Géorgie. Les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays ne sont toujours pas logées convenablement

DÉCLARATION PUBLIQUE

Index AI : EUR 56/006/2010

4 octobre 2010

À l’occasion de la Journée mondiale de l’habitat, le 4 octobre, choisie par les Nations unies pour attirer l’attention de la communauté internationale sur la question du logement adéquat, Amnesty International demande au gouvernement de Géorgie de mettre fin à la pratique des expulsions forcées et de ne procéder à des expulsions qu’en dernier recours et en réelle consultation avec les populations touchées.

D’après des sources locales, quelque 5 000 personnes ont été expulsées de force de leur logement à Tbilissi, capitale de la Géorgie, au cours de cinq opérations d’expulsion en juin, juillet et août 2010. Ces expulsions semblent s’être déroulées en violation des normes internationales. En particulier, les autorités n’ont pas véritablement consulté les personnes déplacées, ne les ont pas averties dans un délai raisonnable et n’ont pas fourni de logements adaptés en remplacement. Dans certains cas, les autorités n’ont proposé aucune solution de relogement aux personnes expulsées, à qui elles ont conseillé de trouver à se loger chez des proches ou des amis.

Face aux protestations internationales, le 23 août, les autorités ont stoppé les expulsions forcées et accepté d’élaborer des lignes directrices régissant l’expulsion et le relogement des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, en consultation avec les représentants d’organisations locales et internationales.

Amnesty International salue l’arrêt des expulsions, mais rappelle que nombre des personnes expulsées ces derniers mois sont toujours sans logement convenable et subiraient la pression des autorités désireuses de les réinstaller en zone rurale dans d’autres régions de Géorgie. Si certaines personnes déplacées l’ont accepté, beaucoup craignent qu’en quittant la capitale leurs vies ne soient sérieusement perturbées, notamment en termes d’accès au travail. Par exemple, les personnes expulsées de l’hôpital militaire d’Isani, à Tbilissi, ont expliqué qu’elles gagnaient leur vie en ville et qu’elles n’étaient pas d’accord pour être relogées à la campagne, où leur feraient défaut les infrastructures essentielles et l’accès aux services élémentaires. D’autres personnes ont dû s’installer dans des lieux inoccupés de Tbilissi, comme des rez-de-chaussée d’immeubles, d’où elles risquent d’être une nouvelle fois expulsées.

Selon les Principes de base et directives des Nations unies sur les expulsions forcées et les déplacements liés au développement, « nul ne doit se retrouver sans domicile ou vulnérable à d’autres atteintes aux droits humains à la suite d’une expulsion ».

Amnesty International estime que l’expulsion de 5 000 personnes sans consultation véritable ni préavis suffisant constitue une expulsion forcée. Que les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays aient reçu ou non une compensation ou se soient vues proposer une réinstallation dans des zones rurales, elles doivent jouir de la sécurité d’occupation de leur logement provisoire à Tbilissi. En toutes circonstances, chacun est habilité à bénéficier du droit de ne pas être expulsé sans protection juridique et autres garanties, ainsi que du droit de circuler librement.

Amnesty International rappelle que les solutions de relogement doivent garantir un niveau de vie suffisant, la sécurité d’occupation et l’accès aux services de base et aux moyens de subsistance.

En outre, à l’occasion de la Journée mondiale de l’habitat, l’organisation rappelle que de nombreuses personnes qui ont dû fuir de chez elles il y a près de 20 ans, dans les années 1990, vivent toujours dans des conditions épouvantables dans des centres collectifs devant être rénovés, en attente d’être relogées. Même certains des centres collectifs rénovés et des bâtiments nouvellement construits qu’a visités Amnesty International en mars 2010 ne satisfont pas pleinement aux critères d’un logement convenable, en termes d’accès à l’eau, aux installations sanitaires et aux services élémentaires. Le représentant du bureau du médiateur public, qui a rendu visite à des personnes déplacées expulsées de Tbilissi et réinstallées dans le village de Potskoetseri, dans le district de Tsalenjikha, a raconté qu’elles y vivent dans des conditions difficiles, n’ayant qu’un accès restreint aux services essentiels tels que les médicaments, les soins, les moyens de subsistance et les possibilités de travailler. Le bureau du médiateur public a également noté que si les maisons avaient été rénovées, lorsque les personnes déplacées s’y sont installées, il n’y avait ni gaz ni électricité.

