Communiqué de presse

Algérie. Une approche globale est nécessaire pour mettre fin aux violences sexuelles et liées au genre

Dans une synthèse rendue publique mardi 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, Amnesty International demande aux autorités algériennes d’adopter une approche globale pour lutter de manière adéquate contre les violences sexuelles et les violences liées au genre, approche qui jusqu’à maintenant est restée sélective, fragmentaire et symbolique.

Les autorités algériennes ont pris cette année des mesures positives, attendues de longue date, en faveur de victimes de violences sexuelles et de violences liées au genre. Elles ont notamment adopté le décret 14-26, qui prévoit d’indemniser les femmes victimes de viols perpétrés par les groupes armés pendant le conflit interne qui a ravagé l’Algérie pendant les années 90. À la fin du mois de juin, elles ont aussi annoncé des projets de loi pour renforcer la protection des femmes face à la violence. Si de tels projets sont adoptés, ils érigeraient en infractions pénales la violence physique à l’encontre d’un conjoint, et le harcèlement sexuel dans des lieux publics.

Le décret 14-26 n’envisage qu’une indemnisation financière pour les victimes de viols pendant le conflit des années 90, sans évoquer leur droit à une réparation pleine et effective. Les projets de loi annoncés en juin reconnaissent certes le problème de la violence conjugale à laquelle de nombreuses femmes en Algérie sont confrontées, mais ils contiennent une clause prévoyant l’arrêt des poursuites judiciaires en cas de pardon de la victime, ignorant la réalité des relations de pouvoir et d’inégalité entre les hommes et les femmes. L’Algérie n’est toujours pas dotée d’une loi spécifique pour lutter contre les violences liées au genre, malgré une demande de longue date des associations algériennes de défense des droits des femmes.

Cette approche partiale se reflète dans le droit algérien, qui ne protège pas de manière adéquate les femmes et les jeunes filles victimes de violences sexuelles. Dans sa synthèse Algérie. Des réformes globales sont nécessaires pour mettre un terme à la violence sexuelle et la violence liée au genre contre les femmes et les jeunes filles, Amnesty International relève les lacunes du Code pénal, qui pénalise mais ne définit pas le viol ou d’autres formes de violence sexuelle et qui omet de faire du viol conjugal une infraction pénale.

De plus, des clauses dans la législation en vigueur constituent des obstacles supplémentaires pour les victimes de violence sexuelle en Algérie. L’article 326 du Code pénal permet à l’auteur d’un viol d’échapper aux poursuites s’il épouse sa victime. L’avortement pour les femmes et les jeunes filles enceintes des suites de viol ou d’inceste n’est pas expressément autorisé.

Ces clauses reflètent la discrimination à l’encontre des femmes qui existe toujours en Algérie, en droit et en pratique. Les femmes victimes de violence sexuelle sont de plus stigmatisées sur le plan social, ce qui accroit d’autant plus leur vulnérabilité. De plus, les autorités n’ont pas mis en place de services de santé et de soutien suffisants et adéquats pour ces victimes, qui sont surtout soutenues par des associations de défense des droits des femmes qui ont mis en place des refuges et des centres d’écoute.

Dans cette synthèse, Amnesty International présente aux autorités algériennes une série de recommandations précises pour accorder pleine réparation aux victimes de violence sexuelle durant le conflit interne des années 1990, y compris leur réhabilitation, des mesures pouvant donner satisfaction et des garanties de non-répétition à l’avenir ; garantir que les lois, les politiques et la pratique répondent suffisamment à toutes les formes de violence sexuelle ; adopter des mesures permettant de poursuivre effectivement les auteurs de viol et d’autres formes de violence sexuelle ; et renforcer l’accès des victimes de violence sexuelle à la justice, aux services de santé et de soutien.

Complément d’information

Le 8 mars 2014, Amnesty International a lancé une campagne mondiale intitulée Mon corps, mes droits. La campagne appelle les gouvernements à reconnaitre les droits des femmes et des jeunes filles à l’intégrité physique et de vivre à l’abri des violences sexuelles. Il s’agit de droits universels de la personne, reconnus en droit international en tant que droits sexuels et reproductifs, et les États doivent veiller à ce qu’ils soient respectés, protégés et concrétisés.

Dans le cadre de cette campagne, Amnesty International a lancé une pétition demandant aux autorités algériennes, marocaines et tunisiennes de réformer les dispositions législatives qui ne protègent pas les victimes de violences sexuelles de manière adéquate, d’adopter un cadre législatif et règlementaire exhaustif de lutte contre les violences sexuelles et de prendre des mesures pour faciliter l’accès des victimes à des voies de recours judiciaires et à un soutien médical approprié. Le Maroc a aboli cette année un article de loi qui permettait à l’auteur d’un viol d’échapper aux poursuites s’il épouse sa victime, et la Tunisie a annoncé l’abolition prochaine d’une clause semblable.

La pétition a été signée par 198 128 membres et sympathisants d’Amnesty International jusqu’à sa fermeture en septembre 2014. Amnesty International Tunisie a remis ces signatures aux autorités tunisiennes le 18 novembre. Amnesty International Algérie a demandé une audience aux autorités algériennes pour leur remettre également la pétition signée.

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