Chili - Rapport annuel 2022

République du Chili
Chef de l’État et du gouvernement : Gabriel Boric Font (a remplacé Sebastián Piñera Echenique en mars)

Les violations des droits humains commises durant les manifestations massives de 2019 sont restées impunies. Les autorités ont créé des dispositifs pour faciliter l’attribution de réparations aux victimes. Cette année encore, des défenseur·e·s des droits humains ont fait l’objet de menaces et d’attaques. Des propositions de réformes concernant les droits à la santé et les droits sexuels et reproductifs étaient toujours en attente d’un examen législatif à la fin de l’année. Les personnes réfugiées et migrantes continuaient de se heurter à des obstacles de taille pour rester dans le pays.

Contexte

En septembre, la population a rejeté à une large majorité une proposition de nouvelle constitution qui aurait renforcé la protection des droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Différents groupes politiques se sont engagés à lancer un nouveau processus constituant.

Des territoires du nord et du sud du pays ont été soumis à un état d’urgence prolongé pendant une bonne partie de l’année en raison de la crise migratoire et du conflit entre l’État et le peuple mapuche.

Le Chili a ratifié l’Accord d’Escazú en mai.

Recours excessif à la force et droit à la vérité, à la justice et à des réparations

Des manifestations ont eu lieu, en particulier à Santiago, la capitale. La police est parfois intervenue en recourant à la force de manière excessive.
À la fin de l’année, le ministère public n’avait engagé des poursuites que pour 140 des 10 938 plaintes concernant des violations des droits humains commises par des agent·e·s de l’État lors des troubles sociaux de fin 2019. Ces affaires ont donné lieu à 17 condamnations et deux acquittements.

Un tribunal a condamné un ancien capitaine des carabineros (police nationale en uniforme) pour coercition illégitime. L’affaire avait rapport aux blessures subies par Fabiola Campillai, qui a perdu la vue, l’odorat et le goût après avoir reçu en plein visage une grenade lacrymogène tirée par la police alors qu’elle se rendait à un arrêt de bus en novembre 2019.

Un ancien commandant de police a été inculpé dans le cadre de l’affaire concernant Gustavo Gatica, blessé lors des manifestations de novembre 2019 et qui a perdu la vue. Une enquête était en cours.

Un tribunal civil a condamné un militaire à cinq ans d’emprisonnement pour avoir tué Kevin Gómez à Coquimbo en octobre 2019.

Le parquet du Centre-Nord a continué d’enquêter sur des hauts fonctionnaires du gouvernement de l’ancien président Sebastián Piñera inculpés de crimes contre l’humanité et de torture et autres mauvais traitements (« coercition illégitime » aux termes du Code pénal chilien). Parmi les personnes mises en cause figuraient des haut gradés des carabineros soupçonnés d’avoir commis de nombreuses violations des droits humains et infractions relevant du droit international pendant la crise sociale de 2019.

Le gouvernement a annoncé la création d’une Commission de réforme de la police et d’une Cellule consultative pour la réforme de la police, ainsi que d’un Programme global de vérité, justice et réparation pour les victimes de la crise sociale. Il a par ailleurs mis sur pied une Commission pour des réparations exhaustives, chargée de préparer une ligne de conduite et une loi en la matière.

Les pouvoirs publics ont déclaré qu’ils allaient mettre en place un nouveau programme visant à indemniser les plus de 400 personnes ayant subi des traumatismes oculaires pendant les manifestations, en remplacement du programme existant, qui était fortement critiqué.
Un tribunal a condamné un carabinero à quatre ans de probation intensive pour avoir blessé un manifestant à l’œil lors d’une marche étudiante en 2013.

La justice a condamné 10 anciens militaires dans l’affaire dite des « brûlés ». Elle les a déclarés coupables d’avoir frappé et brûlé après les avoir aspergés d’essence Rodrigo Rojas de Negri et Carmen Gloria Quintana lors d’une manifestation en 1986. Rodrigo Rojas était mort des suites de ses blessures.

