CONSEIL DE L’EUROPE : Pas de compromis sur les droits des victimes de la traite

Index AI : IOR 30/004/2005
ÉFAI
Jeudi 3 mars 2005
DECLARATION CONJOINTE
Amnesty International et Anti-Slavery International

Amnesty International et Anti-Slavery International appellent le Comité des ministres du Conseil de l’Europe à renforcer les dispositions du projet de Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, relatif à l’aide et à la protection en faveur des personnes victimes de la traite. Le Comité des ministres doit étudier ce projet de convention, en vue de son adoption en mars 2005.
Les deux organisations notent que l’actuel projet de Convention européenne se fonde à certains égards sur des normes internationales existantes de protection des personnes victimes de la traite - en particulier en étendant la définition de la traite exprimée dans le Protocole de Palerme afin d’inclure expressément la traite interne (à un État) et la traite n’impliquant pas nécessairement de groupes criminels organisés, ainsi qu’en établissant un mécanisme indépendant (GRETA) pour surveiller la mise en œuvre de cette convention.
Amnesty International et Anti-Slavery International considèrent cependant qu’il faut amender un certain nombre de dispositions pour que ce traité remplisse son objectif déclaré : l’établissement d’un cadre complet de protection des droits des personnes victimes de la traite.
Amnesty International et Anti-Slavery International demandent en particulier au Comité des ministres de faire en sorte que, sous sa forme finale, la Convention du conseil de l’Europe stipule que :

 toutes les personnes victimes de traite aient accès aux soins médicaux nécessaires, notamment psychologiques - et pas seulement à des soins d’urgence (article 12 (1) (b)) ;

 les mesures de protection et d’assistance soient étendues aux familles des personnes victimes de traite, en cas de nécessité (article 12) ;

 lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne est victime de traite, que celle-ci dispose d’un délai de rétablissement et de réflexion d’au moins trois mois et suffisant pour que cette personne commence à se reconstruire, à échapper à l’influence des trafiquants et qu’elle puisse prendre en toute conscience une décision sur son avenir (article 13 (1)) ;

 que des permis de séjour renouvelables, d’une durée d’au moins six mois, soient accordés aux personnes victimes de traite lorsqu’après évaluation des risques, les autorités compétentes estiment que leur séjour est nécessaire, en raison de leur situation personnelle, ou afin qu’elles puissent participer à une procédure (notamment la procédure judiciaire visant leurs trafiquants, ou une procédure de compensation) (article 14 (1)) ;

 des dispositions soient prises en vue du regroupement familial, lorsqu’une personne victime de traite se voit accorder un permis de séjour (article 14) ;

 les personnes victimes de traite ne soient pas détenues, inculpées ou poursuivies pour entrée ou séjour illégal sur le territoire, ni pour activités illégales, sauf s’il est établi que ces activités illégales sont sans rapport avec leur situation de victime (article 26) ;

 ces personnes aient le droit de faire examiner les décisions prises par les autorités compétentes aux termes des articles 10-16 par un organe indépendant et impartial établi par un texte de loi (article 10) ;

 un organe d’experts indépendant et unique (GRETA) surveille la mise en œuvre de cette convention, tant par les États membres que non membres de l’Union européenne (articles 36-38).
En outre, Amnesty International et Anti-Slavery International considèrent que ce traité doit donner au GRETA la possibilité de recevoir des renseignements de toutes les sources, y compris de l’Union européenne et des membres de la société civile. Le traité doit aussi permettre à chaque partie de déclarer qu’elle reconnaît la compétence du GRETA pour recevoir des plaintes collectives, en cas de manquement d’une partie à la mise en œuvre des dispositions de la convention.
Ces recommandations (qui peuvent également être consultées dans notre publication Lutte contre la traite des êtres humains. Recommandations visant à renforcer le projet de convention du Conseil de l’Europe. Index AI : IOR 61/001/2005, ou sur le site web d’Amnesty http://web.amnesty.org/library/index/fraior610012005) sont en accord avec celles formulées par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en janvier 2005, et par les organisations non gouvernementales qui travaillent directement avec les personnes victimes de traite, et en leur faveur. Cependant, ces recommandations ont été rejetées la semaine dernière par les États membres de l’Union européenne, qui forment désormais la majorité des 46 pays membres du Conseil de l’Europe, et par la Commission européenne s’exprimant en leur nom. Ainsi, ces recommandations ne seront pas intégrées au projet actuel de convention.
Au lieu de cela, dans le projet de convention soumis au comité des ministres, de nombreuses dispositions essentielles concernant la protection des personnes victimes de traite n’améliorent guère l’aide et la protection actuellement apportées par certains textes de loi nationaux ou européens. Il s’agit là d’un accord a minima passé par les pays membres de l’Union européenne.
Amnesty International et Anti Slavery International regrettent profondément que, dans le cadre des négociations au sein du Comité du Conseil de l’Europe ad hoc sur la lutte contre la traite des êtres humains, la protection des droits des personnes victimes de traite, qui figurent parmi les plus vulnérables d’Europe, semble être secondaire par rapport au positionnement politique et institutionnel.
Amnesty International et Anti-Slavery International demandent au comité des ministres du Conseil de l’Europe et aux institutions de l’Union européenne de coopérer pour parvenir à l’objectif déclaré du Conseil de l’Europe lors de l’élaboration de cette convention : l’adoption d’un traité répondant à un besoin urgent, celui d’améliorer la protection des droits humains pour les victimes de traite.

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