Chili. La ratification du Statut de Rome est une avancée qui ne doit pas faire oublier l’impunité des crimes du passé

En ratifiant le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), le Chili fait un grand pas vers l’avenir mais ne solde pas ses dettes avec le passé, a déclaré Amnesty International ce 18 juin 2009, après l’adoption de la loi autorisant la reconnaissance de la compétence de la CPI.

Bien que la CPI ne puisse connaître des crimes perpétrés au Chili sous le régime militaire (1973–1990), la reconnaissance de sa compétence pour les cas de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui pourraient être commis dans le futur constitue sans aucun doute un pas en avant, qui marque de manière non équivoque le rejet de l’impunité.

« La reconnaissance de la compétence de la CPI ne doit pas faire oublier qu’est toujours en vigueur au Chili une loi d’amnistie concernant des crimes atroces qui, en vertu du droit international, doivent faire l’objet d’une enquête et être punis », a déclaré Susan Lee, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.

De nombreux observateurs estiment par ailleurs que la « loi d’amnistie » (c’est-à-dire le décret-loi 2191/78) actuellement en vigueur n’empêche pas que ces crimes fassent l’objet d’une enquête et qu’ils soient sanctionnés. Les décisions rendues par les tribunaux chiliens dans plusieurs affaires ont néanmoins été dans le sens de la prescription des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis dans le cadre d’un conflit armé à caractère non international. Dans d’autres affaires, les sanctions prononcées n’étaient pas en adéquation avec la gravité des crimes perpétrés.

« La prescription des crimes de droit international, tels que la torture, la disparition forcée et les exécutions extrajudiciaires, de même que la prescription de l’action civile dans ces affaires, sont des violations des obligations qui s’imposent au Chili en vertu du droit international », a souligné Susan Lee.

Amnesty International demande instamment à l’État chilien d’ouvrir une enquête impartiale sur toutes les violations des droits humains commises dans le passé et de punir leurs auteurs. L’organisation appelle les autorités à abroger la « loi d’amnistie » et à consacrer dans le droit interne le principe d’imprescriptibilité des crimes de droit international et des actions civiles en réparation. Elle demande enfin au gouvernement de mettre en place un programme de réparations complètes, conformément aux principes relatifs au droit des victimes de violations graves des droits humains d’obtenir justice et réparation, principes que l’État chilien lui-même défend aux Nations unies.

Complément d’information

Le 17 juin 2009, la Chambre des députés du Chili a approuvé l’acte de ratification du Statut de Rome par 79 voix pour, neuf voix contre et une abstention. La phase législative étant achevée, il appartient désormais à la présidente Bachelet de promulguer le texte, avant que l’instrument de ratification soit déposé auprès du secrétaire général des Nations unies.

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale a été adopté à Rome le 17 juillet 1998. Jusqu’à présent, 108 États ont reconnu la compétence de la CPI pour enquêter sur les actes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis après l’entrée en vigueur du Statut pour chaque État partie – en tout état de cause pas avant le 1er juillet 2002 –, et juger les auteurs présumés de ces actes.

Le Statut prévoit que la CPI sera compétente lorsque qu’un État partie sera dans l’incapacité d’exercer de manière appropriée sa propre compétence pour juger ces crimes, ou n’aura pas la volonté de le faire, que les crimes aient été commis sur le territoire national ou par l’un de ses ressortissants sur le territoire d’un autre État, y compris d’un État qui ne serait pas partie au Statut de Rome. Le Conseil de sécurité de l’ONU peut également saisir la CPI d’une situation, concernant un État partie ou non partie, dans laquelle il considère que des crimes étant du ressort de la CPI ont été commis ou sont en train d’être commis.

Le Chili est le dernier pays d’Amérique du Sud à adhérer au Statut de Rome, ratifié à ce jour par 108 États. Des enquêtes sont actuellement ouvertes pour des faits concernant l’Ouganda, la République démocratique du Congo, le Darfour (Soudan) et la République centrafricaine. La CPI a émis plus de 15 mandats d’arrêt dans ces affaires. Sauf dans le cas du Soudan, ce sont les États concernés qui ont saisi la CPI, faute de pouvoir eux-mêmes enquêter sur les crimes.

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