Communiqué de presse

En se retirant de la Cour interaméricaine, la République dominicaine saperait les droits de centaines de milliers de personnes

Si elle est entérinée par le gouvernement, la décision consternante rendue par la Cour constitutionnelle de la République dominicaine, susceptible de déboucher sur le retrait du pays de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, priverait des centaines de milliers de victimes d’atteintes aux droits humains de tout espoir de justice, a déclaré Amnesty International.

« Au travers de ce jugement, la Cour constitutionnelle de la République dominicaine confirme son manque d’indépendance et d’impartialité, et démontre un parti pris politique en défendant des intérêts étriqués, a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.

« Priver les gens de la possibilité d’obtenir justice à l’étranger lorsque cela leur est impossible dans leur propre pays serait scandaleux et marquerait une régression s’agissant du renforcement de l’état de droit en République dominicaine.  »

Ce jugement fait suite à celui rendu il y a deux semaines par la Cour interaméricaine des droits de l’homme : elle a rejeté la décision judiciaire de la République dominicaine qui privait de leur nationalité des milliers de Dominicains d’origine haïtienne vivant dans le pays, et ce de manière discriminatoire.

« Au lieu d’adopter une attitude excessive et emportée face à cette décision contre laquelle elles s’insurgent, les autorités dominicaines doivent s’efforcer de garantir la protection des droits de chaque personne vivant sur le territoire, ce qui suppose de se conformer au jugement de la Cour interaméricaine des droits de l’homme », a déclaré Erika Guevara Rosas.

Si le président entérine cette décision, des centaines de milliers de victimes de discrimination, d’homicides commis par la police et d’autres violations des droits humains seront privées de la possibilité de recourir à cette instance régionale pour réclamer justice si elles ne sont pas entendues au niveau national.

« Cette décision témoigne de l’absence totale de prise en compte des obligations internationales relatives aux droits humains et établit un précédent très dangereux pour la protection des droits de chacun en République dominicaine, particulièrement des plus vulnérables. Le président Danilo Medina peut et doit faire preuve de leadership et faire en sorte que le pays s’acquitte de ses obligations internationales », a déclaré Erika Guevara Rosas.

La Cour interaméricaine des droits de l’homme a ordonné à la République dominicaine de révoquer un jugement rendu en septembre 2013 par la Cour constitutionnelle, qui a privé de manière rétroactive et arbitraire des milliers de Dominicains d’origine haïtienne de leur nationalité dominicaine, les empêchant d’avoir accès aux droits fondamentaux que sont le droit au travail, le droit à la santé et le droit à l’éducation.

Amnesty International exhorte les autorités dominicaines à respecter leurs obligations internationales et à mettre en œuvre cette décision de la Cour interaméricaine des droits de l’homme.

Complément d’information

Le 4 novembre, la Cour constitutionnelle dominicaine a fait valoir que lorsque la République dominicaine avait rejoint la juridiction de la cour régionale en 1999, elle l’avait fait au mépris de sa propre Constitution. Le gouvernement doit aujourd’hui préciser sa position sur cette décision et ses éventuelles conséquences.

La promotion et la protection des droits humains de tous les citoyens, sans discrimination aucune, constituent la clé de voûte de l’état de droit et forment un outil essentiel pour que les États garantissent à chacun une vie digne, sans distinction de genre, de couleur de peau, d’appartenance ethnique ou de toute autre situation.

Le système interaméricain des droits humains – composé de la Commission et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme – est indispensable pour renforcer la protection accordée au niveau national à travers les Amériques. Au fil des ans, d’un bout à l’autre du continent, des milliers de victimes et leurs proches ont trouvé dans ce système la seule possibilité d’obtenir justice lorsque celle-ci leur était refusée par les instances de leurs pays.

Depuis 1999, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a rendu quatre jugements concernant la République dominicaine liés à l’impunité pour les disparitions forcées, la discrimination et le droit à la nationalité.

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