Communiqué de presse

Italie. Il est temps d’en finir avec l’exploitation des travailleurs migrants

« L’Italie doit réviser ses politiques qui favorisent l’exploitation des travailleurs migrants et bafouent leur droit de travailler dans des conditions justes et favorables et leur accès à la justice », a déclaré Amnesty International.

Dans un rapport publié mardi 18 décembre, Exploited labour : Migrant workers in Italy’s agricultural sector , l’organisation met l’accent sur la terrible exploitation des travailleurs migrants originaires d’Afrique subsaharienne, d’Afrique du Nord et d’Asie, employés pour des travaux peu qualifiés, souvent saisonniers ou temporaires, pour la plupart dans le secteur agricole, dans les provinces de Latina et Caserte, dans le sud de l’Italie.

Toutefois, le rapport fait remarquer que l’exploitation de ces travailleurs est un phénomène répandu dans toute l’Italie.

« Depuis 10 ans, les autorités italiennes attisent l’angoisse de la population, en affirmant que la sécurité en Italie est menacée par une immigration " clandestine " incontrôlable, ce qui justifierait des mesures strictes en matière d’immigration. Ces mesures mettent les travailleurs migrants dans une situation juridique précaire, ce qui en fait des proies faciles pour l’exploitation », a expliqué Francesca Pizzutelli.

« Si les autorités d’un pays ont le droit de contrôler l’immigration, elles ne sauraient le faire au détriment des droits humains de personnes présentes sur leur territoire, notamment de travailleurs migrants. »

« Pour eux, cela se traduit bien souvent par des salaires très inférieurs au minimum national, des baisses arbitraires de salaires, des retards de paiement, voire le non-paiement des salaires, et des horaires de travail excessifs. Le problème est à la fois répandu et systémique. »

En Italie, les autorités contrôlent le nombre de migrants au travers de politiques migratoires qui fixent des quotas pour les différents types de travailleurs, en délivrant des permis de séjour sur la base de contrats d’embauche écrits. Cependant, ces quotas sont largement inférieurs à la demande réelle en main d’œuvre immigrée. Ce système, à la fois inefficace et susceptible de donner lieu à des abus, accroît le risque d’exploitation au travail.

Les employeurs préfèrent embaucher des travailleurs se trouvant déjà dans le pays, sans se soucier des quotas d’entrée fixés par le gouvernement. Certains travailleurs saisonniers voient leurs papiers expirer, tandis que d’autres obtiennent des visas d’entrée grâce à des agences, mais ne parviennent pas à décrocher de permis de séjour parce qu’ils n’ont pas de contrat.

En conséquence, beaucoup se retrouvent avec des papiers non valides, ce qui les classe dans la catégorie des migrants en situation irrégulière et les expose à l’expulsion s’ils sont attrapés.

La loi italienne érige en infraction « l’entrée illégale et le séjour illégal » dans le pays, mettant ainsi à l’index les travailleurs migrants en situation irrégulière et avivant la xénophobie et la discrimination à leur encontre.

Ils se retrouvent dans une position où ils ne peuvent pas demander justice lorsqu’ils sont peu ou pas payés, ou font des horaires excessifs. S’ils se plaignent d’être exploités auprès des autorités, ils sont bien souvent arrêtés sur-le-champ, placés en détention et expulsés en raison de leur situation irrégulière.

« Lors de la révision de leur politique migratoire, les autorités italiennes doivent accorder la priorité aux droits des travailleurs migrants, quel que soit leur statut migratoire. Ils doivent notamment avoir accès de manière effective à la justice », a poursuivi Francesca Pizzutelli.

« Il convient de mettre sur pied un mécanisme sûr et accessible auprès duquel ils peuvent porter plainte contre leurs employeurs et faire valoir leurs revendications, sans craindre d’être arrêtés ni expulsés. »

Complément d’information

Début 2011, on estimait à 5,4 millions le nombre d’étrangers présents sur le territoire italien, c’est-à-dire à peu près 8,9 % de la population. Parmi eux, 4,9 millions ont des papiers en règle qui leur permettent de séjourner dans le pays. On estime qu’un demi-million de migrants ne possèdent pas de documents en règle et sont donc des migrants en situation irrégulière.

Dans les secteurs de l’agriculture et du bâtiment, dans plusieurs régions du sud de l’Italie, l’exploitation des travailleurs migrants est généralisée. Leur salaire est inférieur de 40 % en moyenne au salaire des Italiens pour le même travail et ils travaillent de nombreuses heures. Les victimes de cette exploitation sont des immigrés africains et asiatiques, certains ressortissants de l’Union européenne (Bulgares et Roumains pour la plupart), et des citoyens de pays d’Europe de l’Est non membres de l’UE (notamment des Albanais).

Des travailleurs migrants indiens et africains vivant dans les provinces de Latina et Caserte, dans le sud de l’Italie, se sont confiés à Amnesty International sous couvert d’anonymat :

« Hari » : « Pendant les quatre premières années, j’ai travaillé dans une usine qui empaquetait des oignons et des patates pour l’export. Je touchais 800 euros par mois et je travaillais entre 12 et 14 heures par jour. Mon employeur me disait toujours que si je travaillais dur, il s’arrangerait pour m’obtenir des papiers – mais il n’en a jamais rien fait. »

« Sunny » : « Je travaille de 9 à 10 heures par jour, du lundi au samedi, et cinq heures le dimanche matin, pour trois euros de l’heure. Mon employeur devrait me verser entre 600 et 700 euros par mois et j’avais prévu d’envoyer 500 euros par mois à mon père en Inde. Mais mon patron ne m’a pas versé mon salaire entier depuis sept mois. Il ne me donne que 100 euros par mois. Je ne peux pas aller voir la police, parce que je n’ai pas de papiers : ils vont prendre mes empreintes et me forcer à partir. »

« Ismaël » : « Lorsque vous n’avez pas de papiers, vous pouvez seulement travailler au noir, et vous êtes mal payé. Nous touchons entre 25 et 30 euros par jour pour huit à neuf heures de travail [entre 2,75 et 3,75 euros de l’heure]. Mais si on se blesse, on n’a rien. »

« Jean-Baptiste » : « Si l’employeur ne paie pas, qu’est-ce qu’on peut faire pour récupérer notre argent ? Sans papiers, on ne peut pas se rendre à la police. Sans papiers, on est bons pour l’expulsion. Mais on ne fait rien de mal… »

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit