Arménie - Rapport annuel 2020

carte Arménie rapport annuel amnesty

République d’Arménie
Chef de l’État : Armen Sarkissian
Chef du gouvernement : Nikol Pachinian

Le conflit armé avec l’Azerbaïdjan, au cours duquel les deux parties en présence se sont rendues responsables de crimes de guerre et ont mené des attaques sans discrimination dans des zones habitées, a fait de nombreux morts, blessés et déplacés parmi la population civile. La liberté d’expression et de rassemblement pacifique a été limitée dans le cadre de l’état d’urgence mis en place pour lutter contre la pandémie de COVID-19, puis par la loi martiale décrétée en raison du conflit. Les problèmes environnementaux engendrés par l’exploitation de la mine d’or d’Amulsar ont suscité des manifestations non violentes, qui ont donné lieu à des dizaines d’arrestations et d’amendes.

Contexte de la situation des droits humains en Arménie

Le 27 septembre, des affrontements violents ont éclaté, opposant l’Azerbaïdjan à l’Arménie et aux forces soutenues par cette dernière dans la région séparatiste du Haut-Karabakh, en Azerbaïdjan.
Le 9 novembre, aux termes d’un accord de cessez-le-feu négocié sous l’égide de la Russie, l’Arménie a concédé l’essentiel du territoire azerbaïdjanais qu’elle occupait auparavant. Une partie du Haut-Karabakh, que se disputent les deux pays, et sa capitale régionale, Stepanakert/Khankendi, sont restées sous le contrôle des autorités de fait, soutenues par l’Arménie et dont la protection dépendait de la présence de forces russes de maintien de la paix. La défaite a suscité un profond mécontentement et des appels à la démission du Premier ministre, plongeant le pays dans une crise politique. Douze personnalités de l’opposition ont été arrêtées le 12 novembre pour leur rôle présumé dans des violences – le domicile du Premier ministre a notamment été attaqué et le président du Parlement a été roué de coups par une foule en colère, ce qui a conduit à son hospitalisation.

Selon la haute-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, au plus fort des combats, quelque 90 000 personnes appartenant à la communauté arménienne ont fui le Haut-Karabakh pour aller se réfugier en Arménie. Cet exode n’a fait qu’aggraver les effets déjà considérables de la pandémie de COVID-19.

Les réformes judiciaires et de lutte contre la corruption qui avaient été promises étaient au point mort, entre autres parce qu’elles manquaient de cohérence et parce que les autorités n’ont pas été capables de maintenir une dynamique de changement institutionnel. Ces réformes ont également souffert du conflit et de la pandémie, qui ont l’un comme l’autre eut des conséquences dévastatrices sur l’économie et le système de santé. Les hôpitaux et l’ensemble du secteur médical continuaient d’être débordés. Ils ont eu beaucoup de mal à prendre en charge le nombre croissant de patient·e·s touchés par la pandémie et par la guerre. Le gouvernement a apporté une aide financière limitée aux personnes qui avaient perdu leur emploi et aux familles de jeunes enfants.

Attaques menées sans discernement

Les deux parties au conflit du Haut-Karabakh ont fait usage d’armes explosives à large rayon d’impact (missiles balistiques, tirs de roquettes notoirement imprécis, etc.) dans des zones civiles densément peuplées, tuant et blessant des civil·e·s et provoquant d’importants dégâts dans les secteurs touchés. Selon des éléments qui ont pu être vérifiés, les deux camps ont utilisé des armes à sous-munitions, ce qui est interdit par le droit international humanitaire, notamment lors d’une offensive lancée le 4 octobre contre la capitale du Haut-Karabakh, Stepanakert/Khankendi, et d’une attaque menée le 28 octobre contre la ville de Barda, dans une zone sous le contrôle du gouvernement azerbaïdjanais [1] (voir Azerbaïdjan).

Crimes de guerre

Des crimes de guerre ont été commis par les forces arméniennes dans le Haut-Karabakh. Plusieurs vidéos, dont l’authenticité a été vérifiée, attestent que des prisonniers, notamment des prisonniers de guerre, ont été maltraités et que les cadavres de combattants ennemis ont été profanés par des membres des forces arméniennes. Sur l’une de ces vidéos, on voit notamment un garde-frontière azerbaïdjanais être égorgé [2].

Liberté d’expression et de réunion

Le droit à liberté d’expression et de réunion pacifique a été restreint pendant toute l’année, d’abord en raison de l’état d’urgence imposé de mars à septembre face à la pandémie de COVID-19, puis dans le cadre de la loi martiale, décrétée en septembre du fait des hostilités avec l’Azerbaïdjan et toujours en vigueur à la fin de l’année.

Au titre de l’état d’urgence, le gouvernement a entre autres interdit les rassemblements publics de plus de 20 personnes et la publication d’« informations non officielles » concernant les questions relatives à la pandémie. Les pouvoirs publics ont contraint 20 organes de presse à modifier ou à supprimer des informations qu’ils considéraient comme « susceptibles de semer la panique ». Les restrictions pesant sur les médias ont été levées en avril, à la suite de vives critiques exprimées par des organisations de défense des droits humains locales et internationales.

La loi martiale s’est traduite par une nouvelle restriction du droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Le Parlement a approuvé le 9 octobre un projet de loi interdisant la diffusion d’« informations non officielles » sur le conflit et sur les questions relevant de la sécurité nationale, ainsi que le fait de critiquer publiquement les opérations militaires ou les déclarations des représentant·e·s de l’État. Les restrictions de la liberté de réunion pacifique imposées au nom de la loi martiale ont été invoquées en novembre, après la conclusion d’un cessez-le-feu, pour interdire les manifestations hostiles au gouvernement et exigeant la démission du Premier ministre.

Dégradations de l’environnement

Le gouvernement a proposé en avril plusieurs modifications de la législation, qui l’autoriseraient à ne pas divulguer des informations susceptibles de « porter atteinte à l’environnement ». Les ONG écologistes ont dit craindre que les autorités ne cherchent en fait à limiter la transparence concernant les questions environnementales, au profit des intérêts miniers et au détriment des populations locales. Ce projet est intervenu sur fond de tensions persistantes concernant l’exploitation de la mine d’or d’Amulsar, dans le sud du pays.

Des habitant·e·s de la région bloquaient l’accès au site depuis 2018, estimant que la mine menaçait non seulement l’environnement, mais également leurs moyens de subsistance. Des centaines de militant·e·s se sont rassemblés sur place le 4 août, après que le personnel de sécurité nouvellement recruté par la société minière eut délogé de force les membres de la population locale qui empêchaient l’accès à la mine. Le 5 août, à la suite de violences entre manifestant·e·s et personnel de sécurité, la police a procédé à 12 arrestations. À Erevan, la capitale arménienne, la police a dispersé plusieurs manifestations simultanées de soutien aux militant·e·s écologistes et a interpellé des dizaines de manifestant·e·s pacifiques. Toutes les personnes arrêtées à Amulsar et à Erevan ont fait l’objet d’amendes administratives pour refus d’obtempérer, avant d’être remises en liberté.

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