Communiqué de presse

Déclaration publique d’Amnesty International sur la réunion organisée le 16 octobre 2012 à propos du « processus de Copenhague »

Amnesty International a participé le 16 octobre 2012 à une réunion organisée au ministère danois des Affaires étrangères et concernant le « processus de Copenhague sur le traitement des détenus dans les opérations militaires internationales ». Sous la houlette du Danemark, un certain nombre d’États mènent depuis environ cinq ans des discussions et des négociations à huis clos. Ni le contenu de ces discussions ni l’identité des États qui y participent n’ont été rendus publics. Après avoir été totalement exclues du processus pendant cinq ans, les ONG de défense des droits humains ont disposé de quelque 90 minutes, pas davantage, pour apporter leur contribution.

Cette rencontre était pour les acteurs de la société civile la première – et probablement l’unique – occasion de prendre connaissance des propositions spécifiques et d’y répondre. Elle intervient 48 heures seulement avant une ultime réunion à huis clos entre les États participants, à Copenhague les 18 et 19 octobre, au cours de laquelle le Danemark espère que sera adoptée sa proposition de « Règles et principes » pour le traitement de tous les détenus dans ces opérations militaires.

Cette brève rencontre avec les ONG vient si tard, et dans un délai si court avant l’adoption d’un texte final, que l’on peut penser qu’elle est davantage un exercice de relations publiques qu’une initiative sincère en vue de recueillir l’avis des organisations de défense des droits humains et d’en tenir compte.

Désormais informée du projet spécifique, Amnesty International est profondément préoccupée par son manque d’ambition et par l’absence d’engagements des États impliqués sur les questions liées au respect des droits humains.

Le projet de Règles et principes tente d’établir un ensemble de règles communes fondées sur les lois de la guerre, mais qui encadreraient aussi bien les situations visant au maintien de la paix ou à l’application des lois que celles de conflit armé déclaré. Il y a donc tout lieu de craindre que ces Règles et principes soient adoptés pour avaliser des comportements n’étant en rien conformes aux normes internationales applicables en matière de droits humains.

Sur la base de ce qu’elle constate dans ses actions de recherche et de plaidoyer menées depuis plusieurs dizaines d’années, Amnesty International pense en outre que le projet de Règles et principes serait exploité par certains États cherchant à réinterpréter les obligations internationales qui leur incombent au regard du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains, ou à s’affranchir de quelque autre manière de ces obligations, ce qui pourrait profondément remettre en cause la protection effective des droits humains dans la pratique.
Complément d’information

L’objectif déclaré du processus de Copenhague, tel qu’il a été annoncé par le Danemark en 2007, est de « mettre en place une plateforme commune pour le traitement des détenus » dans les « opérations militaires internationales n’entrant pas dans le cadre des conflits armés internationaux ».
Il semble que, dans l’état actuel du projet de Règles et principes, un ensemble de normes communes serait appliqué à toute une série de situations très différentes, allant des hostilités ouvertes dans une situation de conflit armé non international (exemples de l’Irak et de l’Afghanistan) aux missions de maintien de la paix placées sous l’égide des Nations unies ou d’organisations régionales (exemple de la République démocratique du Congo), et même aux situations ne relevant aucunement d’un quelconque conflit international, telles que les opérations de lutte contre la piraterie et, de fait, pratiquement toute situation dans laquelle des États apportent à d’autres États une assistance militaire à des fins d’application des lois nationales ou du droit international.

Parce qu’il cherche à prendre en compte toutes les situations possibles et à intégrer tous les États (certains n’ayant sans doute pas ratifié autant de traités internationaux dans les domaines humanitaire et des droits humains que d’autres, et certains ayant des antécédents de violations généralisées ou systématiques du droit international humanitaire ou du droit international relatif aux droits humains), le projet de Règles et principes reste en deçà des normes internationales existantes dans le domaine des droits humains.
Amnesty International est consciente des problèmes opérationnels qui se posent lorsque des États qui n’ont pas les mêmes obligations conventionnelles ou qui interprètent de manière différente leurs obligations au regard du droit international sont engagés dans des opérations militaires communes. L’organisation estime toutefois qu’il est fondamentalement erroné d’essayer de résoudre ces problèmes par la recherche du plus petit dénominateur commun ou d’un ensemble confus de normes issues de compromis. Les États qui souhaitent s’engager dans des opérations militaires communes doivent au contraire harmoniser les règles opérationnelles applicables pour la mission en fonction des normes les plus élevées qui existent parmi eux, de manière à garantir une efficacité opérationnelle maximale et le respect intégral des obligations de tous les États lors des opérations.

On sait que le Danemark a organisé des conférences inter-États en 2007 et 2009, mais le contenu des discussions et le nom des États participants ont été tenus secrets. Amnesty International n’en a été informée qu’en octobre 2012, bien qu’elle et d’autres organisations aient demandé à de nombreuses reprises au Danemark d’instaurer plus de transparence et d’ouverture dans le processus. Amnesty International croit comprendre que l’une des raisons pour lesquelles les discussions se sont déroulées en dehors du cadre de toute organisation internationale existante, comme les Nations unies, est que le Danemark pouvait ainsi garder la latitude lui permettant de tenir la société civile et certains États à l’écart du processus.

Le Danemark avait promis qu’une phase d’examen et de consultation de la société civile serait ouverte lorsque le projet abouti serait sur la table. Pour Amnesty International, cependant, un « dialogue » de 90 minutes intervenant dans un délai aussi court avant la dernière conférence inter-États ne satisfait pas à l’engagement de donner à la société civile, et notamment aux organisations non gouvernementales travaillant dans le domaine des droits humains, la possibilité de participer utilement au processus. Amnesty International croit savoir que la conférence finale des 18 et 19 octobre se tiendra elle aussi à huis clos et sans la présence de représentants de la société civile.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit