Communiqué de presse

Équateur. Les autorités détournent abusivement le système judiciaire pour empêcher toute manifestation

En Équateur, les autorités détournent le système judiciaire pour réprimer les dirigeants indigènes et campesinos (paysans) dans le cadre de manœuvres semble-t-il délibérées visant à les empêcher de protester contre des projets ayant des répercussions sur leur environnement et leurs terres, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport publié mardi 17 juillet.

Ce document, intitulé ‘So that no one can demand anything’ Criminalizing the right to protest in Ecuador ?, raconte l’histoire de 24 dirigeants pris pour cibles par le biais d’accusations semble-t-il infondées, d’arrestations arbitraires et de libérations conditionnelles très strictes, uniquement parce qu’ils militent contre des lois et politiques relatives à l’exploitation des ressources naturelles.

Au total, ils sont inculpés de 20 chefs de terrorisme, 10 chefs de sabotage, quatre chefs de blocage des routes et un chef d’homicide, tous en lien avec les manifestations qui se sont déroulées en 2009 et 2010. Dans de nombreux cas, les juges n’ont pas retenu les charges et ont déclaré les arrestations sans fondement. Néanmoins, au moment de la rédaction de ce document, huit de ces 24 responsables faisaient toujours l’objet d’investigations, de poursuites judiciaires ou de restrictions à leur liberté conditionnelle. Aucun d’entre eux ne se trouve actuellement derrière les barreaux.

« Le fait qu’en 18 mois 24 dirigeants aient été inculpés de charges douteuses témoigne d’une pratique inquiétante, porteuse d’effets dévastateurs sur des communautés entières qui réfléchissent désormais à deux fois avant d’exprimer leurs préoccupations légitimes vis-à-vis des mesures qui les affectent, a indiqué Tamaryn Nelson, chercheuse sur l’Équateur à Amnesty International.

« Au lieu d’engager un dialogue constructif et une véritable consultation avec les communautés dont les moyens de subsistance seront compromis par les lois et les politiques proposées par le gouvernement, les autorités se servent de tous les outils à leur disposition pour décourager les gens d’exprimer une quelconque critique. »

De nombreux dirigeants ont été arrêtés lorsque les forces de police ont dispersé les manifestants. D’autres ont vécu des années sous la menace d’une interpellation, des mandats d’arrêt ayant été émis à leur encontre, sans être appliqués. Pour certains, les termes de leur liberté conditionnelle les obligeaient à se présenter aux autorités en général une fois par semaine ou toutes les deux semaines, et leur interdisaient de se rendre à l’étranger.

En tant que cinquième producteur de pétrole brut d’Amérique latine, l’Équateur développe des projets qui compromettent les droits humains et entraînent des conflits avec les communautés locales. Le gouvernement a récemment annoncé son intention de réaliser en Équateur de grands projets d’exploitation minière, ce qui a engendré de nouveaux conflits avec les habitants.

En juin 2010, une information judiciaire a été ouverte pour terrorisme contre deux dirigeants indigènes, Marlon Santi et Delfin Tenesaca, qui avaient participé à une manifestation organisée en marge du Sommet des pays de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA). Selon des informations reçues par Amnesty International, le seul élément de preuve retenu contre eux est une paire de menottes manquantes qu’un policier avait déclaré avoir perdu. Au moment de la rédaction de ce document, tous deux étaient poursuivis pour terrorisme depuis près de deux ans.

Amnesty International reconnaît que l’État est tenu de maintenir l’ordre public et d’enquêter sur les crimes susceptibles d’être commis dans le cadre d’une manifestation. Cependant, bien trop souvent, les responsables indigènes et campesinos sont soumis à des enquêtes et des poursuites judiciaires infondées, ce qui pousse à se demander s’il s’agit d’actes à caractère politique.

« La politique du gouvernement consistant à faire passer des changements sans consulter dûment les communautés touchées risque d’entraîner l’Équateur sur la voie d’un conflit social permanent », a mis en garde Tamaryn Nelson.

L’État a l’obligation de consulter véritablement les communautés concernées avant d’adopter une mesure qui porterait atteinte à leurs droits fondamentaux. Lorsqu’il s’agit d’évolutions importantes relatives à des projets qui touchent les moyens de subsistance des peuples indigènes, l’État doit garantir leur droit de donner en toute liberté leur consentement préalable et informé.

Amnesty International engage les autorités équatoriennes à mettre en place un processus de consultation préalable à toute prise de décision, lorsque les lois, politiques ou mesures proposées ont des répercussions sur certaines communautés. Enfin, l’Équateur doit promouvoir, protéger et respecter le droit à la liberté d’expression, de réunion et d’association. Pour ce faire, il doit cesser de détourner le système judiciaire au détriment des dirigeants indigènes et campesinos dans le but de faire taire leurs préoccupations et revendications légitimes.

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