Rapport annuel 2018

Népal

République démocratique fédérale du Népal
Cheffe de l’État : Bidhya Devi Bhandari
Chef du gouvernement : Sher Bahadur Deuba (a remplacé Pushpa Kamal Dahal en juin)

Près de 70 % des personnes qui avaient perdu leur logement lors du tremblement de terre de 2015 vivaient toujours dans des abris temporaires. Des milliers de personnes affectées par les inondations provoquées par la mousson dans la région du Teraï n’ont pas bénéficié d’une assistance satisfaisante, notamment en matière de logement. Les inquiétudes des populations autochtones et des Madhesis quant à certaines dispositions de la Constitution de 2015 qu’ils jugeaient discriminatoires sont restées sans réponse. Aucune enquête efficace n’a été menée sur le recours à une force excessive contre des manifestants dans la région du Teraï. Les efforts visant à garantir la vérité, la justice et des réparations aux milliers de victimes de violations des droits humains perpétrées lors du conflit armé qui a touché le pays pendant 10 ans ont été insuffisants. Cette année encore, des travailleurs migrants népalais ont été victimes de chantage et d’escroquerie, ou réduits en servitude. Ils ont aussi été exposés à d’autres violations de leurs droits humains dans le cadre du travail qu’ils exerçaient à l’étranger.

CONTEXTE

Des élections locales ont été organisées pour la première fois depuis plus de 20 ans. Des élections législatives et provinciales ont eu lieu en novembre et en décembre. En octobre, le Népal a été élu au Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

DROITS EN MATIÈRE DE LOGEMENT

Des centaines de milliers de rescapés du tremblement de terre de 2015 (soit près de 70 % des personnes touchées) vivaient encore dans des abris temporaires. Pour accorder une subvention à la reconstruction, le gouvernement exigeait qu’on lui présente des titres de propriété. Or, comme on estimait que jusqu’à 25 % de la population ne remplissait pas ce critère, des dizaines de milliers de rescapés ne pouvaient donc pas prétendre à cette aide. Cette situation a principalement affecté des groupes marginalisés et défavorisés, notamment les femmes, les dalits et d’autres minorités, qu’elles soient d’origine ethnique ou reposent sur la caste.
En août, la mousson a provoqué des inondations dans une vaste partie du sud du Teraï, tuant 143 personnes et en affectant 1,7 million d’autres. Plus de 400 000 habitants ont dû quitter leur foyer et plus de 1 000 logements ont été entièrement détruits. Les aides accordées aux victimes par le gouvernement ont été insuffisantes et les autorités ont bloqué toute tentative privée d’assistance. De nombreuses personnes n’étaient toujours pas logées décemment et vivaient dans des conditions déplorables.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE

Les forces de sécurité ont de nouveau recouru à une force injustifiée ou excessive lors de manifestations dans la région du Teraï, organisées notamment pour protester contre certaines dispositions de la Constitution. En mars, cinq manifestants ont été tués et 16 autres blessés quand la police a utilisé des armes à feu pour disperser des manifestants madhesis dans le district de Saptari.