Par ailleurs, actuellement, les quelque 130 000 personnes déplacées qui habitent ou louent des logements privés sont exclues des programmes destinés à fournir des logements durables. Majoritairement déplacées en raison des conflits des années 1990, elles se trouvent dans une situation incertaine, attendant la finalisation de la prochaine phase du Plan d’action.

Complément d’information

Quelque 220 000 personnes ont été contraintes de quitter leur logement durant les conflits du début des années 1990. Le récent conflit opposant la Géorgie à la Russie en août 2008 a conduit environ 26 000 personnes supplémentaires à quitter leur foyer.

Pendant plus de 15 ans, la Géorgie n’a pas mis en œuvre de politique nationale pour sa population déplacée. La politique du gouvernement était axée sur le retour. Un progrès décisif est survenu en 2007 avec l’adoption d’une stratégie nationale vis-à-vis des personnes déplacées, qui a reconnu le droit à l’intégration dans la société locale, au moins jusqu’à ce que le retour soit envisageable. En 2009, le gouvernement a adopté un Plan d’action et lancé un programme visant à rénover les espaces de vie et à permettre aux personnes déplacées de les acquérir.

Cependant, il reste beaucoup à faire pour que les personnes déplacées jouissent de leur droit à vivre dans la dignité. Le fort taux de chômage et l’absence de moyens de subsistance durables demeurent très préoccupants. En termes de réalisation des droits sociaux et économiques autres que le logement, le Plan d’action ne fait guère plus qu’intégrer certaines personnes déplacées aux programmes d’aide sociale existants.

La série d’expulsions forcées qui a touché quelque 5 000 personnes déplacées à Tbilissi, la capitale géorgienne, en juin, juillet et août 2010, n’a fait qu’aggraver les conditions de vie déjà difficiles des personnes déplacées en Géorgie.

Au cours de la première opération, le 14 juin, 38 familles ont été expulsées sans être vraiment consultées d’un centre collectif où elles vivaient depuis plusieurs années. On leur a seulement proposé d’être relogées dans un autre centre collectif, qui ne serait pas habitable. Amnesty International a obtenu des photographies qui montrent que certaines parties du bâtiment ne sont pas entretenues et sont jonchées de débris. Une pièce équipée de toilettes aurait été allouée à une famille comme pièce principale de vie. Cette expulsion forcée a été menée en violation de la procédure établie par la Géorgie elle-même pour les personnes déplacées ; il y a notamment une loi qui dispose que les personnes déplacées ne peuvent être transférées dans une habitation de moindre qualité que leur résidence actuelle, ni sans leur accord écrit.

La pression exercée par les autorités en vue de réinstaller les personnes déplacées peut être considérée comme une violation du droit de circuler librement et de choisir sa résidence, garanti par l’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui s’applique à tous les citoyens géorgiens. La réinstallation forcée bafoue également les principes 15 et 28 des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, selon lesquels les personnes déplacées sont libres de choisir leur lieu de résidence et les autorités doivent créer des conditions propices et fournir les moyens nécessaires à leur retour librement consenti ou à leur réinstallation volontaire.

Publications d’Amnesty International :
Action Urgente : Des milliers d’expulsions forcées en Géorgie, 20 août 2010, index AI : EUR 56/005/2010 ;

Rapport : Georgia : In the waiting room - Internally displaced people in Georgia, 5 août 2010, index AI : EUR 56/002/2010 ;

Résumé du rapport : Georgia : In the waiting room - Internally displaced people in Georgia, 5 août 2010, index AI : EUR 56/003/2010.

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