Le gouvernement a lancé un Plan national de recherche des détenu·e·s disparus pour lever le voile sur le sort des milliers de personnes victimes de disparition forcée sous le régime d’Augusto Pinochet (1973-1990).

Arrestations et détentions arbitraires

Des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions pendant les manifestations massives de 2019 se trouvaient toujours derrière les barreaux. Beaucoup ont été acquittées faute de preuves après avoir passé de longues périodes en détention provisoire ; dans certains cas, il est apparu que les éléments de preuve avaient été forgés de toutes pièces. Des manifestations ont continué de se tenir tout au long de l’année pour réclamer la libération des personnes encore emprisonnées. Un projet de loi d’amnistie pour les personnes inculpées en lien avec les manifestations sociales de 2019 était toujours en cours d’examen au Congrès. À la fin de l’année, le gouvernement a gracié 13 personnes, presque toutes arrêtées pendant la crise.

Droits des peuples autochtones

Un tribunal a déclaré trois carabineros coupables de coercition illégitime et de harcèlement pour avoir forcé des mineurs mapuches à se déshabiller au cours d’un contrôle d’identité à Ercilla en 2018.

L’affaire de la mort d’Alex Lemun, un adolescent mapuche tué par la police en novembre 2002 dans la commune d’Angol, a été rejugée. Ce nouveau procès faisait suite à une décision de la Commission interaméricaine des droits de l’homme jugeant le Chili responsable de plusieurs violations des droits humains dans cette affaire. Un colonel des carabineros a été condamné en novembre à sept ans d’emprisonnement pour cet homicide.

Droits sexuels et reproductifs

Le ministère de l’Éducation a annoncé un projet de loi sur l’éducation complète à la sexualité, mais il ne l’a pas soumis au Congrès.

Droit à la santé

En 2022, le taux de mortalité lié à la pandémie de COVID-19 au Chili était parmi les plus élevés du continent américain, avec 3 215 décès par million d’habitant·e·s. L’une des promesses électorales du nouveau gouvernement était d’adopter des réformes en faveur d’un système de santé universel.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
Le Congrès a aboli la loi qui fixait un âge de consentement plus élevé pour les relations sexuelles entre personnes de même sexe. L’examen par le Congrès de modifications de la Loi de lutte contre la discrimination visant à améliorer la protection des droits des LGBTI a en revanche peu progressé.

Défenseur·e·s des droits humains et journalistes

Deux défenseures du droit à l’eau de la province de Petorca ont été prises pour cible : Verónica Vilches a reçu de nouvelles menaces de mort et la maison de Lorena Donaire a été incendiée en juin. Des enquêtes sur ces affaires étaient en cours à la fin de l’année.
Au cours d’un défilé organisé à l’occasion de la Fête du travail, un civil a tiré sur une journaliste d’une chaîne de télévision locale, qui est morte des suites de ses blessures.

Dégradations de l’environnement

Les villes de Quintero et de Puchuncaví, dans la région de Valparaíso, étaient touchées par une forte pollution, qui a posé des risques graves pour la santé publique à plusieurs reprises au cours de l’année. Les autorités ont annoncé la fermeture progressive de la fonderie Ventanas, responsable d’une partie des principales émissions de dioxyde de soufre dans la région.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Les autorités ont continué d’avoir recours à des pratiques illégales de préadmissibilité pour refuser à des personnes l’accès aux procédures d’asile. Ces procédures étaient longues (de deux à quatre ans) et très peu de gens étaient finalement reconnus comme réfugié·e·s. Les autorités ont repris les expulsions immédiates de personnes étrangères sans évaluer leur besoin de protection internationale ni les risques auxquels elles seraient exposées en cas de renvoi forcé.

Torture et autres mauvais traitements

Le Comité national pour la prévention de la torture a confirmé que des violations des droits humains avaient été commises dans un hôpital psychiatrique de la région de Valparaíso. Cependant, le parquet de Valparaíso a demandé le classement définitif de l’affaire.

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