Niger - Rapport annuel 2022

Niger - Rapport annuel 2022

République du Niger
Chef de l’État : Mohamed Bazoum
Chef du gouvernement : Ouhoumoudou Mahamadou

La Loi portant répression de la cybercriminalité a été révisée de manière à mieux protéger la liberté d’expression. Une nouvelle législation a mis en péril la liberté d’association. Les forces militaires et les groupes armés ont commis des atteintes aux droits humains. Les femmes et les filles étaient toujours en butte à la discrimination. Les droits des personnes migrantes et réfugiées ont été violés. Le conflit armé a aggravé l’insécurité alimentaire dans les zones touchées.

Contexte

L’ouest et le sud-est du pays étaient toujours en proie à des conflits armés. Parmi les groupes armés impliqués figuraient l’État islamique au Sahel (EIS), le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et Boko Haram. Le Parlement a approuvé en avril le redéploiement de l’armée française au Niger, après son retrait du Mali, ce qui a déclenché des manifestations à Niamey. La situation humanitaire demeurait catastrophique, avec près de 200 000 personnes déplacées par les conflits.

Liberté d’expression

Le 3 janvier, le tribunal de grande instance hors classe de Niamey a condamné les journalistes Samira Sabou et Moussa Aksar respectivement à un mois et deux mois de prison avec sursis, au titre de la Loi de 2019 portant répression de la cybercriminalité. Il leur était reproché d’avoir relayé les conclusions d’un rapport publié en mai 2021] par l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée, selon lequel des trafiquants auraient racheté de grandes quantités de stupéfiants saisis par les autorités. Selon ce rapport, des trafiquants auraient racheté de grandes quantités de stupéfiants saisis par les autorités.

En juin, le Niger a modifié la Loi de 2019 portant répression de la cybercriminalité pour la mettre en conformité avec les normes internationales relatives aux droits humains en remplaçant par des amendes les peines d’emprisonnement prévues pour diffamation et injure par un moyen de communication électronique.

Liberté d’association et de réunion

En février, les autorités ont promulgué un décret régissant le travail des ONG, qui limitait fortement l’autonomie des ONG intervenant au Niger (décret no 2022-182 du 24 février 2022). Son article 41 exigeait que tous les programmes et projets lancés par des ONG soient approuvés par l’État. D’autres articles imposaient des obstacles administratifs et n’autorisaient les ONG à poursuivre leurs activités au Niger qu’à condition que leurs objectifs soient conformes aux priorités nationales du gouvernement.

En août, les autorités ont interdit une manifestation contre la présence de forces armées étrangères dans le pays, organisée par une coalition de groupes de la société civile appelée M62.

Droit à la vérité, à la justice et à des réparations

En mai, les autorités ont clos l’enquête sur le décès de trois personnes en novembre 2021, lors de l’immobilisation d’un convoi militaire français par des manifestants violents à Téra. L’enquête a conclu qu’elle ne pouvait pas déterminer qui était responsable de la mort de ces trois manifestants ni des blessures occasionnées à 18 autres, mais elle a recommandé aux autorités françaises et nigériennes de verser une indemnisation financière aux victimes et à leurs familles.

Droits des femmes et des filles

La législation et les pratiques culturelles étaient toujours discriminatoires à l’égard des femmes. Selon le ministère de la Promotion de la femme et de la Protection de l’enfant, 76 % des filles étaient mariées avant leur 18e anniversaire. Le Niger maintenait ses réserves quant à certaines dispositions de la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, et la législation nationale demeurait discriminatoire en ce qui concerne le mariage, le divorce, l’héritage et la propriété foncière.

Droits des personnes détenues

Les droits des personnes détenues n’étaient pas respectés, en particulier à la maison centrale de haute sécurité de Koutoukalé. De nombreux prisonniers étaient privés de leur droit à la santé, et ne pouvaient notamment pas consulter de médecin. Leur droit de recevoir des visites était lui aussi limité. Les autorités carcérales empêchaient les familles d’apporter de la nourriture, des médicaments et de l’eau potable aux détenus. Le 7 mars, le colonel Hamadou Djibo, arrêté à la suite de la tentative de coup d’État de mars 2021, a écrit une lettre ouverte dénonçant les mauvais traitements qui lui étaient infligés en détention et la lenteur de la procédure judiciaire. Une semaine plus tard, les autorités ont commencé à autoriser les familles à rendre visite aux personnes incarcérées à Koutoukalé.

Droits des personnes migrantes ou déplacées

Au cours de l’année, des milliers de personnes migrantes (dont 14 000 entre janvier et mai) ont été violemment expulsées d’Algérie vers un lieu appelé le « point zéro », à la frontière nigérienne. D’après Médecins Sans Frontières, plus de 70 % d’entre elles ont témoigné avoir subi des violences et des mauvais traitements en Algérie. En juin, les corps de 10 migrant·e·s ont été retrouvés près de la frontière libyenne. En septembre, environ 2 100 personnes ont fui le camp de déplacé·e·s de Kabléwa, dans la région de Diffa, pour aller chercher refuge ailleurs, après avoir reçu des menaces de combattants de Boko Haram.

Attaques et homicides illégaux

  • Groupes armés

Des groupes armés ont perpétré des attaques et des homicides dans les régions de Tillabéri et du lac Tchad. Certaines de ces attaques étaient illégales et pourraient constituer des crimes de guerre. En février, selon le gouvernement, des membres d’un groupe armé s’en sont pris à un camion qui se rendait à Tizigorou, dans la région de Tillabéri. L’assaut a fait 18 morts et huit blessés parmi les civil·e·s. En mars, d’après des informations parues dans les médias, des combattants de Boko Haram provenant du Nigeria ont tué au moins 20 personnes dans cinq villages de la région de Diffa. Toujours en mars, dans la région de Tillabéri, 19 civils au moins ont été tués dans une attaque attribuée à l’EIS qui visait un convoi de commerçants près de Petelkolé, selon le ministère de la Sécurité publique.

  • Forces militaires

En février, à Nachadé, dans la région de Maradi, une frappe de l’armée nigériane a tué sept enfants et blessé cinq autres personnes. Selon le gouverneur de Maradi, l’opération visait des bandits.
En octobre, l’armée a été accusée d’avoir tué illégalement des orpailleurs artisanaux à Tamou, lors de frappes aériennes menées en réaction à une attaque contre un poste de police, qui avait fait deux morts et un blessé parmi les policiers. Dans un communiqué, les autorités ont nié tout homicide illégal et annoncé que sept combattants avaient été tués et 24 blessés. La Commission nationale des droits humains a annoncé en décembre, après enquête, que les frappes aériennes visaient le dépôt d’armes d’un groupe armé situé à proximité du site d’orpaillage et avaient fait 11 morts. Elles avaient été suivies d’une opération de ratissage au cours de laquelle 25 personnes, dont des civils, avaient été blessées.

Droit à l’alimentation et à l’eau

Le conflit et les déplacements de population qu’il a engendrés ont aggravé l’insécurité alimentaire et les pénuries d’eau. La sécheresse et les inondations ont par ailleurs réduit la production agricole. Selon les données officielles, plus de 4,4 millions de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire, soit près de 20 % de la population.

Les personnes déplacées, en particulier les enfants, souffraient de pénuries d’eau et de nourriture. Les filles étaient en outre déscolarisées par leur famille ou soumises à des mariages forcés ou précoces.

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