Communiqué de presse

Guinée-Bissau. Les brutalités et les mesures d’intimidation engendrent un climat de peur

Un climat de peur s’est abattu sur la Guinée-Bissau depuis le 23 octobre, depuis que deux détracteurs du gouvernement ont été violemment roués de coups et que des soldats effectuent des perquisitions pour retrouver ceux qu’ils soupçonnent d’avoir participé à une attaque contre une caserne dimanche 21 octobre au matin.

D’après le gouvernement, cette attaque contre la caserne d’une unité d’élite de l’armée basée en périphérie de la capitale, Bissau, était en fait une tentative de coup d’État menée par des partisans de l’ex-Premier ministre Carlos Gomez Júnior, lui-même évincé du pouvoir par un coup d’État en avril 2012.

« Il est totalement inacceptable de terroriser des civils au simple motif qu’ils vivent dans un quartier où, selon l’armée, se cacheraient des partisans de l’ancien gouvernement. », a déclaré Noel Kutuwa, directeur d’Amnesty International pour l’Afrique australe.

«  Les autorités doivent absolument faire respecter l’état de droit et mener des enquêtes sur cette attaque présumée, au lieu de pourchasser dans les rues les opposants politiques. »

Mardi 23 octobre, deux opposants déclarés du gouvernement de transition ont été sauvagement battus par des soldats, dont certains étaient habillés en civil.

Iancuba Indjai, dirigeant du Parti de la solidarité et du travail (PST), a été assailli, poussé de force dans une voiture et largué à une quarantaine de kilomètres de la ville. Des habitants du secteur l’ont reconnu et sa famille est venue le récupérer un peu plus tard. Cet homme se trouve actuellement dans une ambassade, où il reçoit des soins médicaux.

Au lendemain du coup d’État d’avril, Iancuba Indjai avait dû entrer dans la clandestinité car les militaires cherchaient à l’arrêter.

Un peu plus tard dans la journée du 23 octobre, les militaires sont venus chercher à son bureau Silvestre Alves, avocat et président du parti politique Mouvement démocratique guinéen (MDG), et l’ont roué de coups, avant de l’abandonner au nord de Bissau. Il est actuellement hospitalisé en soins intensifs ; il est grièvement blessé à la tête et a les deux jambes cassées.

Les autorités accusent désormais l’ancien secrétaire d’État à la Pêche, Tomas Barbosa, de complicité dans l’attaque de la caserne et le recherchent activement. Selon les informations recueillies par Amnesty International, il a trouvé refuge dans une ambassade.

D’autres membres du gouvernement renversé en avril se seraient également réfugiés dans des ambassades. Certains s’étaient déjà cachés pendant des mois au lendemain du coup d’État.

« Ces actes violents ne font qu’ajouter à la détérioration rapide de la situation des droits humains dans le pays et au climat de peur omniprésent, a déploré Noel Kutuwa.

« Ces chasses à l’homme doivent cesser et les auteurs de ces agissements brutaux doivent comparaître en justice. Faute de quoi, le cycle de la violence qui mine la Guinée-Bissau depuis des décennies se poursuivra. »

Le coup d’État du mois d’avril a aggravé l’instabilité et la fragilité politique de la Guinée-Bissau et accentué les tensions entre les autorités militaires et civiles. Il a marqué un recul par rapport aux timides avancées constatées ces dernières années en termes de démocratie et de droits humains.

L’impunité endémique pour les violations des droits humains commises par l’armée – notamment les enquêtes qui piétinent sur des homicides de personnalités politiques et militaires depuis 2009, le besoin urgent de réformer les forces de sécurité, y compris l’armée qui s’ingère depuis longtemps dans la vie politique, et les allégations selon lesquelles de hauts gradés militaires et des représentants de l’État sont impliqués dans des réseaux internationaux de trafic de stupéfiants – ne sont que quelques-uns des problèmes menaçant depuis des années la sécurité et la stabilité en Guinée-Bissau.

Les coups d’État, les tentatives de coup d’État et les révoltes militaires, qui minent le pays depuis qu’il a obtenu son indépendance du Portugal en 1974, se sont intensifiés depuis 2000.

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