Communiqué de presse

Émirats arabes unis. Procès inéquitables, peines injustes Condamnation de 69 détracteurs du gouvernement, dont deux avocats des droits humains, à des peines de prison

(Beyrouth, 3 juillet 2013) – Aux Émirats arabes unis, la sentence du 2 juillet 2013 déclarant coupables 69 personnes sur les 94 détracteurs du gouvernement qui passaient en jugement s’est appuyé sur un procès fondamentalement inique, a déclaré ce mercredi 3 juillet une coalition de groupes de défense des droits humains. Ces déclarations de culpabilité bafouaient manifestement le droit à la liberté d’association de plusieurs des accusés.

Même avant qu’il ne commence, le procès était entaché d’irrégularités en raison de violations des normes d’équité : des personnes ont été détenues au secret et n’ont pas eu le droit de consulter un avocat, et des allégations de torture ont été faites. Le jugement n’est pas susceptible d’appel dès lors qu’il émane de la plus haute instance judiciaire du pays. D’après les groupes de défense des droits humains, un nouveau procès s’impose étant donné que les normes garantissant un procès équitable n’ont pas été respectées. Toutes les personnes déclarées coupables uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’association et d’expression devraient être libérées et les poursuites engagées contre elles abandonnées.

« La condamnation de 69 détracteurs du gouvernement est un mauvais point pour les Émirats arabes unis, dont la situation en matière de droits humains est en train d’empirer et où les droits à un procès équitable sont sérieusement mis à mal, a déclaré Joe Stork, directeur adjoint du programme Moyen-Orient de Human Rights Watch. L’iniquité de ces procès et les mesures entreprises par les Émirats pour faire taire toute critique devraient inciter les alliés internationaux du pays à réagir. »

Les autorités doivent encore fournir des détails sur les déclarations de culpabilité, mais les personnes jugées étaient inculpées, entre autres choses, d’association avec un groupe qui visait à renverser le système politique du pays, infraction prévue à l’article 180 du Code pénal. Un grand nombre de ces personnes sont membres d’Al Islah (Association pour la réforme et l’orientation sociale), un groupe local engagé depuis de nombreuses années dans des débats politiques pacifiques et prônant une plus grande adhésion aux préceptes islamiques.

Lors du procès, les procureurs ont affirmé détenir la preuve que les défendeurs avaient créé une organisation parallèle ayant une autre idéologie et d’autres objectifs, Dawat al Islah. Cependant, des sources locales ont déclaré aux groupes de défense des droits humains que les réquisitions de l’accusation s’articulaient autour des croyances ouvertement déclarées des défendeurs, de leur engagement auprès d’Al Islah et des liens entre Al Islah et les Frères musulmans.

La Cour suprême fédérale, à Abou Dhabi, a condamné 56 personnes, dont les éminents avocats et défenseurs des droits humains Mohammed al Roken et Mohammed al Mansoori, à 10 années d’emprisonnement.

Huit autres personnes ont été condamnées en leur absence à 15 années et cinq à sept années d’emprisonnement. Vingt-cinq ont été acquittées, notamment toutes les femmes.

La coalition des groupes de défense des droits humains regroupe Alkarama, Amnesty International, le Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme, le Centre du Golfe pour les droits humains et Human Rights Watch. Ces groupes ont soutenu que le maintien d’un grand nombre des accusés en détention au secret avant leur procès, ainsi que l’interdiction qui leur était faite de consulter un avocat pendant cette période, constituaient une violation de leur droit à un procès équitable. En outre, les autorités n’ont pas mené d’enquête sur les allégations, dignes de foi, selon lesquelles les déclarations utilisées au procès comme éléments de preuve avaient été obtenues sous la torture. Ni les observateurs indépendants et ni la presse internationale n’ont pu assister aux audiences, qui ont commencé le 4 mars.
Au moins 64 des accusés ont été maintenus en détention avant l’ouverture du procès, dans des lieux secrets, pendant des périodes allant jusqu’à une année. Nombre d’entre eux n’ont pu consulter un avocat que fin février, et ces rencontres se sont déroulées en présence d’un représentant du procureur de la Sûreté de l’État qui pouvait entendre les propos tenus, ce qui est contraire au principe de confidentialité des conversations entre l’avocat et son client, établi par le droit international.

À la première audience du procès, certains accusés ont déclaré au juge qu’ils avaient été gravement maltraités pendant leurs longs mois de détention. Ils ont évoqué des détentions à l’isolement prolongées, une exposition à une lumière continue rendant leur sommeil difficile, ainsi qu’un chauffage insuffisant. On les aurait également obligés à porter une cagoule quand ils devaient sortir de leurs cellules, y compris pour aller aux toilettes ou pour être interrogés. Ils ont dit avoir été insultés à plusieurs reprises par les gardiens de prison.

Des personnes présentes dans la salle d’audience le 4 mars ont déclaré à Human Rights Watch qu’à la suite de ces allégations le juge avait ordonné des examens médicaux, mais que ceux-ci n’ont pas eu lieu.

« Ce procès déplorable n’a fait que mettre en lumière les graves défaillances du système judiciaire des Émirats arabes unis, et diriger les projecteurs sur l’intolérance croissante des autorités à l’égard des voix dissidentes », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

Le 27 juin, Alkarama, Amnesty International et Human Rights Watch ont rendu publiques des allégations de torture dignes de foi faites par les défendeurs dans des lettres manuscrites qu’ils avaient fait sortir clandestinement de prison. La description qui y était faite du caractère systématique de la torture concordait avec d’autres allégations faisant état de torture dans des établissements de la Sûreté de l’État. « J’ai été battu avec un tuyau en plastique sur tout le corps », a déclaré un détenu. « J’ai été attaché à une chaise et menacé d’électrocution si je ne parlais pas. J’ai été insulté et humilié.  »

Avant l’ouverture du procès, le 4 mars, Ahmed Nashmi al Dhafeeri, observateur international d’Amnesty International, et Noemie Crottaz, représentante de l’organisation de défense des droits humains Alkarama, dont le siège se trouve à Genève, se sont vu refuser l’entrée dans le pays par les forces de sécurité. Plusieurs observateurs internationaux ont pu pénétrer sur le territoire émirien, mais n’ont pas été autorisés à entrer dans le tribunal bien qu’ils aient suivi toutes les procédures prescrites et fourni les documents requis.

S’adressant au Conseil des droits de l’homme des Nations unies le 7 juin, lors de l’examen périodique de leur pays en matière de droits humains, l’Examen périodique universel, des ministres du gouvernement des Émirats arabes unis ont affirmé que le pays faisait tout ce qui était en son pouvoir pour parvenir à un équilibre entre la protection de la société et la garantie des libertés fondamentales.

La coalition a déclaré que le gouvernement des Émirats doit tenir sa promesse et coopérer avec les organismes de défense des droits humains de l’ONU en invitant d’urgence les experts des droits humains à examiner tous les aspects de cette affaire, en particulier les allégations de torture avancées par les défendeurs.

Le gouvernement doit aussi remettre en liberté, immédiatement et sans condition, toutes les personnes impliquées ainsi que celles qui ont déjà été condamnées uniquement pour avoir exercé leur liberté d’expression et d’association.

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