DROITS DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS MIGRANTS

Le gouvernement n’a rien fait pour protéger efficacement les travailleurs migrants et mettre fin à la culture de l’impunité qui entoure les pratiques d’embauche illégales et criminelles. Ils ont systématiquement été victimes d’agissements illégaux et criminels de la part d’entreprises et d’agents de recrutement. Des recruteurs leur ont régulièrement fait payer des frais illégaux et excessifs, les ont trompés à propos de leurs conditions de travail à l’étranger et ont obtenu par la manipulation leur consentement à travailler à l’étranger en les accablant de dettes à leur embauche. Certains recruteurs ont été directement impliqués dans un trafic de main-d’oeuvre, une infraction punie par la Loi népalaise relative au contrôle de la traite et du transport des êtres humains.
Les migrants bloqués dans des situations où ils étaient forcés de travailler avaient le plus grand mal à obtenir le soutien des ambassades népalaises lorsqu’ils souhaitaient regagner leur pays. Il était rare que les recruteurs proposent une assistance de rapatriement aux travailleurs qui rencontraient des difficultés à l’étranger, malgré leurs obligations aux termes de la Loi relative à l’emploi à l’étranger. Les autorités n’ont pas mené d’enquête (notamment par le biais d’autopsies) concernant le grand nombre de travailleurs migrants décédés alors qu’ils travaillaient à l’étranger.
Aucun progrès n’a été réalisé dans la mise en place de la politique de « visa gratuit, billet gratuit » du gouvernement, qui avait pour but de réduire les frais d’embauche perçus par les agences de recrutement. À plusieurs reprises, le gouvernement s’est publiquement engagé à réduire les coûts de migration pour les travailleurs et à les protéger contre la contraction de dettes. Il a pourtant alourdi le fardeau qui pesait sur les migrants en augmentant les frais précédant le départ. En juillet, le Bureau chargé de promouvoir l’emploi à l’étranger a augmenté la somme que devaient verser les travailleurs migrants pour alimenter le fonds de prévoyance géré par le gouvernement.
Moins de 100 agences de recrutement ont été condamnées à des amendes ou poursuivies devant le Tribunal chargé de l’emploi à l’étranger pour avoir enfreint la législation népalaise encadrant l’emploi à l’étranger, alors que plus de 8 000 travailleurs migrants ont porté plainte contre des agents de recrutement. La Loi de 2007 relative à l’emploi à l’étranger dispose que les victimes doivent déposer plainte auprès du Département de l’emploi à l’étranger et empêche la police d’enquêter activement sur les entreprises de recrutement qui enfreignent le droit pénal népalais. Ces entreprises ont continué à user de leur influence politique pour empêcher les enquêtes, les poursuites et les réparations liées à l’exploitation de migrants et aux atteintes répétées à leurs droits.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Le système judiciaire demeurait archaïque et draconien. La torture et d’autres formes de mauvais traitements étaient toujours monnaie courante en détention provisoire afin d’extorquer des « aveux ».
Le nouveau Code pénal approuvé par le Parlement en août contenait des dispositions érigeant en infraction la torture et les autres formes de mauvais traitements et prévoyant un maximum de cinq années d’emprisonnement. Un projet de loi distinct contre la torture, toujours en cours d’examen par le Parlement à la fin de l’année, était loin d’être conforme aux obligations juridiques internationales en la matière.

JUSTICE DE TRANSITION

Le gouvernement n’a pas modifié la Loi de 2014 relative à la Commission sur les personnes disparues, la vérité et la réconciliation, comme l’avait pourtant ordonné la Cour suprême en 2014 et en 2015. À la fin de l’année, deux organes, la Commission de vérité et de réconciliation et la Commission d’enquête sur les disparitions forcées, avaient respectivement reçu plus de 60 000 et plus de 3 000 plaintes concernant des violations des droits humains, telles que des meurtres, des actes de torture et des disparitions forcées perpétrés par des membres des forces de sécurité et des maoïstes durant le conflit, entre 1996 et 2006. Aucune enquête efficace n’a été menée. Ces deux commissions ont cruellement manqué de ressources et de capacités, ce qui a affecté leur faculté à obtenir vérité, justice et réparation.

IMPUNITÉ

L’impunité est restée bien ancrée. Les partis politiques ont été peu enclins à modifier les lois relatives à la justice de transition. Cela a été largement perçu comme une volonté de privilégier la réconciliation et les compensations financières au détriment de la vérité, de la justice et d’autres réparations, notamment des garanties de non-répétition. Aucune enquête efficace n’a été menée sur les centaines de manifestants tués par les forces de sécurité depuis 1990 dans différentes parties du pays, dont la région du Teraï.

DISCRIMINATION

Les discriminations fondées sur le genre, la caste, la classe sociale, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, l’identité de genre et la religion persistaient. Les modifications apportées à la Constitution n’ont pas pleinement permis aux femmes de bénéficier des mêmes droits que les hommes en matière de citoyenneté. Elles n’ont pas non plus apporté de protection contre la discrimination aux groupes marginalisés, notamment les dalits et d’autres minorités ethniques et reposant sur la caste, ni aux personnes LGBTI.
Les sanctions et les délais de prescription concernant le viol prévus par le nouveau Code pénal étaient toujours bien en deçà du droit international et des normes internationales en la matière. La discrimination fondée sur le genre entravait toujours la capacité des femmes et des filles à contrôler elles-mêmes leur sexualité et à faire des choix éclairés en matière de procréation, à refuser les mariages précoces et forcés, et à recevoir les soins prénatals et de santé maternelle appropriés.

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