Des organisations internationales appellent la ministre tchèque de l’Éducation à adopter davantage de mesures pour mettre fin à la relégation des Roms dans des établissements pour élèves présentant des « handicaps mentaux légers »

Déclaration publique

ÉFAI - 3 février 2010

Le 2 février, dans une lettre à Miroslava Kopicová, la ministre tchèque de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports, Amnesty International, le Centre européen pour les droits des Roms et le Projet de justice Société ouverte ont salué avec prudence le premier pas que constitue la circulaire adressée par la ministre aux directeurs d’écoles élémentaires le 19 janvier 2010. Dans ce document, Miroslava Kopicová les appelle à veiller à ce que seuls les élèves présentant « des handicaps mentaux légers avérés soient orientés vers les écoles élémentaires pratiques ».

Amnesty International, le Centre européen pour les droits des Roms et le Projet de justice Société ouverte ont souligné, dans leur lettre, que cette circulaire constituait un message important à l’intention de l’ensemble des établissements tchèques, puisqu’elle reconnaissait l’existence d’une relégation illégale des enfants roms dans des écoles destinées à des élèves présentant des « handicaps mentaux légers ». Toutefois, les trois organisations ont également mis en avant le fait que l’initiative de la ministre n’était pas suffisante pour mettre fin aux orientations injustifiées d’enfants vers de telles écoles et pour faire cesser la discrimination et la ségrégation dont les Roms sont victimes au sein du système éducatif. Les organisations ont insisté sur la nécessité de définir des consignes concrètes et claires à appliquer pour que les enfants roms aient toute leur place aux côtés des autres élèves dans le cadre du système scolaire ordinaire.

Les trois organisations signataires ont souligné : « le contenu de cette circulaire réaffirme simplement les dispositions existantes de la législation tchèque relative à l’éducation ». Comme la circulaire elle-même le confirme, 26 % des enfants roms sont actuellement scolarisés dans des établissements destinés à des élèves présentant des « handicaps mentaux légers », soit un pourcentage complètement disproportionné. La ministre a noté qu’il était peu probable qu’un nombre si élevé d’enfants d’origine rom présentent des handicaps mentaux.

Dans leur lettre, les organisations cosignataires ont appelé la ministre à exprimer clairement sa détermination à supprimer la ségrégation au sein des écoles tchèques, en l’invitant à :

– commencer à prendre des mesures pour que les enfants roms actuellement scolarisés dans des écoles élémentaires pratiques soient transférés dans des établissements ordinaires, dans le cadre de délais précis ;

– faire adopter des dispositions législatives rendant obligatoire la suppression de la ségrégation au sein des écoles tchèques ;

– empêcher les placements injustifiés d’enfants roms et autres dans des établissements pratiques via l’adoption immédiate d’un moratoire sur l’admission de tout élève dans de telles écoles pour l’année scolaire 2010-2011 ;

– offrir un soutien adapté aux enfants (et aux familles) qui en ont besoin, afin que ces élèves puissent pleinement s’intégrer dans les écoles élémentaires ordinaires et s’y épanouir au mieux ;

– rendre publiques les lignes directrices concrètes qui seront adressées aux directeurs d’écoles ;

– préciser publiquement les mesures que le ministère de l’Éducation a l’intention de prendre pour suivre et évaluer la mise en œuvre de ses objectifs globaux d’intégration scolaire.

Contexte

Le 13 novembre 2007, dans l’affaire D.H. et autres c. République tchèque, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que cet État avait fait acte de discrimination à l’égard d’enfants roms en les plaçant dans des établissements spéciaux (des écoles destinées aux élèves souffrant de « handicaps mentaux légers », aujourd’hui appelées écoles élémentaires pratiques), où ils recevaient une éducation au rabais. Le gouvernement a dû prendre des mesures afin de remédier à cette situation.

Plus de deux ans après, cependant, les enfants roms, un peu partout dans le pays, restent surreprésentés dans les écoles et classes destinées aux élèves présentant des « handicaps mentaux légers », où ils reçoivent un enseignement fondé sur un programme scolaire restreint. D’après une étude publiée en 2008 par deux ONG, le Centre européen pour les droits des Rom et le Fonds pour l’éducation des Roms, dans certaines régions du pays, les enfants roms constituent plus de 80 % des élèves des écoles pratiques. Par rapport aux écoles ordinaires, ces établissements dispensent un enseignement de qualité inférieure et réduisent par conséquent les perspectives des élèves en matière d’éducation et d’emploi.

Une fois qu’un enfant est placé dans une école pratique ou une classe réservée aux élèves souffrant de « handicaps mentaux légers », il lui est très difficile de réintégrer le système éducatif ordinaire. Aucune disposition législative ne rend obligatoire une évaluation régulière des élèves ; celle-ci ne peut être réalisée qu’à la demande des parents. Les rares élèves qui retournent dans le système éducatif ordinaire rencontrent de très grandes difficultés car ils ont suivi un programme simplifié. Souvent, les écoles ordinaires n’offrent aucun soutien pour permettre à ces enfants de rattraper leur retard.

L’orientation vers les écoles et classes pratiques destinées aux élèves présentant des « handicaps mentaux légers » est déterminée par les résultats d’évaluations qui ne prennent pas en compte les particularités culturelles et linguistiques des enfants roms, et qui sont susceptibles d’être faussés par les préjugés des personnes chargées de faire passer ces tests.

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