Marikana : les conditions de vie restent effroyables

• Lonmin n’a construit que trois maisons-témoins à Marikana depuis 2006.

• Les mineurs vivent toujours dans des conditions « effroyables ».

• Les excuses invoquées par la compagnie révèlent une mauvaise organisation et des informations erronées fournies aux actionnaires.

• La compagnie reconnaît que 13 500 mineurs n’ont pas de logement adéquat.

Le géant britannique de l’extraction du platine Lonmin Plc n’a toujours pas fourni de logements adéquats à ses employés à Marikana, malgré le coup de semonce reçu à la suite de l’homicide de 34 mineurs grévistes en 2012, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public lundi 15 août.

Intitulé Smoke and mirrors : Lonmin’s failure to address housing conditions at Marikana, ce rapport révèle que la situation n’a guère changé pour les 20 000 mineurs qui travaillent pour Lonmin à Marikana. Beaucoup vivent toujours dans la misère, alors que la compagnie s’était engagée, dans le cadre d’un accord juridiquement contraignant, à construire de nouveaux logements.

« Les événements catastrophiques d’août 2012 ont adressé un avertissement décisif à Lonmin qui se doit de remédier à ces conditions de vie déplorables, a déclaré Deprose Muchena, directeur d’Amnesty International pour l’Afrique australe.

« Le fait que la compagnie ne s’occupe pas de la question du logement de ses employés est à la fois déroutant et totalement irresponsable. Lonmin sait que la situation d’urgence en matière de logement a contribué aux troubles qui, il y a quatre ans, ont coûté la vie à des dizaines de mineurs. »

En 2012, des milliers d’employés de Lonmin vivaient dans des conditions insalubres, dans des quartiers informels aux abords de la mine de Marikana. Lonmin n’ignorait rien de la situation et s’était engagée, dans le cadre de son Plan social et pour l’emploi (Social and Labour Plan, SLP) de 2006, à construire 5 500 logements pour les mineurs et à rénover d’ici 2011 les foyers non mixtes de style caserne en logements pour familles ou personnes seules.

Pourtant, en 2011, elle n’avait construit que trois maisons-témoins et avait converti 60 foyers sur 114.

Le Plan social et pour l’emploi est un document juridiquement contraignant fondé sur la Loi sud-africaine sur le développement des ressources minières et pétrolières (MPRDA) et la Charte minière. En ne remplissant pas ses engagements au titre de cet accord, Lonmin bafouait déjà clairement les obligations légales lui incombant au titre de la législation sud-africaine à l’époque où les mineurs à Marikana ont entamé une grève, en 2012, pour dénoncer les bas salaires et les conditions de travail.

Ce fait a été pointé du doigt par la Commission Farlam, nommée par le gouvernement sud-africain pour enquêter sur les circonstances ayant conduit aux violences d’août 2012. Elle a conclu que les conditions de logement de la majorité des employés de Lonmin étaient inacceptables et « créaient un environnement propice à susciter des tensions, des conflits liés au travail et des dissensions entre les employés ou d’autres comportements nuisibles ».

Témoignant devant la Commission Farlam, un dirigeant de Lonmin a admis que les conditions de vie étaient « vraiment effroyables » et qu’elles ont contribué à une rupture dans les relations et la confiance entre l’entreprise et ses employés.

Et pourtant, les choses n’ont pas vraiment changé : des milliers de mineurs vivent toujours dans les quartiers informels alentour, tels que Nkaneng. Un mineur de Lonmin a déclaré à Amnesty International :

« Il arrive souvent que nous n’ayons plus d’eau, pas d’électricité, et nous pouvons rester plusieurs jours sans eau ni électricité. Ce n’est absolument pas normal. Même les cabanes (toilettes) que nous utilisons sont horribles, il y a toujours des mouches qui rentrent dedans. »

Dans les entretiens et les courriers échangés avec des cadres de Lonmin en 2016, Amnesty International a mis au défi la compagnie d’expliquer comment elle pouvait justifier ses manquements en matière de logement et ce qu’elle comptait faire pour résoudre le problème. L’entreprise reconnaît que 13 500 mineurs n’ont toujours pas de logement adéquat.

Lonmin fournit une longue liste d’excuses souvent contradictoires, et parfois fausses, pour expliquer ses manquements. Ces arguments trompeurs ont été transmis aux actionnaires dans des rapports de développement durable. Des cadres de Lonmin ont déclaré à Amnesty International que la compagnie n’avait pas l’intention de construire les 5 500 logements initialement promis dans son Plan social et pour l’emploi de 2006.

« Lonmin joue un jeu très dangereux en faisant des promesses sans avoir l’intention de les honorer, a déclaré Deprose Muchena.

« Son aveu choquant selon lequel la compagnie n’avait nullement l’intention de s’acquitter de son obligation légale au titre du Plan social et pour l’emploi va à l’encontre des lois sud-africaines et des normes internationales largement acceptées concernant les entreprises et les droits humains. »

Les activités de Lonmin sont actuellement couvertes par un nouveau Plan pour la période 2014-2018, qui ne prévoit que deux nouvelles initiatives visant à faire face à la situation déplorable en matière de logement à Marikana. La première concerne la construction d’appartements à louer par les employés. Pourtant, si ce plan a été élaboré en 2013, ou même avant, mi-2016 la compagnie n’avait guère progressé dans sa mise en œuvre et a déclaré qu’elle doit renégocier ses engagements financiers pris dans le cadre du Plan en raison du climat économique actuel.

La deuxième proposition concerne un projet immobilier de 6 000 logements à Marikana. Cependant, elle semble dépendre de la finalisation d’un accord financier avec les banques et les promoteurs immobiliers, que Lonmin n’a pas obtenu – l’une des excuses avancées pour expliquer son échec à l’aune du Plan de 2006. En mai 2016, Lonmin n’avait pas mis en place ce partenariat.

« Les excuses de Lonmin ne tiennent pas la route, a déclaré Deprose Muchena.

«  Elle reprend les mêmes méthodes qui ont déjà échoué. Il est inquiétant de constater que ses plans pour l’après 2012 n’ont pas apporté un seul logement supplémentaire aux mineurs de Marikana. »

Amnesty International demande au ministre des Ressources minérales d’enquêter et, le cas échéant, de sanctionner Lonmin pour n’avoir pas honoré les dispositions de son Plan social et pour l’emploi concernant la construction de 5 500 logements, conformément aux recommandations de la Commission Farlam. L’entreprise doit aussi fournir au ministre des Ressources minérales de nouvelles propositions afin de résoudre la question du logement dans le cadre de son nouveau Plan.

Complément d’information

Lonmin s’est constituée en société au Royaume-Uni en 1909. L’activité phare de la compagnie se situe dans la province du Nord-Ouest, en Afrique du Sud. Marikana représente en effet 95 % de la production de Lonmin.

Le 16 août 2012, la police sud-africaine a abattu 34 hommes à Marikana. Plus de 70 autres ont été grièvement blessés. Il s’agissait d’employés de Lonmin qui s’étaient mis en grève et protestaient contre les bas salaires et les conditions dans la mine. Dix autres hommes sont morts dans les jours qui ont précédé ces événements.

Lonmin a achevé en 2014 le programme de rénovation des foyers inscrit dans le Plan social et pour l’emploi de 2006.

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