas devant le tribunal, ou restent perdues dans le système d’enquête. Cet état de fait consternant risque d’affaiblir la confiance du public jamaïcain dans le système judiciaire. Comme l’a récemment déclaré à Amnesty International un parent d’une personne tuée par la police : « Mon gouvernement n’a rien fait pour rendre justice à ma famille ».

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service Presse d’Amnesty International au 02 543 79 04 ou consulter les sites http://www.amnesty.be et http://www.amnesty.org.

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